Pourquoi dit-on «bâbord» et «tribord» sur un bateau?

Pourquoi envions-nous l’orgasme des cochons? Les gauchers sont-ils davantage intelligents? Quand il pleut, est-ce que les insectes meurent ou résistent? Vous vous êtes sans doute déjà posé ce genre de questions sans queue ni tête au détour d’une balade, sous la douche ou au cours d’une nuit sans sommeil. Chaque semaine, L’Explication répond à vos interrogations, des plus existentielles aux plus farfelues. Une question? Écrivez à explication@slate.fr.

Le vocabulaire nautique est rempli de bizarreries. «Choquer», par exemple, veut dire «filer ou lâcher un peu de cordage», «border» signifie «tirer». Mais la palme revient sûrement à deux termes bien connus et pourtant mystérieux: «bâbord» et «tribord».

Tout le monde a déjà entendu ces mots. On sait plus ou moins que sur un bateau, cela désigne la gauche et la droite, sans pour autant pouvoir différencier quel terme correspond à quel côté –c’est pourtant simple: si vous êtes placé à l’arrière d’un navire et que vous regardez vers l’avant, «bâbord» correspond au côté gauche et «tribord» au droit. Et ce vocabulaire singulier ne doit rien au hasard.

 

Héritage néerlandais

 

«Bâbord» et «tribord» nous viennent en fait des navigateurs néerlandais. Depuis leur territoire exigu, ils ont réussi à mettre sur pied une marine extrêmement efficace à partir du XVe siècle, au point de rivaliser sur les mers avec les plus grandes puissances de l’époque. Une maîtrise des océans qui est aussi passée par des innovations techniques –et un vocabulaire qui s’est adapté.

Les marins des Pays-Bas avaient en effet l’habitude de diriger leurs bateaux à l’aide de gouvernails placés sur la poupe, à l’arrière de l’embarcation. Étant donné que les navigateurs étaient pour la plupart droitiers, la grande rame était presque tout le temps installée sur le côté droit du bateau. Pour manœuvrer le gouvernail, le timonier devait donc se placer parallèlement à la rame, en tournant ainsi le dos au côté gauche du navire. De quoi porter un peu à confusion quand on leur criait dessus pour qu’ils tournent à gauche ou à droite, puisqu’ils n’étaient pas dans le même sens que celui vers lequel se dirigeait le bateau.

Ils ont donc trouvé une technique: ils utilisaient les mots «Stierboord» et «Backbord». «Stierboord», en vieux néerlandais, signifiait littéralement «le bord du bateau où il y a le gouvernail». Autrement dit, le côté droit, face au timonier. A contrario, «Bakboord» («back» signifiant «dos», comme en anglais) désignait le «bord du bateau qui est dans le dos», c’est-à-dire le côté gauche du navire, dans le dos du timonier.

Les Français ne tardèrent pas à adopter ces appellations. Dès le XVe siècle, ce vocabulaire s’est progressivement répandu dans les rangs de la marine française. Évidemment, nos ancêtres ne purent s’empêcher de mettre ces termes à leur sauce: «Stierboord» s’est ainsi transformé en «tribord», et «Bakboord» en «bâbord».

 

Pas de panique à bord

 

Si ces mots ont aussi vite été adoptés, c’est avant tout grâce à leur utilité: ces appellations empêchent toute confusion! Que vous regardiez devant, à l’arrière, en bas, où vous voulez, «bâbord» et «tribord» désignent toujours le même côté du navire. Et quand on vous donne une direction, c’est plutôt pratique.

Imaginez que l’on vous dise de «tourner à gauche», alors que vous êtes dos au sens de la navigation. Il est probable que vous répondiez: «Ta gauche ou ma gauche?» Résultat, les ordres sont confus, on perd un temps précieux et, patatras, c’est le crash. Avec «bâbord» et «tribord», le problème n’existe plus.

Cela étant dit, se souvenir à quel côté correspondent «bâbord» et «tribord» reste un peu compliqué pour un novice en marine. Il existe heureusement un petit moyen mnémotechnique: «tribord» et «droite» ont en commun la lettre «i», et «bâbord» et «gauche» la lettre «a». C’est aussi simple que cela.

Source: Slate