Polar Pod, la station dérivante des mers australes

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jean-Louis Etienne est déterminé. Et tenace. Dix ans après le lancement de son projet de plateforme scientifique dérivante Polar Pod, celui-ci est désormais sur les rails. Son départ est prévu de Port Elizabeth, en Afrique du Sud, en 2024 Il devrait ensuite rejoindre le courant subantarctique sur lequel il va dériver tr ois ans et, donc, effectuer deux circumnavigations.

Polar Pod est un engin unique : une station dérivante autonome montée sur une architecture très particulière inspirée des plateformes pétrolières de type SPAR. En tout, Polar Pod va mesurer 125 mètres de haut pour un tirant d’eau de 75 mètres et un tirant d’air de 40 mètres. Il sera constitué d’un flotteur en acier, d’une nacelle en aluminium et de 260 m² de voilure répartis en deux ailes. D’un poids en charge de 800 tonnes, son ballast pèsera quant à lui 150 tonnes. Quand Laurent Mermier, son architecte naval de Ship-ST à Lorient, l’a imaginé, il savait que le projet de Jean-Louis Etienne était de faire dériver une station au milieu des féroces latitudes des 40 et 50èmes Sud. Il a donc imaginé une solution qui garantirait, même dans des conditions difficiles, la stabilité de la plateforme. Reprenant le principe du culbuto, Polar Pod revient toujours à la verticale, même s’il est couché.

La plateforme est prévue pour être en déphasage par rapport aux vagues. Son déplacement vertical correspond à une hauteur de 20% par rapport à celle de la vague : pour une vague de 10 mètres, le Polar Pod va donc avoir un mouvement de 2 mètres. Il sera capable de supporter des états de mer de 19 à 20 mètres de hauteur significative, soit des vagues extrêmes de 36 mètres de crête à creux et des vents dépassant les 70 nœuds. Aucune propulsion, la plateforme ne sera portée que par le courant. Des voiles pourront être déployées pour des manœuvres en cas de route de collision ou d’éloignement du courant circumpolaire, en raison de l’action de la force de Coriolis.

Silence quasi-total de la plateforme, stabilité dans des eaux réputées féroces, navigation dans le si peu connu océan Austral, échantillonnage sur de longues périodes et à toutes les saisons… des avantages qui ont immédiatement séduit les scientifiques qui se bousculent au portillon depuis que Jean-Louis Etienne a présenté les premières ébauches. Plus d’une quarantaine de laboratoires, d’universités et d’écoles, d’une douzaine de pays, sont intéressés par cette étude au long-cours. Des climatologues, qui vont pouvoir réaliser des mesures d’échanges atmosphère-océan très précis ; des biologistes qui vont recenser les espèces marines, du krill à la baleine bleue, grâce aux hydrophones installés sur la quille ; de l’océanographie spatiale qui va bénéficier d’un relais dans un endroit très peu fréquenté ou encore de l’évaluation de la pollution par plastique ou micro-contaminants. Concrètement, la prochaine étape pour Polar Pod est la construction qui devrait débuter cette année.

C’est l’Ifremer qui pilote l’appel d’offres et le chantier de construction de l’engin devrait être connu dans les jours à venir. La mise à l’eau sera suivie d’une longue phase d’essais en mer pour, donc, un départ en 2024. Il a également été annoncé que les relèves bimestrielles des trois marins et quatre scientifiques seront effectuées à l’aide d’un voilier ravitailleur, baptisé Persévérance. Il s’agit d’une goélette de 42 mètres dessinée par les architectes Olivier Petit, qui a notamment signé Antarctica devenu Tara, et Simon Watrin, de VPLP. Ce navire a été commandé au chantier Piriou en décembre dernier et devrait être mis à l’eau en mars 2023.

Source: Mer et Marine