L’éolien en mer, « secteur entier à construire », veut se faire une notoriété auprès des jeunes diplômés
14 avril 2023
14 avril 2023
Malgré l’inauguration récente du premier parc français offshore et l’objectif de construire cinquante sites d’ici à 2050, les formations spécifiques à l’éolien maritime ne font pas toutes le plein.
Depuis cinq mois, quatre-vingts mâts géants sont sortis des eaux au large de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Ces éoliennes en mer sont les premières de France et doivent fournir 20 % de la consommation annuelle d’électricité du département. Le gouvernement a pour ambition de porter à 40 % la part des énergies renouvelables dans la production électrique d’ici à 2030.Article réservé à nos abonné
Jean-Yves Pradillon forme les futurs chefs de projet de ces parcs. Il est responsable du master spécialisé expert en énergies marines renouvelables à l’Ecole nationale supérieure de techniques avancées, à Brest (Finistère), qui vient à peine d’ouvrir les inscriptions pour la rentrée 2023-2024.
Jusqu’à présent, les douze places disponibles pour former les chefs de projet des futurs parcs éoliens en mer ne se sont pas remplies très facilement. Cette année, il espère que les candidatures vont affluer. Il y a quelques semaines, lors des portes ouvertes de l’école d’ingénieurs, une discussion avec une étudiante des Mines de Paris, venue spécialement se renseigner sur cette formation, lui a donné le sourire. « Elle voulait travailler dans le secteur de l’éolien en mer, détaille-t-il. Notre master forme à plusieurs types d’énergie marine, mais l’éolien en mer est en train de se tailler la part du lion. Pour de jeunes ingénieurs, c’est un très beau défi, car il y a tout à faire, tout à construire. »
La filière de l’éolien en mer est de fait une page quasi blanche. Longtemps en retard, la France semble décidée à combler l’écart avec ses voisins européens. Après l’inauguration, le 22 septembre 2022, du parc éolien offshore au large de Saint-Nazaire, trois autres projets doivent être inaugurés dans les deux ans à venir. Le pays affiche des ambitions élevées : environ 40 gigawatts installés en 2050, soit une cinquantaine de fermes éoliennes. « Le secteur est en plein développement, explique Michel Gioria, délégué général de France Energie Eolienne (FEE), l’association qui représente les entreprises du secteur. En 2020, il représentait 1 600 emplois ; en 2022, on en comptait 6 000 et, en 2030, ce sera près de 15 000. L’attractivité auprès des jeunes est donc un enjeu crucial. »
Au large de Saint-Nazaire, le premier parc éolien sort de mer Ce besoin en main-d’œuvre se fait d’ores et déjà sentir. Selon les chiffres de la FEE, entre l’éolien terrestre et l’offshore, 1 000 postes sont actuellement à pourvoir en France. De chargé de maintenance à coordinateur de chantier, en passant par responsable d’étude environnementale, les profils recherchés sont variés. Pour répondre à cette pénurie, certaines entreprises créent même leur parcours de formation maison, à l’image du constructeur Siemens Gamesa, qui a lancé en Bretagne une formation rémunérée de technicien, en partenariat avec les acteurs locaux de l’emploi. Chaque jour de nouvelles grilles de mots croisés, Sudoku et mots trouvés.
Jouer Patrick Guérin est responsable de la licence professionnelle maintenance et technologie en éolien offshore, à l’IUT de Saint-Nazaire, depuis une dizaine d’années. Un cursus qui forme les futurs chefs d’opération et techniciens de maintenance. Il vient d’ouvrir les inscriptions pour la rentrée prochaine. Impossible pour lui de prédire un éventuel boom des candidatures liées à l’inauguration officielle du parc voisin. « Il y a deux ans, j’ai constaté un pic dans le nombre de dossiers, et j’ai rempli très vite mes douze places. L’an dernier, c’était plus compliqué », constate-t-il sans vraiment parvenir à trouver une explication à part, peut-être, un « manque de notoriété » du secteur, qu’il aimerait voir comblé par des campagnes de communication. Bifurcation « La France a raté le virage de l’éolien posé avec des fondations, mais veut se positionner sur le flottant. Pour des ingénieurs, c’est un super défi technologique doublé d’un enjeu sociétal fort », souligne Julien Touboul, directeur adjoint de l’Institut des sciences de l’océan et coresponsable du master spécialisé ingénierie marine et éolien offshore à Centrale Marseille.
L’enseignant a constaté une légère progression dans le nombre de dossiers de candidature et mise sur une augmentation dans les mois à venir, grâce au « bruit médiatique » autour du parc nazairien. « Avant la construction du premier site français, ce n’était pas concret, les étudiants ne parvenaient pas à se projeter, complète Franck Schoefs, directeur de l’Institut universitaire mer et littoral, à l’université de Nantes. Désormais, je constate l’intérêt des jeunes pour les ingénieries vertes. Ils se destinaient à l’industrie navale ou pétrolière offshore, mais bifurquent dès la licence vers les énergies renouvelables en suivant des masters en électrotechnique ou en hydrodynamique. » A en croire ce spécialiste, nul besoin de suivre un cursus spécifique, une bonne formation généraliste peut suffire. « La filière a d’abord besoin de bons cadres avec des fondamentaux solides en droit ou en électrotechnique, qui apprendront dans un second temps les spécificités de l’éolien. »
La preuve : de plus en plus de jeunes professionnels optent pour une reconversion dans ce secteur porteur. « Nous voyons arriver des professionnels du secteur pétrolier qui veulent changer d’univers. Ils ont les connaissances du monde maritime et la satisfaction de travailler dans un secteur avec moins d’impact sur le climat », analyse Michel Gioria, qui rappelle que l’âge moyen dans la filière est inférieur à 40 ans.