Les océans : chauds dedans ! – en direct du Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-Mer

Dans le cadre de la journée spéciale « Les super-pouvoirs de l’océan » la Terre au carré est au laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-Mer. Les océans se réchauffent et les conséquences sur les écosystèmes marins et les mécanismes régulateurs des océans s’en trouvent bouleversés.

Les Océans, ces grands régulateurs

L’Océan permet d’avoir une forte action de régulation du changement climatique par deux actions, il stocke une grande partie, plus de 90% de l’excès de chaleur sur Terre, il absorbe un quart des émissions de gaz carbonique, c’est un puit de CO2. S’il n’y avait pas d’océans on aurait des changements climatiques plus intenses.

En Méditerranée il y a des canicules marines de plus en plus fréquentes et intenses, l’an dernier en Méditerranée Nord occidentale il y a eu des records de températures de l’ordre de 29,2 degrés en surface dans la Rade de Villefranche-sur-Mer.

Toutes les régions du monde ne se réchauffent pas avec la même intensité, il se trouve que la région de Méditerranée fait l’objet de réchauffements plus intenses que d’autres régions. En Méditerranée les vagues de chaleur marines sont suivies par des mortalités massives de mollusques, de bivalves, des gorgones avec des impacts sur l’aquaculture.

Les gorgones sont des éventails colorés, des rouges pourpres, des jaunes…elles structurent l’habitat avec les algues calcaires qui les entourent, elles fabriquent l’habitat pour l’installation d’algues sur le substrat qui contribue à la biodiversité marine. Les coraux et les algues calcaires se sont des espèces ingénieurs elles fabriquent un habitat utile à d’autres espèces**.** Si ces espèces disparaissent, il y a un phénomène en cascade qui fait disparaître d’autres espèces.

Autre conséquence du réchauffement des océans, les espèces mobiles qui se déplacent vers les pôles, vers le pôle Nord dans l’hémisphère Nord, et vers le Pôle sud dans l’hémisphère sud de manière à rester dans des températures agréables. On retrouve des espèces de poissons comme la morue Nord Atlantique jusqu’en Arctique**.**

La pompe biologique, alliée pour lutter contre le réchauffement climatique

La pompe biologique de carbone est un système biologique lié au phénomène de photosynthèse. A la surface des océans et à partir de l’eau, de la lumière du soleil et du CO2, le plancton végétal synthétise de la matière en libérant du dioxygène (O2). Le plancton absorbe du co2 dans l’atmosphère le transforme en matière organique, c’est donc au travers de la chaine trophique que vont se transférer les particules pour les piéger dans le sédiment C’est un échange entre l’atmosphère et l’océan. Le carbone dissous et celui absorbé lors de la photosynthèse sont tous les deux stockés dans les profondeurs.

Cette pompe biologique est la connexion entre l’énergie qui se passe en surface et la ressource qui est au fond, elle connecte les deux. L’océan mésopélagique situé en-dessous de 200m à 2000m est une réserve de grande diversité et de biomasse incroyable.

On ne connait pas en grande partie le rôle fin des organismes, du plancton dans cette pompe , on ne sait pas prédire comment va évoluer une modification de ces acteurs et la fonction qu’ils ont dans cette pompe biologique.

La connectivité des populations marines à l’épreuve du réchauffement climatique

Chez la majorité des espèces marines, il y a un cycle de vie en deux étapes, une vie adulte, avec des adultes qui vivent fixés sur un support comme les gorgones, les coraux et les autres espèces qui elles ne sont pas fixées mais vivent proches du substrat, comme les poissons, les crustacés, les oursins …

Il y a une phase larvaire qui permet la dispersion des gènes entre les populations. Ces larves vont avoir une durée de vie larvaire qui va varier en fonction des espèces, de quelques jours pour les coraux à plusieurs centaines de jours pour les poissons. Ces larves partent dans l’océan, se retrouvent dans les colonnes d’eau et dispersent en fonction de leur durée de vie larvaire.

Elles se développent dans la colonne d’eau, avec plusieurs stades de développement, elles grandissent jusqu’à arriver à une maturité pour être prête et se transformer en juvénile. Elles vont ensuite trouver un habitat pour faire une dernière métamorphose et ensuite arriver dans leur nouvelle population.

Quand on étudie la connectivité, on essaie de comprendre comment ces larves arrivent à connecter différentes populations, elles doivent aussi survivre et avoir la chance de se reproduire pour que leurs gènes passent de génération en génération.

Les effets du changement climatique sur la connectivité : double soucis de la hausse des températures et de la modification des courants.

La température peut influencer le cycle de vie des espèces, les larves ont une durée de vie larvaire qui varie en fonction des espèces mais qui est stable dans les espèces. Cette durée de vie larvaire va dépendre de la température, plus la température est élevée plus la larve va se développer rapidement. Si elle se développe plus vite elle va passer moins de temps dans la colonne d’eau et va disperser pendant moins de temps.

L’autre donnée importante est la modification des courants ; si il y a plus de vent à un endroit cela va créer plus de courants ce qui aura pour conséquence de changer la circulation des masses d’eau.

On en parle avec

Jean-Pierre Gattuso , biogéochimiste directeur de recherche au CNRS au Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-Mer de Sorbonne Université et chercheur associé à l’IDDRI

Lionel Guidi, chercheur en océanographie et en biogéochimie au sein de l’équipe Complex au Laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer de Sorbonne Université

Cécile Fauvelot, généticienne des populations et biologiste marin, directrice de recherches à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) dans l’équipe ENTROPIE (Écologie Marine Tropicale des Océans Pacifique et Indien).

Alexandre Alié, biologiste, chercheur au CNRS au laboratoire de Biologie du Développement de Villefranche-sur-Mer (LBDV), de Sorbonne Université, il travaille sur l’évolution des espèces animales, et notamment des salpes.

Source: Radio France