Le plus vieux bateau cousu main de Méditerranée renaîtra en 2024

 

Vieux de plus de 3000 ans, ce bateau enfin sorti des eaux révèle un savoir-faire antique exceptionnel. Il est actuellement réparé et consolidé en France, pays qu’il quittera bientôt pour rejoindre sa terre d’origine: la Croatie.

Il a plus de 3000 ans, mais 2024 signera sa renaissance : le Zambratija, plus vieux bateau cousu de Méditerranée, va dans quelques semaines être amené de Croatie en France pour y être restauré, et témoigner des prouesses techniques de l’antique tribu des Histris. «Déjà, avoir un bateau, un vaisseau, à cette époque, était certainement un prestige pour une communauté tribale», explique Ida Koncani Uhac, l’archéologue sous-marine qui a mené les recherches. «Mais parvenir à construire un bateau comme celui-là, si l’on transpose ça à aujourd’hui, c’est comme réussir à construire un vaisseau spatial !»

Quand l’épave a été localisée pour la première fois, à 150 mètres du rivage et à peine 2,5 m de profondeur, les scientifiques ont pensé qu’il s’agissait d’un bateau de l’époque romaine, construit selon une technique ancienne qui voyait les planches cousues ensemble avec des tendons, des racines ou des fibres végétales. Mais à leur grande surprise, les analyses au Carbone 14 lui donnent plus de 3000 ans : il aurait été construit entre la fin du XIIe et la fin du Xe siècle avant JC, période de transition entre l’âge du bronze et l’âge du fer. S’en sont ensuivies des années de recherche scientifique, menées notamment par des experts du laboratoire de recherche en archéologie et en histoire ancienne du Centre Camille Julianne (CCJ) à Aix-en-Provence, en France.

 
Cette photo prise le 11 décembre 2023 montre la restauratrice Monika Petrovic en train de vérifier la salinité d’un bassin spécial où les restes du bateau de Zambratija – un bateau cousu à la main vieux de 3 000 ans, le plus ancien découvert dans la mer Méditerranée- sont dessalés. DENIS LOVROVIC / AFP
 

«Nous pouvons supposer qu’il s’agissait d’une barque destinée à la navigation rapide, le long de la côte ou dans les détroits fluviaux du nord de l’Adriatique», explique Mme Koncani Uhac. Ce bateau sans mat était mû par sept à neuf rameurs, et utilisé pour des manœuvres rapides en mer. C’est à bord de ces embarcations qu’au cours des siècles suivants les Histris auraient effectué des actes de piraterie, en interceptant les embarcations des Romains qui transportaient du grain pour approvisionner leurs troupes.

 

Un bateau sauvé par les eaux

 

Le bateau d’environ 10 mètres de long, dont un tiers a été relativement bien conservé, aurait été utilisé par les Histris, une tribu qui a donné son nom à la région, l’Istrie. Les planches ont été cousues entre elles avec des cordages en fibres végétales qui n’ont pas été conservés, mais leurs traces restent visibles sur le bois. Selon les historiens, les Histris utilisaient un arbuste à feuilles persistantes – le balai espagnol (Spartium junceum) – pour coudre leurs bateaux.

Le sortir de l’eau a été une opération très délicate. Il a d’abord été protégé par une coque métallique conçue pour l’occasion, puis, en juillet dernier, le Zambratija – en 15 morceaux – a été ramené à la surface. Chaque bout a ensuite été soigneusement nettoyé, analysé et marqué avant d’être placé dans une piscine spécialement construite, pour être dessalé. «Nous mesurons la salinité de l’eau et d’ici deux mois environ, le Zambratija sera prêt pour la prochaine phase de conservation, à Grenoble», explique à l’AFP la restauratrice Monika Petrovic, regardant fièrement ce qu’elle appelle en plaisantant «nos planches de bois».

Une fois la dernière étape française achevée, le Zambratija devrait rentrer chez lui pour être exposé près de la mer qui l’a protégé tout ce temps. Les planches de bois ont ainsi passé les millénaires recouvertes d’algues et de sable, une boue marine qui les a protégées : anoxique, c’est-à-dire sans oxygène, elle ne permet pas le développement des bactéries qui détruiraient le bois.

Sasa Radin a grandi dans le village de Zambratija, qui a donné son nom au bateau. «On savait depuis des décennies qu’il était là, nous y plongions quand nous étions enfants» raconte-t-il. «Mais nous ne savions pas qu’il était si vieux.»

Source: Le figaro