Acidification des océans: une nouvelle limite planétaire bientôt franchie

 

L’effondrement de la biodiversité semble sans limites. Six des neuf limites planétaires, définies en 2009 pour désigner les seuils critiques au-delà desquels le vivant sur Terre est en danger (le changement climatique, la pollution, la biodiversité…), ont déjà été atteintes. L’acidification des océans devrait bientôt devenir la septième limite dépassée, avec des impacts non négligeables pour les organismes marins.

L’acidification des océans est une réaction chimique complexe et potentiellement mortifère. Quand les océans absorbent trop de CO2, les eaux deviennent plus acides. En deux siècles, depuis la révolution industrielle, le pH de l’océan a ainsi diminué de 30%, même si on est encore loin d’avoir atteint une eau acide (quand le pH supérieur ou égal à 7). Ce phénomène, aggravé par la hausse des températures, entraîne un vrai bouleversement pour la biodiversité marine.« Les animaux sont connus pour fonctionner selon une échelle de pH, précise José Zambonino, directeur de recherche à l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer). Dès que l’on s’éloigne trop de cette échelle, l’animal, d’un point de vue métabolique, va être obligé de faire des efforts plus importants qu’il ne le ferait dans des conditions normales, pour pouvoir vivre, se nourrir, se déplacer éventuellement, se reproduire… »

 

L’exemple du bar

 

Les animaux calcaires sont les plus vulnérables : les coraux, les mollusques ou le plancton à la base de la chaîne alimentaire. Mais les poissons ne sont pas épargnés, comme en témoigne une étude menée à l’Ifremer sur le bar. Une longue expérience en bassin a été conduite sur des bars pendant quatre ans et demi, de leur éclosion jusqu’à la maturité sexuelle. Le moment où l’animal est capable de se reproduire est survenu un mois plus tôt dans une eau plus acide. « Ça n’a l’air de rien du tout comme ça, sauf que là, il s’agit, pour un poisson vivant en zone tempéré, d’un phénomène qui intervient en hiver. Éclore un mois avant, pour des larves, cela veut tout simplement dire arriver à un moment où il y a beaucoup moins de choses à manger », explique José Zambonino. Résultat, une mortalité plus importante pour ces larves.

Autre phénomène observé dans cette étude de l’Ifremer sur l’impact de l’acidification de l’océan sur le bar : le poisson devient plus vulnérable face aux prédateurs. « Ce CO2 plus important qui se dissout dans l’eau de mer se dissout aussi dans le sang du poisson, détaille José Zambonino. Cela va perturber en particulier ses capacités neurosensorielles. Vous allez donc avoir un animal qui, au lieu d’être craintif comme il doit l’être dans un milieu où il y a beaucoup de prédateurs, va perdre cette crainte et va se retrouver plus exposé. »Le bar est menacé. Et ce qui n’est plus dans la mer ne sera plus non plus dans notre assiette.

Source: rfi