Le continent de plastique du Pacifique grouille de vie, et c’est une très mauvaise nouvelle

Dans l’océan Pacifique, les scientifiques ont découvert que de nombreuses espèces se développent dans l’immense amas de plastique surnommé le huitième continent.

PLASTIQUE – La poubelle a pris vie. Au beau milieu du Pacifique, entre Hawaï et la Californie, une quantité phénoménale de déchets s’amassent, dessinant l’une des zones les plus polluées de la planète. Le tout forme le célèbre continent de plastique, qui s’étend sur 3,5 millions de km2, soit six fois la surface de la France… et l’on est en train de s’apercevoir qu’il y a du monde qui vit à bord.

C’est le nageur Benoît Lecomte qui a d’abord donné le signal. En 2019, il obtient le record du monde de la plus longue distance de nage de 555 km… En passant à travers cette zone extrêmement polluée. À son retour il communique aux scientifiques une information étonnante : un riche écosystème semble se développer, se nourrir au milieu de tout ce plastique en décomposition.

Le vortex, aussi appelé « Great Pacific Garbage Patch » (GPGP) par les scientifiques, est alors étudié de près. En avril 2022, une étude confirme les impressions du nageur. Elle s’intéresse l’ensemble des organismes qui vivent à la surface de l’eau (le neuston) présents sur le continent. « Les densités de neuston dans le GPGP sont parmi les plus élevées jamais décrites », constate l’étude.

Parmi ces petits êtres vivants on trouve des cnidaires, des algues, des mollusques. Les scientifiques notent par exemple la présence de prédateurs, dont certains superbes spécimens, tels que le dragon de mer bleu Glaucus et les escargots violets Janthina. Plus on va vers le centre du continent de plastique, plus la quantité de neuston est importante.

Les scientifiques ont repéré une densité de neuston parmi les pluss élevées jamais décrites, dont le dragon de mer bleu Glaucus.
CRÉDITS : S.ROHRLACH.

Des espèces qui n’ont rien à faire là

Bonne nouvelle ? Pas forcément. Une seconde étude, publiée cette semaine dans Nature, examine les populations qui se sont développées sur les déchets plastiques. Selon ses conclusions, 80 % des espèces qui vivent sur le continent de plastique viennent des côtes. On trouve notamment des petits crabes ou des anémones. Des dizaines d’espèces qui n’ont rien à faire là, mais qui ont réussi à survivre et à se reproduire sur les déchets.

« Ces plastiques sont comme des petits radeaux qui transportent les espèces à travers l’océan », image Mélanie Ourgaud, océanographe et écologue au CNRS. « Ce transport des espèces se fait naturellement, lorsqu’elles se posent des morceaux de bois par exemple. Mais le bois finit par pourrir et couler, là ou le plastique persiste dans l’environnement et leur laisse le temps de se développer et de se reproduire ».

Le continent de plastique se compose de déchets en décomposition, mais aussi de micro-plastiques et nano-plastiques invisibles à l’oeil nu.
BENOÎT LECOMTE, 2019.

Le continent de plastique, par sa taille et sa densité donne l’occasion aux espèces de se mélanger, puis de repartir bien plus loin qu’il ne le faudrait, avec les courants marins. Cela peut avoir des conséquences dramatiques. « Les espèces vont s’introduire et se propager loin de leur milieu d’origine. Cela peut déséquilibrer les écosystèmes, apporter de nouveaux virus, perturber la pêche… », met en garde l’océanographe.

Pour le moment les conséquences de l’introduction de nouvelles espèces à cause de la pollution plastique restent peu étudiées. « Il est difficile de savoir exactement ce qui se passe, mais nous avons vu des preuves que certaines des anémones côtières mangent des espèces de haute mer », estime Linsey Haram, chercheuse de l’étude sur CNN. Des organismes qui normalement ne devraient pas se rencontrer.

Toutes ces interactions viennent déséquilibrer l’équilibre naturel de la mer, déjà dans un état critique en raison du réchauffement et de la pollution. Chaque minute, 15 tonnes de plastiques sont déversées dans les océans.

Source: HUFFPOST