Fret maritime : le rapport de force se rééquilibre entre les armateurs et leurs clients

 

Les taux de fret pour transporter les marchandises restent à des niveaux très élevés, mais la décrue est amorcée. La fête est en train de s’achever pour les armateurs, analysent les spécialistes.

C’est un tournant que les chargeurs – les grands industriels qui achètent des capacités de transport maritime aux armateurs – n’espéraient plus. Le ralentissement de la demande mondiale de fret, lié à la forte poussée d’inflation et à un climat d’incertitude économique, va rééquilibrer sérieusement les débats entre les deux parties. Alors que les chargeurs n’avaient d’autre choix, depuis deux ans, que d’accepter avec résignation des taux de fret record , en dépit d’une qualité de service défaillante et de retards homériques dans les ports.

« Tous les signes suggèrent un retour à un marché plus équilibré », estime le cabinet spécialisé Sea-Intelligence. Les grands clients ont le choix entre deux types de tarifs de transport : des taux spot et des contrats à long terme avec les principaux armateurs. Certains d’entre eux les poussent à choisir cette seconde formule, pour les fidéliser et se prémunir des coups de yo-yo dignes de la Bourse.

Mais depuis quelque temps, en raison de la faiblesse de la demande de transport, Ie vent a tourné, et les deux données tendent a converger. Car les taux spot reculent sensiblement depuis plusieurs mois, tandis que les contrats de long terme étaient au plus haut en juillet dernier.

Bond des tarifs contractuets

Sur l’axe Asie-Etats-Unis, notamment, les prix spot pour transporter vers la cote ouest un conteneur de 40 pieds ont baissé en quelque temps de 3.200 dollars (-33 %) alors que les taux contractuets s’appréciaient de 9T % sur la meme route, selon les récents pointages du cabinet norvégien Xeneta. Dans Ie meme mouvement, l’indice spot SCFI (Shanghai Containerized Freight Index), qui mesure les grands axes au départ de Chine est redescendu â un peu plus de 3.562 dollars la « boite », contre 5.000 dollars en début d’année.

Un mouvement qui dépasse largement les effets saisonniers sur ces indices. Du coup,

« la baisse du prix spot offre aux chargeurs une occasion de trouver un meilleur équilibre entre les stratégies tarifaires â long et a court terme », selon l’analyste en chef du cabinet, Peter Sand. Certes, les armateurs, qui ont connu jadis turbulences et surcapacités, sont trés loin d’etre a la rue. Cette année, Ie bénéfice cumulé des 11 principaux d’entre eux (excepté Ie leader italo-suisse MSC qui ne publie pas ses résultats) devrait atteindre la somme phénoménale de 256 milliards de dollars, en hausse de 73 % sur un an, selon les projections de Blue Alpha Capital.

Les fondamentaux évotuent

lncluant les surcharges les plus diverses, notamment pour Ie boom du carburant, les contrats a long terme restent en moyenne 112 % plus élevés qu’en juillet 2021, et meme supérieurs de 280 % a ceux de l’été 2019, témoigne Ie dernier « shipping index » de Xeneta. Mais les fondamentaux sont en train de changer, offrant aux chargeurs une position de renégociation plus forte.

Signe que Ie vent est en train de tourner, dix grandes organisations européennes et internationales coiffant notamment les chargeurs, opérateurs portuaires , ou les commissionnaires de transport, ont écrit en juillet a la Commission de Bruxelles, pour demander une révision, deux ans plus tot que prévu, du régime d’exemption dont bénéficient les armateurs, pour leur permettre de former des consortiums. Grace a cela, ces derniers peuvent s’échanger des marchandises et coordonner leurs rotations de navires, au sein de grandes alliances, sans aller jusqu’â parler tarifs entre eux.

Dans leurs doléances, les signataires soulignent que les taux de fret pratiqués sont toujours trois â quatre fois supérieurs â ceux de I’avant-Covid, et que les délais d’acheminement sont largement dégradés. Bruxelles vient donc de leur adresser un questionnaire, pour que les plaignants puissent instruire ce procés en non-concurrence, d’ici a la date limite du 3 octobre.

Source: Les Echos