Corse : une start-up transforme des méduses… en engrais
10 août 2023
10 août 2023
Des élèves du lycée Fesch d’Ajaccio ont mis au point un procédé pour revaloriser ces animaux marins échoués en bord de mer et en faire un engrais écologique pour les plantes.
Si elles peuvent faire vivre un enfer aux baigneurs en cette période estivale, elles sont aussi un petit trésor pour la science. À première vue, difficile de se douter que les méduses, ces petits animaux marins translucides, ballottés par dizaines par le ressac de la mer et aux piqûres si douloureuses, recèlent des spécificités physiologiques très utiles pour l’environnement. Des élèves du lycée Fesch d’Ajaccio (Corse-du-Sud) ont pu en faire l’étonnante démonstration : ces derniers mois, ils ont mis au point un procédé permettant de valoriser les méduses pour en faire un engrais naturel pour les plantes.
« Le collagène des méduses procure une humidité particulièrement hydratante pour les végétaux, explique Hugo Renard, élève en classe de première STMG, sciences et technologies du management et de la gestion. Nous avons fait des expérimentations et les résultats sur la croissance des plantes sont bluffants. Pendant deux semaines, il n’y a plus besoin de les arroser, et cela permet d’économiser l’eau en période de sécheresse. » Ce projet remonte au printemps dernier, lorsque Anne-Charlotte Carsalade d’Ornano, professeure de gestion au lycée Fesch, a proposé à ses élèves de relever un défi : créer une mini-entreprise innovante dans le domaine de l’économie bleue.
L’enseignante a inscrit sa classe pour le concours européen Euronext blue challenge. « Il fallait inventer quelque chose qui profite à l’environnement, avance-t-elle. Nous avons pensé à valoriser les méduses en les cuisinant, mais elles ne sont pas inscrites dans la catégorie des produits consommables en France. Il aurait donc fallu des autorisations spécifiques, ce qui nous semblait hors de portée dans les délais impartis. »
Au cours de leurs travaux, les lycéens rencontrent un docteur en biologie, Manuel Marchioretti. Ce dernier les met alors sur une autre piste : dans l’Antiquité, Pelagia noctiluca, cette méduse urticante à l’ombrelle globuleuse, très présente en Méditerranée, était utilisée pour l’agriculture, et en particulier pour hydrater les pieds de vigne. Les élèves tentent l’expérience après avoir ramassé des cadavres de méduses sur les plages.
Les résultats se révèlent vite probants : le collagène hydrophile contenu dans ces animaux marins forme un engrais efficace, composé de phosphate et de potassium. Après un temps de séchage, les méduses, dessalées, sont découpées en petits morceaux et transformées en fertilisant au terme d’un procédé que les lycéens entendent garder confidentiel. La méthode porte ses fruits.
Une enseignante du lycée en a fait la démonstration en comparant des plants d’aubergines et de tomates dans son jardin : la croissance est environ 30 % plus rapide pour ceux ayant reçu le coup de pouce de la « potion magique ». Les élèves, qui ont remporté un concours national de l’innovation et atteint la finale Euronext au printemps, entendent désormais transformer l’essai. Avec l’appui de leurs enseignants, ils ont créé une start-up pour faire de cette petite invention un business. Le nom de leur marque ? JellyEarth.
« Nous allons ouvrir une boutique en ligne dans les prochaines semaines afin de commercialiser nos engrais, à raison de 1 euro par sachet et 5 euros par flacon de quatre méduses, projette Anne-Charlotte Carsalade d’Ornano. Nous allons continuer nos recherches car ces animaux marins présentent un potentiel qui a déjà permis des avancées scientifiques notables, en médecine, dans le secteur de l’alimentation ou des cosmétiques. Peu de gens le savent, mais les méduses sont aujourd’hui à l’origine de plus de 5 000 dépôts de brevets dans le monde. »