COP26 : « L’acidification des océans est une véritable épée de Damoclès »
5 novembre 2021
5 novembre 2021
Dans le cadre de la COP26 qui se tient à Glasgow jusqu’au 12 novembre, Futura vous propose une série d’entretiens avec des experts du climat pour décrypter le réchauffement climatique en cours, ses causes et ses conséquences, les risques auxquels nous devrons faire face si nous ne parvenons pas à maîtriser la hausse des températures et à ne pas dépasser les 1,5 °C, les solutions qui existent et celles à mettre en place. L’urgence climatique n’est pas un vain mot ! Aujourd’hui, nous donnons la parole à Catherine Jeandel, chercheuse du CNRS au Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales.
Catherine Jeandel, chercheuse du CNRS au Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales, nous parle des océans et de leur fonctionnement.
Catherine Jeandel : Les océans sont affectés par trois types d’impacts dont deux sont directement liés aux émissions de CO2 : le réchauffement climatique (dû à l’augmentation de l’effet de serre), les émissions de CO2 (hors effet de serre) qui touchent tout l’océan, enfin les pollutions plus locales même si on les retrouve sur toute la surface des mers, que ce soit par les plastiques, les métaux ou les hydrocarbures. J’étudie l’océan et son fonctionnement avec les outils de la géochimie. C’est une discipline qui utilise les propriétés des éléments chimiques pour suivre les circulations des masses d’eau, quantifier la soustraction du carbone par l’activité biologique ou d’autres phénomènes comme l’acidification ou les pollutions marines.
Catherine Jeandel : Plus de 90 % de la chaleur émise depuis 1850 est stockée dans les océans, dans les 1.000 premiers mètres : ce sont eux qui encaissent l’augmentation de la chaleur de la Terre car les sols n’en sont pas capables. Or, si notre climat est relativement stable depuis la fin de la dernière période glaciaire, c’est grâce à un équilibre qui s’est établi entre océan et atmosphère. L’acteur majeur de ces échanges est une vaste circulation océanique entre la surface et les profondeurs : une immense boucle de courants marins que l’on appelle la circulation thermohaline. Ce phénomène est lié aux différences de densité de l’eau de mer, elles-mêmes dues à des différences de température et de salinité des masses d’eau. Cette circulation transporte d’énormes flux d’énergie d’un bout à l’autre du globe. C’est facile de comprendre que le réchauffement climatique perturbe cet équilibre. On surveille notamment de très près le Gulf Stream qui aurait un peu perdu en vitesse, bien que ce soit difficile à détecter car ses variations se superposent à la variabilité naturelle des océans. Et on ne sait pas encore où cela nous mène… Une chose est sûre : ces variations et mouvements de masses d’eau sont fondamentaux pour notre climat, pour le niveau des mers ou encore pour la migration d’espèces comme les maquereaux qui ont quitté le Golfe du Saint-Laurent pour aller plus au nord.
Catherine Jeandel : Une partie du CO2 atmosphérique se dissout au contact de l’océan. Cela contribue à modérer le réchauffement global de la planète mais cela acidifie aussi l’océan via une réaction chimique simple. Quand le CO2 réagit avec l’eau, cela libère des ions H+, dont la concentration est directement liée à l’acidité, au pH. Les échanges ayant lieu avec l’atmosphère, le phénomène concerne les eaux de surface, ce qui représente tout de même une profondeur entre 750 mètres et 2.000 mètres selon les endroits du globe. Les eaux de surface se sont acidifiées d’environ 30 % au cours du XXe siècle et on s’attend à ce que le phénomène soit trois fois plus intense d’ici 2100 si on ne fait rien. Cela nous inquiète énormément. Toute la biodiversité marine risque d’être affectée, notamment tout ce qui a un squelette calcaire, à commencer par certaines algues, les coccolithophoridés, qui sont à la base de la chaîne alimentaire, mais aussi les moules, les huîtres ou encore certains coraux. Certaines espèces vont disparaître… Les larves d’huîtres sur la côte nord-ouest des États-Unis ont déjà témoigné de grandes difficultés à amorcer leur calcification.
Catherine Jeandel : Qu’ils agissent enfin ! Il faut arrêter de chauffer et d’acidifier les océans, dès demain ! L’ennemi public numéro 1 est le CO2 et le meilleur atome de carbone est celui qui reste dans le sol. Il faut s’engager dans la sobriété énergétique et développer les énergies renouvelables.
Source: Futura Planéte