Si la présence chinoise en Afrique se déploie à travers nombre d’infrastructures terrestres, de façon plus discrète, Pékin est tout aussi présent dans les fonds marins. Le continent est ainsi très dépendant des câbles sous-marins posés ou financés par la Chine. Une situation qui fragilise l’influence des États-Unis dans la zone.
Et si le prochain champ de bataille entre la Chine et les États-Unis se trouvait sous les mers et les océans, dans les fonds sillonnés par les câbles sous-marins ?
C’est l’hypothèse que fait Foreign Policy dans un article qui plaide pour une aide américaine au développement des infrastructures technologiques africaines. Le site d’analyse géopolitique s’appuie sur un constat simple : le continent africain connaît la croissance la plus rapide de la planète en matière de bande passante (le volume de données pouvant être transporté d’un point à un autre dans un laps de temps). L’installation de câbles sous-marins a donné un avantage certain à la Chine, “tout en créant une vulnérabilité sécuritaire en raison du risque d’ingérence russe”.
Fort de ce constat, le Foreign Policy détaille l’utilité de ces câbles, qui permettent un meilleur accès à Internet sur le continent, améliorant la connexion entre les habitants tout en créant un réseau d’infrastructures numériques. Une course à la connectivité et à la numérisation qui a son importance dans le jeu et le redéploiement des puissances internationales. En effet, la dépendance de l’Afrique à l’égard de ces systèmes de câbles sous-marins montre « l’emprise hégémonique de Pékin sur le continent », par le truchement notamment des contrats de prêts chinois et la construction d’infrastructures.
Cette mainmise chinoise fournit à Moscou une porte d’entrée pour mener des opérations d’espionnage ou de cyberattaques qui peuvent avoir pour cible les États-Unis et leurs alliés. Par conséquent, l’Occident aurait tort de « négliger les implications de la prolifération des câbles sous-marinsafricains » et leur importance dans les stratégies géopolitiques modernes entre puissances mondiales. La « techno-diplomatie » chinoise Le magazine décrit le déploiement d’une nouvelle forme de diplomatie chinoise en direction du continent, et qu’il nomme « techno-diplomatie ». Cette dernière, qui « va bien au-delà de la construction standard de ponts, de routes et de ports », porte surtout sur « la promotion de l’IA, la connectivité Internet et des possibilités de cloud computing [pratique consistant à utiliser des serveurs informatiques à distance et hébergés sur Internet pour stocker, gérer et traiter des données, plutôt qu’un serveur local ou un ordinateur personnel] ».
Pendant des années, la Chine a fabriqué et partagé avec les pays africains des technologies de l’information et de la communication (TIC), notamment des centres de données, des semi-conducteurs et d’autres technologies clés, en particulier celles permettant la surveillance. Autrement dit, Pékin a été le principal bailleur de fonds de la révolution numérique en Afrique. Et dans cette situation déjà désavantageuse pour les États-Unis, la Russie a toutes les capacités pour utiliser ces câbles à des fins d’espionnage. Or, alors que ces trois superpuissances ont les yeux et les intérêts tournés vers le continent, « les États-Unis s’inquiètent de plus en plus de la perte de relations précieuses avec le continent africain », déplore Foreign Policy. Pour remédier à cette situation déséquilibrée, la revue d’analyses internationales plaide dès lors pour que les gouvernements occidentaux investissent davantage dans la construction de câbles sous-marins africains et ce qu’il nomme l' »autodétermination technologique » du continent.