Sait-on de quelle hauteur la Méditerranée va s’élever dans le futur?

 
Sait-on de quelle hauteur la Méditerranée va s’élever dans le futur?

Cher Didier, 

A l’occasion de la 28e Conférence des parties sur le climat des Nations unies (Cop 28), qui se tient jusqu’au 12 décembre à Dubaï, la rédaction répond quotidiennement aux interrogations de ses lecteurs sur le sujet. Vous vous demandez quelle pourrait être l’ampleur de l’élévation du niveau de la Méditerranée dans le futur.

Mer fermée, la Méditerranée a tendance à « s’élever moins vite que l’Atlantique, elle a sa propre dynamique, qui ne peut pas être identique à celle des autres océans »nous indiquait récemment Jonathan Chenal, en charge de la stratégie sur le changement climatique à l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). À Marseille, les relevés récents indiquent une hausse de 3 millimètres par an.

« L’élévation du niveau de la mer est l’un des effets irréversibles du changement climatique », Philippe Rossello, géographe azuréen

Pour vous répondre sur ce qui pourrait se passer dans le futur, Philippe Rossello, géographe, expert en prospective (étude des scénarios du futur) et coordinateur du Grec-Sud, équivalent du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) en Paca, s’est plongé dans les données scientifiques locales. Et elles sont relativement précises à ce sujet.

« D’ici 2050, le niveau de la mer Méditerranée augmentera d’environ 25 cm quel que soit le scénario socio-économique du Giec. C’est l’un des effets irréversibles du changement climatique (au moins pour ces prochains siècles) », abonde le scientifique.

Mais pour aider les territoires côtiers à planifier leur nécessaire adaptation, les nombreux spécialistes du Grec-Sud travaillent à des scénarios à encore plus long terme:

« Il faut d’ores et déjà anticiper une élévation plus conséquente : d’ici 2100, elle sera de l’ordre de 40 cm en cas de scénario optimiste et d’un mètre, voire plus, en cas de scénario pessimiste », détaille Philippe Rossello.

« En 2150, même en cas de scénario optimiste, il faut compter sur au moins 55 cm d’élévation », ajoute-t-il encore.

Quelles conséquences sur nos rivages?

En 2050, les plages étroites, comme celle entre Villeneuve-Loubet et Antibes, devraient disparaître. Photomontage D.Meiffret/N.Le-Cousturier.

D’ici à 2050, « les petites plages de sable (de faible largeur) délimitées par une falaise, des constructions ou des aménagements disparaîtront ». Celles entre Villeneuve-Loubet et le Fort carré d’Antibes, par exemple, enclavées contre la route, sont particulièrement vulnérables.

« Le phénomène prendra de l’ampleur dans la seconde partie du siècle, menaçant les plus grandes plages, et de manière plus générale, le littoral », analyse le géographe.

En plus de contribuer à l’érosion des plages et au recul du trait de côte, « cette élévation a aussi pour effet de saliniser les nappes phréatiques »abonde le climatologue Joël Guiot, spécialiste des écosystèmes méditerranéens. Avec, à la clé, un impact négatif sur la ressource en eau potable.

Les raisons de l’élévation, une équation complexe…

« Les processus et mécanismes physiques en jeu sont complexes », indique Philippe Rossello.

Au sein du Grec-Sud, l’association d’experts régionaux sur l’évolution du climat regroupant de nombreux scientifiques locaux (climatologues, économistes, sociologues, experts en biologie marine, agriculture, forêts, littoraux…), une étude fouillée sur la mer et le littoral décortique notamment les causes de cette élévation.

« La hausse du niveau des mers du globe est principalement due à l’effet de dilatation des océans, résultant de l’augmentation de la température de l’eau qui est observée depuis des décennies en Méditerranée », peut-on y lire.

« Avec la fontes incertaines des calottes du Groenland et de l’Antarctique, une élévation de plusieurs mètres d’ici la fin du XXIe siècle n’est pas exclue »

Si le thermomètre monte en surface, les progrès en matière d’instruments de mesure permettent de constater que le phénomène est aussi à l’œuvre dans les eaux profondes.

Si cette « dilatation thermique » contribuerait à elle seule à une hausse du niveau de la mer Méditerranée comprise entre 45 et 60 cm à la fin du XXIe siècle, le phénomène se combine à d’autres causes d’élévation du niveau global des océans.

« En premier lieu, la fonte des calottes glaciaires, qui ferait monter le niveau de la mer Méditerranée d’environ 80 cm », précise le rapport du Grec-Sud.

Mais ce dernier point comprend une part très importante d’incertitude, et ce n’est pas une bonne nouvelle…

« La contribution de l’augmentation de la fonte des calottes du Groenland et de l’Antarctique reste très incertaine: une augmentation du niveau de la mer de l’ordre de plusieurs mètres n’est pas exclue », mentionnent également ces travaux.

Source: nice matin