L’hymne à l’océan: «Avant, on avait le luxe d’étudier. Maintenant, il faut agir»

L’océanographe Sylvia Earle arpente les fonds marins depuis plus de soixante ans. Titouan Bernicot a fondé Coral Gardeners, une organisation de protection des récifs coralliens. Ils alertent sur l’importance de la protection des écosystèmes marins.

A l’occasion de la journée mondiale de l’océan, le 8 juin, Rolex a, à travers son Initiative Perpetual Planet, organisé une discussion entre Titouan Bernicot, fondateur de Coral Gardeners et Sylvia Earle, océanographe de renom. L’occasion pour l’entreprise de montrer son engagement pour ces étendues bleues essentielles qui recouvrent plus de 70% de la planète. A lui seul, l’océan absorbe près de la moitié du CO2 émis dans l’atmosphère par les activités humaines et capture 90% de la chaleur générée par celles-ci. L’océan abrite la majorité de la biodiversité terrestre. Mais seules un quart des profondeurs océaniques ont été cartographiées et seulement 5% explorées. Ce vide abyssal n’empêche pas l’extinction de masse en cours dans les fonds marins. Les scientifiques estiment qu’entre 1970 et 2018, au moins 70% des requins océaniques ont disparu. Les récifs coralliens, si indispensables à la survie de centaines de milliers de personnes et à la protection des côtes, sont en danger. «L’océan est en train de mourir», alerte la célèbre océanographe, exploratrice et professeure Sylvia Earle et «témoignage Rolex» depuis 1982. Cette pionnière des océans arpente les profondeurs sous-marines depuis plus de soixante ans. «Au début de ma carrière, personne ne pensait que l’océan pouvait être en danger», rapporte-t-elle. Mais des milliers d’heures passées dans les fonds marins lui ont montré le contraire: «J’ai vu le prix payé par la nature».

 

Sylvia Earle est un témoignage Rolex depuis 1982. Pionnière de l’exploration des océans, elle a passé plus de 7 000 heures sous l’eau, mené plus de 100 expéditions et milite depuis longtemps pour la préservation de nos océans. — © Rolex/Franck Gazzola
Sylvia Earle est un témoignage Rolex depuis 1982. Pionnière de l’exploration des océans, elle a passé plus de 7 000 heures sous l’eau, mené plus de 100 expéditions et milite depuis longtemps pour la préservation de nos océans. — © Rolex/Franck Gazzola

 

J’ai vu le prix payé par la nature

Sylvia Earle, océanographe et exploratrice

Au contact de l’eau, le CO2 s’y dissout naturellement, ce qui provoque l’acidification de l’eau. Celle-ci impacte directement de nombreux organismes marins, tels que le zooplancton. Sa coquille, composée de carbonate de calcium, est beaucoup plus compliquée à fabriquer en milieu acide. Et comme la chaîne alimentaire des eaux océaniques passe par le zooplancton avant d’atteindre le reste de la faune marine, c’est potentiellement tout le début de la chaîne alimentaire qui est en danger.

Le réchauffement climatique induit également une diminution de la salinité des océans (via la fonte des glaciers) qui provoque le ralentissement des courants, et implique une augmentation irrémédiable de la température des eaux des régions chaudes de la planète. Cette hausse des températures impacte dramatiquement les coraux, dont la moitié sont déjà morts.

 

Un réseau d’explorateurs et de scientifiques

 

Cette disparition, Titouan Bernicot, «l’enfant de l’océan», l’a observé de ses propres yeux. Il grandit en Polynésie française, dans un petit atoll où ses parents cultivaient des perles tahitiennes. Une enfance rythmée par les vagues où tout se rapporte à l’océan. «Le récif corallien, c’est toute ma vie. Ce sont les meilleures vagues. C’est le poisson qu’on mange. C’est notre protection contre les tempêtes», sourit-il. «Un récif corallien n’est pas seulement un récif. C’est un écosystème qui comprend des milliers d’espèces. Pour avoir des récifs coralliens sains il faut des océans sains», insiste Sylvia Earle. En 2015, alors âgé de 16 ans, Titouan Bernicot se rend compte que les coraux blanchissent. «Je n’avais pas le temps d’étudier ce phénomène à l’école, je devais agir, et vite», rapporte-t-il. Une optique que Sylvia Earle défend également: «Avant, on avait le luxe d’étudier. Maintenant, il faut agir.» A 18 ans, Titouan fonde Coral Gardeners, avec qui il réinvente les règles de la conservation en montrant aux jeunes qu’en restaurant les récifs coralliens, c’est l’environnement tout entier qu’il protège. «Rolex et son Initiative Perpetual Planet [dont Coral Gardeners devient partenaire en 2022] et National Geographic ont été mon école. Grâce à eux, j’ai accès à un réseau d’explorateurs, de scientifiques. Je peux leur parler de ce que je vois sous l’eau dans notre jardin et ils m’apportent des explications. C’est fantastique!» s’exclame-t-il.

 

Titouan Bernicot a fondé Coral Gardeners en 2017 après avoir pris conscience de la dégradation des coraux sur la barrière de corail qui entourait son île natale, l'île de Moorea en Polynésie française. Depuis, Bernicot et son équipe ont planté plus de 100 000 coraux.
 — © Rolex/Tim McKenna
Titouan Bernicot a fondé Coral Gardeners en 2017 après avoir pris conscience de la dégradation des coraux sur la barrière de corail qui entourait son île natale, l’île de Moorea en Polynésie française. Depuis, Bernicot et son équipe ont planté plus de 100 000 coraux. — © Rolex/Tim McKenna

 

Au plus près des coraux

 

Les «cultivateurs» de coraux prélèvent des fragments de coraux sur des colonies qui ont résisté aux épisodes de blanchissement qu’ils cultivent dans des pépinières pendant douze à dix-huit mois, puis les «collent» sur d’autres récifs à proximité avec du ciment marin, et suivent ensuite leur croissance. Titouan Bernicot remarque déjà l’impact concret de leur action sur les coraux: les couleurs et la vie reviennent. Actuellement, Coral Gardeners fait pousser environ 30 000 coraux sous l’eau dans huit pépinières différentes disséminées en Polynésie française et trois aux Fidji. L’association a atteint son objectif de planter 100 000 coraux fin 2023.

100 000 coraux plantés grâce à Coral Gardeners

Pourtant, les débuts ont été difficiles. Les coraux des pépinières blanchissaient. «J’avais très peur. J’ai cru que nous allions tous les perdre. Puis, je me suis rendu compte qu’à 20 cm du corail qui blanchissait et mourait, un autre résistait. C’est comme les humains face aux virus. Certaines personnes réagissent différemment que d’autres. Cela ne dépend pas de l’espèce mais des individus au sein d’une espèce. La nature a besoin d’être diversifiée pour bien fonctionner», rapporte-t-il. Aujourd’hui, quatre scientifiques travaillent à plein temps avec Coral Gardeners afin d’élaborer la meilleure stratégie possible de conservation. L’association se concentre sur les coraux «résilients». Soit ceux qui, âgés de plus de 50 ans, ont survécu à la première vague de blanchissement des coraux, qui date de 1998.

 

Vue aérienne de l'équipe Coral Gardeners dans une pépinière de corail à Mo'orea, en Polynésie française.
 — © Rolex/Tim McKenna
Vue aérienne de l’équipe Coral Gardeners dans une pépinière de corail à Mo’orea, en Polynésie française. — © Rolex/Tim McKenna

 

La technologie au service de l’environnement

 

Suivi par près de 670 000 followers sur Instagram, Coral Gardeners défend l’utilisation de la technologie pour communiquer et réveiller les consciences. «Par le passé, la technologie a beaucoup été utilisée pour détruire la planète. Mais elle peut aider à la sauver. Ce serait dommage de ne pas l’utiliser pour collecter les données. Avant, on avait besoin d’un mois pour monitorer un récif de corail. Maintenant, cela nous prend trois jours».

 

Sylvia Earle a fondé Mission Blue, une initiative que Rolex soutient depuis 2014, dans le but de contribuer à la protection d'un réseau mondial de Hope Spots marins. Il existe aujourd'hui plus de 160 Hope Spots, couvrant plus de 57,5 millions de kilomètres carrés des océans de la planète.
 — © Rolex/Franck Gazzola
Sylvia Earle a fondé Mission Blue, une initiative que Rolex soutient depuis 2014, dans le but de contribuer à la protection d’un réseau mondial de Hope Spots marins. Il existe aujourd’hui plus de 160 Hope Spots, couvrant plus de 57,5 millions de kilomètres carrés des océans de la planète. — © Rolex/Franck Gazzola

 

Cette technologie et les informations récoltées sur les fonds marins donnent espoir à Sylvia Earle: «C’est le meilleur moment pour être en vie. Comme Titouan et ses collègues, ils savent quoi faire et le font!» Pour elle, le problème principal des océans est que «personne n’est au courant de leur importance». C’est pourquoi Sylvia Earle a créé, en 2009, un ambitieux projet de conservation des océans, Mission Blue. Le programme vise à créer un réseau planétaire d’aires marines protégées: les Hope Spots. Depuis 2014, Rolex soutient Mission Blue dans ses efforts pour aider à protéger 30% des mers du monde d’ici à 2030, conformément à l’objectif recommandé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) pour préserver la santé des océans. Plus de 163 Hope Spots (points d’espoir) ont déjà été reconnus. «Aujourd’hui, seuls 3% sont protégés. Cela signifie que 97% de sa surface est ouverte aux mines, à la pêche industrielle…» avertit la pionnière des océans qui saute d’une conférence à une autre, dans l’espoir d’alerter sur l’importance de la conservation de ces écosystèmes. «On doit absolument élargir la sauvegarde des océans. Les protéger comme si notre vie en dépendait car c’est le cas», conclut Sylvia Earle.

Pour Titouan Bernicot, la conservation des océans, en plus d’être essentielle, se doit de devenir un nouveau modèle de société: «Il faut que chaque citoyen puisse y participer de ses mains. Que la protection de la planète soit enrichissante, «cool», significative et amusante».

Source: le temps