La Tunisie, une puissance méditerranéenne en aquaculture
19 décembre 2024
19 décembre 2024
La production aquacole tunisienne a connu une croissance spectaculaire, passant de 3 400 tonnes en 2007 à plus de 21 000 tonnes en 2020, soit une multiplication par six. Nichée au carrefour de l’Afrique et de la Méditerranée, la Tunisie s’impose peu à peu comme un acteur important de l’aquaculture dans le monde. Au cours des trois dernières décennies, le secteur de l’élevage de fruits de mer du pays est passé d’une industrie naissante à une force économique florissante, avec une production atteignant 21 000 tonnes en 2022, contribuant à 13% de la production halieutique nationale et évaluée à 335 millions de dinars tunisiens par an. Le bar européen (Dicentrarchus labrax) et la dorade royale (Sparus aurata) dominent l’aquaculture tunisienne, représentant environ 96% de la production totale. Parmi les autres espèces marines, on trouve le thon rouge de l’Atlantique (Thunnus thynnus), élevé à des fins d’engraissement, et la moule méditerranéenne (Mytilus galloprovincialis), principalement élevée dans la lagune de Bizerte, où la production est irrégulière, variant entre 40 et 200 tonnes par an. La crevette blanche du Pacifique (Litopenaeus vannamei) est également élevée, mais elle reste au stade pilote, avec une capacité de production modeste de 2 tonnes par an. En aquaculture d’eau douce, les espèces notables comprennent la carpe commune (Cyprinus carpio), le mulet gris (Mugil cephalus) et le sandre (Sander lucioperca), entre autres.
Mais il s’agit bien plus qu’une simple histoire de croissance : c’est une histoire d’innovation, de résilience et d’engagement indéfectible en faveur de la durabilité. L’histoire de l’aquaculture tunisienne débute modestement dans les années 1960, avec des fermes piscicoles d’eau douce et des écloseries marines expérimentales qui constituent les premiers pas du secteur. Au milieu des années 1980, le pays s’est lancé dans l’aquaculture commerciale, en introduisant des fermes d’élevage de bars et de dorades. Cependant, tout ne s’est pas passé comme sur des roulettes: les premiers projets ont été entravés par des problèmes environnementaux, comme l’eutrophisation, qui ont forcé de nombreuses fermes à réduire leurs activités.
Ce n’est qu’en 2007 que la Tunisie a vraiment pris son envol. L’introduction de cages flottantes en haute mer a révolutionné la production, permettant aux fermes d’élever des poissons en pleine mer. Aujourd’hui, la Tunisie dispose d’un portefeuille d’aquaculture diversifié, comprenant le bar européen, la dorade royale, les moules, les crevettes et même les algues. Transformer les défis en opportunités Bien que la croissance ait été impressionnante, elle n’a pas été sans défis. La Tunisie reste fortement dépendante des importations, avec 50% des aliments pour poissons et 80 millions d’alevins provenant de l’étranger. Des efforts sont en cours pou renforcer la production locale, notamment la création d’usines d’aliments pour poissons et d’écloseries, mais les progrès sont progressifs. II existe également des obstacles au maintien de prix compétitifs et à la gestion des maladies, mais les dirigeants du secteur restent optimistes. Récemment, un porte-parole du ministère de l’Agriculture a déclaré qu’il avait mis en place une feuille de route et que «l’avenir semblait prometteur» Ces dernières années, la durabilité a occupé une place centrale. La Tunisie a adopté l’aquaculture multitrophique intégrée (IMTA), une approche de pointe qui imite les écosystèmes naturels en élevant des poissons aux côtés d’algues et de crustacés. Cela permet non seulement de réduire l’impact environnemental, mais aussi d’améliorer l’efficacité des ressources, une étape essentielle face à la demande mondiale croissante de produits de la mer durables De plus, la Tunisie a adopté des normes de certification internationales, telles que l’Aquaculture Stewardship Council (ASC) et les Best Aquaculture Practices (BAP), pour garantir que ses produits répondent aux critères de qualité et de durabilité les plus élevés.
Le gouvernement tunisien vise haut. D’ici 2030, l’aquaculture devrait représenter 30% de la production nationale de poisson, grâce à des investissements stratégiques, des techniques innovantes et l’introduction de nouvelles espèces. Le secteur emploie actuellement 3 000 travailleurs, des plongeurs aux ingénieurs, et continue d’attirer les investissements privés. Pour un pays souvent éclipsé par ses voisins dans les gros titres économiques, le secteur de l’aquaculture tunisien se taille tranquillement une place. C’est une histoire de transformation et de ténacité, qui nous rappelle que même le plus petit poisson peut faire de grandes vagues.