COP15: le Canada entend jouer les premiers rôles dans la protection de la biodiversité
9 décembre 2022
9 décembre 2022
Le pays abrite une diversité végétale et animale d’une grande richesse, mais est loin d’avoir atteint les objectifs fixés à Aichi, au Japon, en 2010
Alors que les télés et journaux canadiens commencent tout juste à se pencher sur les enjeux de la conférence mondiale sur la biodiversité – la COP15 –, qui débute ses travaux mardi 6 décembre, les habitants de Montréal subissent, eux, depuis plusieurs semaines, les désagréments liés à l’accueil d’un tel événement. Quartier du Palais des Congrès bouclé, station de métro fermée, lignes de bus déviées, embouteillages à tout va. La métropole québécoise assiste au plus important dispositif policier déployé sur son sol depuis vingt ans : cinq cents agents quotidiennement mobilisés sur le terrain, pour accueillir les quelque 15 000 congressistes attendus, mais aussi pour prévenir tout risque de dérapages, notamment lors de la grande manifestation prévue le 10 décembre par un collectif de près de 70 associations écologistes.Article réservé à nos abonné
En revanche, la protection des hauts dirigeants de la planète n’est pas un sujet puisque aucun chef d’Etat ou de gouvernement n’est annoncé à ce sommet. Lundi 5 décembre, seuls le premier ministre canadien, Justin Trudeau, et celui du Québec, François Legault, hôtes de la conférence des Nations unies, avaient confirmé leur venue.
L’absence des plus hauts dirigeants des 196 pays engagés dans la Convention sur la diversité biologique issue du sommet de Rio en 1992 s’explique, entre autres, par la configuration inédite de ce rendez-vous. Montréal, siège du secrétariat onusien de la convention sur la diversité biologique (CDB), a hérité de l’événement, lorsque la Chine, après avoir assuré la première partie de cette conférence à Kunming à l’automne 2021, a dû y renoncer en raison des mesures sanitaires anti-Covid toujours contraignantes sur son territoire.Article réservé à nos abonnés
Un pays qui préside, un autre qui organise : au vu des relations actuelles très tendues entre Pékin et Ottawa – en marge du sommet du G20 le 16 novembre, Xi Jinping a vertement et publiquement reproché à Justin Trudeau, qui s’inquiétait de possibles ingérences chinoises sur le territoire canadien, de divulguer le contenu de leurs conversations dans la presse –, il n’est pas écrit que leur glaciale collaboration permette de faire de cette COP15, le « moment parisien » pour la nature, espéré par certains, en référence à l’accord-cadre obtenu pour le climat à Paris en 2015.
Afin de parvenir à un accord sur les 22 objectifs au cœur de cette conférence internationale, notamment celui de protéger 30 % des milieux naturels terrestres et marins d’ici à 2030, le Canada entend revendiquer son rôle de leadership environnemental. Dans une déclaration conjointe publiée le 11 novembre, le ministre canadien de l’environnement, Steven Guilbeault, son homologue québécois, Benoît Charette, et la maire de Montréal, Valérie Plante, ont affirmé que « montagnes, forêts, plaines, rivières et océans [faisaient] partie de l’ADN » du Canada et du Québec et que, à ce titre, ils étaient particulièrement bien placés pour contribuer « activement à mettre en place les partenariats nécessaires à la protection de la biodiversité partout sur la planète ».
COP15 de la biodiversité : au Canada, le caribou boréal, un emblème en danger.
Avec un quart des zones humides et forêts boréales de la planète, le Canada abrite une diversité végétale et animale d’une grande richesse, de l’épinette noire à l’orignal, du pin gris à la grenouille des bois. Dans le rapport « Espèces sauvages 2020 » publié le 30 novembre, Ottawa a répertorié plus de 50 000 espèces sauvages au pays, dont une sur cinq serait aujourd’hui « gravement en péril ou vulnérable ».
« Le Canada doit en faire davantage pour empêcher les pertes de biodiversité, prévient Sandra Schwartz, directrice de la Société pour la nature et les parcs au Canada. On doit s’assurer de protéger et de restaurer plus d’habitats pour contrer le déclin des espèces. » Parmi elles, la baleine noire, le béluga, le papillon monarque, le chevalier cuivré, un poisson endémique du fleuve Saint-Laurent, ou encore le caribou des bois. Aujourd’hui, 1 231 espèces sont inscrites sur la Loi sur les espèces en péril adoptée par Ottawa en 2003.
Le réseau canadien des parcs nationaux, le premier au monde à avoir vu le jour, en 1911, fort désormais de 47 parcs et 5 aires marines nationales de conservation, a fait la preuve de son efficacité en assurant la protection de plus de 470 000 kilomètres carrés d’écosystèmes terrestres, marins et d’eau douce. Si le Canada est encore loin d’avoir atteint les objectifs d’Aichi en matière de surfaces terrestres protégées – avec actuellement 13,5 %, contre les 17 % fixés par l’accord global conclu au Japon en 2010 –, c’est principalement en raison de la difficulté à coordonner son action avec celles des dix provinces et trois territoires du pays, chacun défendant sa propre législation sur les aires protégées ou les espèces en péril.
« Le Canada a fait trop peu et trop tard, sans suffisamment prendre en compte, par ailleurs, le leadership que devraient avoir les peuples autochtones sur leurs territoires ancestraux. La COP15 est l’occasion d’annoncer une grande loi sur la biodiversité qui s’imposerait à tout le pays », juge Olivier Kolmel, porte-parole de Greenpeace Canada. Car certains chiffres sont des trompe-l’œil. Le Québec, par exemple, fait figure d’élève modèle avec 17 % de territoires protégés. Mais la majorité de ces aires ont été créées dans le Nord, alors qu’au sud du 47e parallèle, les pressions industrielles continuent de s’imposer. Depuis deux ans, le nombre de permis d’exploration minière dans la province a bondi de 100 %.
Source: Le monde