Panama, Suez : grippage concomitant et mal venu pour les deux axes stratégiques du commerce mondial

3 % du commerce mondial transite par le canal de Panama, 30 % par le canal de Suez or le passage par ces deux passages clés a diminué de 40 %. Pour des raisons différentes, mais les conséquences se cumulent, avec des effets néfastes, notamment pour le climat.

Depuis cinq mois, le trafic via le canal de Suez est perturbé par les attaques des rebelles houthis du Yémen dans le golfe d’Aden, par où transite 30 % du transport mondial par conteneurs. Mais à 7 000 miles de là, c’est un autre passage névralgique, le canal de Panama, qui se voit obligé de réduire la circulation des navires, pas pour des questions de sécurité, mais de sécheresse.

Le canal de panama, c’est 3 % du commerce mondial, mais ce canal est stratégique pour les États-Unis, et des pays de la côte ouest d’Amérique du Sud, notamment le Pérou et le Chili qui en dépendent pour plus d’un quart de leurs échanges.

Cela fait plusieurs années que le canal de Panama est confronté à un manque d’eau dans les deux lacs qui alimentent les écluses. Deux causes à cela, le dérèglement climatique, mais aussi les travaux qui ont été faits pour accueillir les plus gros porte-conteneurs. Chaque passage nécessite dorénavant l’équivalent de 76 piscines olympiques d’eau douce, or ces lacs alimentent aussi en eau portable plus de quatre millions de Panaméens.

La Cnuced, l’organe de l’ONU chargé du commerce et du développement, estime que le nombre total de transits via le canal de Panama a chuté de 49 % par rapport à son apogéeLes Échos y ont consacré (ci-dessous) une vidéo fin aout 2023.

La conséquence concrète, c’est qu’il y a la queue à l’entrée, et que le prix du péage a été multiplié par huit car c’est un système d’enchère. En temps normal, la traversée coute environ 500 000 dollars, selon un transporteur contacté par le Wall Street Journal, le prix peut désormais dépasser les 2 millions de dollars, voire 4 millions. Ce qui au final sera répercuté sur les prix des produits transportés.

Le canal de Suez, c’est 30 % du trafic par conteneurs, c’est un axe essentiel entre l’Europe et l’Asie. D’après la Cnuced, le transit est en baisse de 42 %. Que les marchandises fassent le détour par le cap de bonne espérance ou passent par la mer Rouge, le résultat, ce sont aussi des prix de transit multiplié, par deux ou par trois.

Pour le moment, l’effet macroéconomique de ces perturbations est contenu, mais si elles perdurent de concert, l’inflation qui actuellement se tasse, peut reprendre sa piste ascendante. En tout cas, les banques centrales surveillent cela comme le lait sur le feu, et ces craintes pèsent en défaveur d’une prochaine baisse de leurs taux directeurs.

 

Trajets plus longs = émission de gaz à effet de serre en hausse

 

À plus court terme, sur le plan économique, c’est l’Égypte qui subit le plus les répercussions des heurts sur la mer Rouge. Les revenus en dollars que le pays tire du passage dans le canal de Suez ont chuté de 40 à 50 %, selon le FMI, qui vient de rallonger de 5 milliards de dollars les fonds qu’il avait déjà prévu de prêter à l’Égypte.

À plus long terme, la baisse du trafic via le canal de Panama et celui de Suez a aussi un effet désastreux pour le climat. Car les bateaux qui font le détour émettent plus de gaz à effet de serre. Un parce qu’ils font un plus long trajet, et deux parce qu’ils vont plus vite pour maintenir les horaires, ce qui consomme plus de carburant, et accroit in fine leurs émissions, pas de quelques pour cent, mais de 70 % selon les estimations de la Cnuced.

Source: Radio France