La revanche du phosphogypse
22 décembre 2023
22 décembre 2023
Longtemps décrié comme une substance polluante et préjudiciable à l’environnement, le phosphogypse vient d’être réhabilité, jeudi 15 décembre, comme étant une substance productive, par des scientifiques en conclave, à Gafsa, principal centre tunisien d’extraction du phosphate qui la génère indirectement.
Le phosphate extrait du bassin minier de Gafsa est expédié aux usines du Groupe Chimique Tunisien à Gabès où elles lavent ce phosphate, le traitent et y ajoutent du soufre pour fabriquer l’acide phosphorique. L’opération génère des déchets rejetés par les usines, ce sont ces déchets qui sont appelés « phosphogypse », ils sont constitués de boues saturées de métaux lourds, dont on dit qu’elles sont radioactives, car le phosphate tunisien et le phosphate marocain contiennent des éléments radioactifs.
Comme l’a montré African Manager dans un article publié le 24 octobre 2023, sous le titre « le phosphate tunisien embarrasse la presse française », prétextant pour des raisons inavouées ce rejet du phosphogypse, ladite presse, en particulier, publie, depuis des années, régulièrement, des articles hostiles au phosphate tunisien et aux engrais chimiques à base d’acide phosphorique fabriqué à partir du phosphate tunisien.
Or, voilà que la Science reconnaît à cette substance des mérites et des avantages, à l’instar d’autres « déchets » locaux comme le résidu ou rejet des huileries de transformation des olives tunisiennes en huile d’olive, appelé « margine ».
Justement, les participants à la journée scientifique tenue jeudi dernier à Gafsa sur la valorisation des phosphogypses se sont penchés sur « le comportement mécanique des briques de phosphogypse non cuites utilisées comme matériau de construction » , recommandant de réviser le cadre juridique tunisien régissant cette substance en la retirant de la liste des substances dangereuses et en la considérant comme une substance productive.
Lors de cette journée scientifique organisée conjointement par le ministère de l’Industrie, de l’énergie, et des mines, celui de l’Environnement et celui de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, avec le soutien de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et de l’Ambassade britannique à Tunis, les participants , des chercheurs universitaires et autres acteurs et opérateurs du monde économique, ont souligné la nécessité de sensibiliser davantage toutes les parties prenantes à l’importance de valoriser le phosphogypse et d’initier son exploitation dans plusieurs domaines.
Ces recommandations de la journée scientifique de Gafsa font suite aux conclusions formulées par un comité scientifique formé de représentants de tous les intervenants dans ce domaine, qui a révélé que les expériences scientifiques, industrielles et des laboratoires en Tunisie, ont démontré la possibilité de valoriser les phosphogypses dans de nombreux domaines, surtout dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie, des matériaux de construction et de l’infrastructure routière, montrant les perspectives prometteuses, en particulier la valorisation économique et environnementale de cette substance.
Dans le même contexte, le Comité a souligné que la proportion de métaux lourds et d’éléments radioactifs contenus dans les phosphogypses tunisiens était relativement faible, s’appuyant sur des critères et des limites de risques fixées par les législations internationales en vigueur et celles adoptées par les recherches scientifiques
D’ailleurs, n’en déplaise aux détracteurs signalés, la Tunisie a été jusqu’à présent, le seul pays à avoir classé les phosphogypses comme substance dangereuse contrairement aux autres pays.
Aussi, faut-il s’attendre sûrement à une révision de cette position, à la lumière de ces recommandations.
La journée scientifique a permis de formuler une approche participative, associant chercheurs universitaires, professionnels et ministères concernés, pour le reclassement des phosphogypses, en tant que substance productive propre à être valorisée au service du développement dans le respect de l’environnement.
L’événement a également permis d’examiner le thème des phosphogypses avec des professionnels dans le domaine juridique et technique afin de prendre connaissance des expériences mondiales en matière de gestion et de valorisation de cette substance dans d’autres pays.