Présidence bleue : vers une meilleure prise en compte des enjeux de l’environnement marin et océanique
7 avril 2022
7 avril 2022
Alors que le premier tour des élections présidentielles approche, les organisations de protection de l’environnement ainsi que la communauté scientifique s’inquiètent de la faible présence des enjeux climatiques et environnementaux au sein des programmes des candidats et dans les débats. L’océan n’échappe pas à cette réalité. Pourtant, il joue un rôle fondamental dans les équilibres de la planète et de notre société.
Une trentaine d’organisations de la communauté océan publient le plaidoyer “Présidence Bleue : vers une meilleure prise en compte des enjeux marins et maritimes” afin d’interpeller les candidats sur la nécessité d’intégrer l’océan dans leur programme et de faire vivre à l’échelle nationale, européenne et internationale la “maritimité” de la France.
Immense écosystème continu ne connaissant pas de frontières physiques, l’océan fournit des services essentiels au maintien de la vie sur Terre, notamment en matière de régulation du climat. Puits naturel de carbone essentiel sur la planète, il atténue les effets du changement climatique en absorbant près de 30% des émissions de CO2 et plus de 90% des excès de chaleur issus des activités humaines. Il abrite en outre un patrimoine naturel considérable, dont 90% des espèces seraient encore inconnues.
À ces services écosystémiques s’ajoutent les opportunités économiques offertes par l’océan. Ainsi, 9 objets sur 10 de notre quotidien transitent par voie maritime, et 99% des informations numériques passent par des câbles sous-marins. L’économie maritime représente aujourd’hui plus de 400 000 emplois en France. Le secteur des pêches maritimes a un poids socio-économique important. L’océan dispose en outre d’un potentiel immense en matière d’énergies renouvelables ou de ressources génétiques (molécules) utilisées dans la santé ou la cosmétique.
Toutefois, les nombreux services que l’océan rend aux sociétés humaines sont sévèrement altérés par les effets combinés du changement climatique et des pressions anthropiques venues de la terre comme de l’exploitation irraisonnée de la mer. Dans leur dernier rapport “Impacts, Adaptation et Vulnérabilité“ (2022), les scientifiques du GIEC tirent la sonnette d’alarme : la dégradation de l’océan et de ses écosystèmes augmente de manière significative la vulnérabilité des populations humaines face aux risques climatiques et aux risques sanitaires.
La France est d’autant plus concernée qu’elle est un géant maritime : elle compte près de 20 000 kilomètres de côte, et la population y est 2,5 fois plus dense que sur le reste du territoire. Cette identité marine, couplée aux opportunités offertes par l’océan, appelle une vision maritime et marine française inscrite dans une perspective de développement durable.
Construit autour de 11 recommandations, ce plaidoyer aborde des sujets aussi variés que la protection des écosystèmes marins et littoraux, la pêche et l’aquaculture durable ou encore la transition écologique du secteur maritime. Chacune de ces mesures sont issues de la concertation entre les différentes expertises des ONG de la mer, et intègrent les enjeux environnementaux et socio-économiques. Elles ont pour ambition de proposer des solutions opérationnelles intégrant les différents niveaux de décisions locales, nationales, européennes et internationales, dans le but de faire baisser les pressions humaines sur l’océan et d’assurer sa capacité de résilience.
Parmi les mesures, est notamment rappelée la nécessité première de respecter les engagements de l’Accord de Paris, condition sine qua non de la bonne santé de l’océan. Le plaidoyer appelle à protéger 30% de la Zone Économique Exclusive (ZEE) française, dont 10% en protection haute et intégrale, et ce, sur chaque façade maritime et bassin ultramarin. Une demande largement partagée par les scientifiques et acteurs de la société civile à l’échelle nationale comme internationale. Il met en évidence la nécessité d’articuler pêche et aquaculture durable tout en repensant notre effort de pêche dans une approche écosystémique, alors que de nombreux stocks sont toujours surexploités. Il souligne également le potentiel de développement de l’éolien en mer dans le mix énergétique français à condition que la planification en mer tienne compte des enjeux environnementaux et de la reconquête de la biodiversité de nos habitats marins déjà très dégradés. L’océan restant un écosystème relativement méconnu, ce plaidoyer soutient enfin la nécessité d’organiser et de financer sur le long terme une recherche publique de pointe sur le milieu océanique.
Le constat partagé des chercheurs du GIEC et de l’IPBES concernant la vulnérabilité de l’océan et ses transformations imputables au changement climatique et aux diverses pressions anthropiques souligne l’urgence d’agir, et d’intégrer les enjeux océan-climat-biodiversité au sein d’une vision politique océanique française. Ils méritent dès lors une place singulière dans les programmes des candidats aux élections présidentielles.
En 2022, l’agenda international ouvre de nombreuses opportunités pour construire une stratégie pour un océan durable. La définition du cadre post-2020 pour la biodiversité dans le cadre de la Convention sur la Diversité Biologique, les négociations du traité sur la haute mer (dites “BBNJ”), la conférence des Nations Unies sur l’ODD 14 relatif à la vie aquatique, ou encore la COP27 de la convention climat en Égypte sur les bords de la mer rouge sont autant d’appels à agir soulignant le besoin d’un portage et d’une vision politique intégrée de l’océan. C’est aussi une opportunité diplomatique sans pareille pour la France.
Seconde puissance maritime mondiale grâce à ses territoires d’outre-mer, la France est présente dans 4 des 5 grands bassins océaniques. Son domaine maritime couvre près de 11 millions de km² – plus de 20 fois la surface des terres – dont 97% se situent en outre-mer. La France hérite à cet égard d’une responsabilité dont elle doit urgemment se saisir pour faire vivre sa maritimité et prendre des mesures transformatrices à l’échelle de ses territoires en faveur de la bonne santé océanique.
La préservation de l’océan, de sa biodiversité et de son rôle dans la régulation du climat, est une urgence qui doit transcender les clivages partisans. Il est absolument crucial de reconnaître ces enjeux à la hauteur de leur importance : celle de la dépendance directe de notre avenir au système océan-climat-biodiversité.
Source: Le Monde