« Au Groenland et en Antarctique, les données montrent une accélération de la fonte des glaces »
7 juillet 2022
7 juillet 2022
La France veut influencer les discussions internationales sur le statut de l’océan. Un accord pourrait être signé en 2025, estime Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes.
La France a accueilli en février dernier un sommet mondial sur l’océan à Brest. Quelles seront les suites de cet événement ?
Le One Ocean Summit de Brest s’inscrit dans la volonté de la France, au sein de l’Union européenne, d’être un pays leader sur les sujets maritimes à l’échelle internationale. Nous avons des atouts, notamment l’importance de notre domaine maritime, l’un des plus grands au monde.
A Brest, l’UE a confirmé le financement pour la réalisation d’un jumeau numérique de l’océan. Nous voulions aussi mobiliser la communauté internationale sur l’interdiction du plastique à usage unique. Car il faut ramasser ce que l’on trouve, faire en sorte que plus rien ne tombe dans l’océan et arrêter la production. Sur ce sujet, il y a consensus et un traité international devrait être signé d’ici 2024.
Enfin, à Lisbonne la semaine dernière, le président Emmanuel Macron a proposé d’organiser avec le Costa Rica la prochaine conférence Onu sur l’Océan et de l’accueillir en France en 2025. Nous espérons y signer un accord international qui fera pendant à l’Accord de Paris sur le climat de 2015.
Les négociations sur la surpêche ou le statut juridique des eaux internationales sont-elles aussi en bonne voie ?
Sur ces sujets, l’opinion publique est alertée, les scientifiques travaillent, mais les Etats ne sont pas encore assez engagés. Sur la surpêche, Brest a constitué un moment de basculement. Un premier accord vient d’être conclu à l’OMC pour l’interdiction des subventions aux pêches illégales, un contrôle et des sanctions.
Sur la haute mer, qui constitue 60 % de la surface de l’océan, la France est un des pays les plus actifs pour parvenir à la signature d’un accord sur la gouvernance des eaux internationales au mois d’août prochain, à New York, lors d’une conférence intergouvernementale.
Aboutir à un accord international sur les ressources marines n’est-il pas particulièrement difficile, alors que certains Etats demandent un moratoire et que d’autres souhaitent procéder à une exploitation minière des fonds marins ?
C’est long et compliqué, surtout dans une période où le multilatéralisme est mis à mal, notamment par la guerre en Ukraine. Les positions singulières prennent parfois le dessus sur le collectif.
Sur l’exploitation des ressources marines, génétiques et minières, la position des pays développés diverge de celle du G77, la coalition de pays en développement. Nous devrons trouver un dispositif attractif de partage , de transparence, d’accès aux données, de gouvernance et, éventuellement, de transfert des technologies.
Emmanuel Macron, lors de la présentation du plan France 2030, en octobre 2021, a fait des fonds marins une de ses priorités. Quelle est la position de la France concernant l’exploitation minière ?
Aujourd’hui, on est extrêmement loin d’une exploitation minière même partielle des océans. Mais on sait que la mer peut produire de façon non dégradante pour l’environnement. Cela doit être cadré. Et si on exploite dans des conditions durables, il n’y a pas de raison de ne pas le faire.
La position de la France est modérée. C’est celle de la nécessité de la connaissance des fonds marins et d’une évaluation précise d’impact environnemental. Si on allait vers un moratoire d’exploration, on se priverait de cette connaissance.
Vous êtes également ambassadeur des pôles. Leur fonte rapide doit-elle nous inquiéter ?
Nous devons avoir une vision globale de l’hydrosphère : les fleuves, les zones humides, l’océan, les pôles. Car ce qui se passe aujourd’hui au Groenland est dramatique. Le Giec prévoit une montée des eaux d’un mètre d’ici 2100. Mais les données que nous avons au Groenland et en Antarctique montrent une accélération de la fonte des glaces . Si l’Antarctique lâche, on ne parle plus d’un mètre, mais de deux, voire plus.
Avec le phénomène de littoralisation des populations, près de 3 milliards de personnes seront menacées par la montée des eaux, et pas seulement sur quelques îles submergées. Par ce que tout est lié, en 2025, on doit rapprocher l’Accord de Paris d’un accord sur l’océan.