Plongée sous-marine: et le grand bleu devint grand vert

Du 06/01/2023 Au 08/01/2023

 

Lors du tout premier Salon de la plongée, les allées étaient jonchées de catalogues. La 24e édition qui s’ouvre ce vendredi à Paris est bien différente. Placée sous le signe du développement durable, elle interpelle les acteurs sur l’impact de leur pratique.

« Sous l’eau, nous sommes des invités, nous devons nous conduire poliment, avertit sobrement Jean-Michel Cousteau, fondateur de l’association Ocean Futures Society. On ne touche qu’avec les yeux ». Se tenir à une roche pour ne pas être emporté par le courant, oui. S’affaler sur un massif corallien en posant ses mains ? Certainement pas ! Car l’acidité des doigts humains agit comme un corrosif sur les polypes de corail. S’agripper à la carapace d’une tortue, non. Toucher une baleine, un dauphin, un poisson-perroquet. Pour leur transmettre nos virus, nos bactéries, abîmer leur mucus protecteur ? Non. Donner du pain ou un œuf dur à un poisson ? Jamais ! Le pain ne fait pas partie du régime alimentaire des poissons ou des canards. En retournant une pierre, on perturbe le crabe, la crevette, le gobie, la limace de mer qui y est collée. En exposant un petit organisme qui était caché, on le transforme en proie.

Au fil des découvertes scientifiques et de l’évolution de la sensibilité environnementale, le plongeur a acquis non seulement des gestes techniques lors de sa formation mais aussi des notions sur les écosystèmes, la biodiversité, l’interaction entre les milieux. « Vous souhaitez retrouver, demain, un univers marin sauvage aussi riche que celui que vous visitez aujourd’hui ? s’enflamme l’océanographe François Sarano, parrain du Salon. Vous souhaitez avoir la joie de partager ces merveilles avec vos amis et vos enfants, alors soyez curieux de tout, mais restez discret, attentif et léger ! Par votre comportement d’aujourd’hui, offrez aux futures générations de plongeurs l’émerveillement d’un monde intact, l’émotion d’une rencontre avec les requinset les baleines, une aventure sous-marine aussi riche que la vôtre ».

 

Une charte disponible en 27 langues

 

Fondateur de l’association Longitude 181, il lançait il y a 20 ans la charte internationale du plongeur responsable, disponible dans 27 langues (en téléchargement ici). Elle édicte des règles désormais adoptées par la Fédération Française d’Études et de Sports Sous-Marins (FFESSM) et divers autres organismes à travers le monde. « En 2002, nous étions des OVNI quand nous parlions plongée responsable, se remémore-t-il. Aujourd’hui, la charte est reprise en Algérie, en Suisse, au Québec, en Malaisie… ». Une vingtaine de clubs dans le monde en sont des ambassadeurs proactifs. De son côté, la FFESSM a décerné le label Ecosub à 101 clubs métropolitains et ultramarins ayant prouvé qu’ils avaient effectué au moins quatre actions en faveur du développement durable.

« Depuis toujours les plongeurs sont sensibles à la protection des fonds marins et de la faune sous-marine. Je ne vois pas de différence par rapport au plongeur d’il y a 20 ans, avoue Gérard Carnot », fondateur de l’agence de voyages Ultramarina. Un sentiment partagé par Claire Le Saux (Awateha) : « Le plongeur n’a pas attendu 2023 pour faire attention à son impact sur l’environnement ! Sensibles aux centres qui agissent pour la préservation de la nature, de la mer et des populations, les plongeurs actuels recherchent des petites structures, hors des sentiers battus ». Ziad El Zein (Nature plongée) confirme : « Déjà très attentif à l’état des fonds marins, coraux, flore, faune, le plongeur songe également au soutien aux populations locales, à l’empreinte carbone des vols et des bateaux ».

Sur ce marché pointu, de niche, les opérateurs spécialisés se doivent de connaître parfaitement les désirs de leur cible, mais aussi les destinations qu’ils proposent et qu’ils testent eux-mêmes. « Avant de sélectionner un hôtel, centre, croisiéristeexplique Claire Le Saux, nous l’interrogeons sur ses actions de réduction de son impact environnemental.Beaucoup ont mis en place la possibilité pour les plongeurs de participer au ramassage de déchets, aux travaux pour la repousse du corail, voire l’adoption d’une tortueou d’un autre animal pour suivre ensuite son parcours avec une balise ».

 

Voyages plus ethiques

 

 
Au Costa Rica, plongée île Catalina avec une raie. GREG LECOEUR / Le Figaro Magazine

« Il y a 20 ans déjà, nos partenaires étaient concernés par la protection de leur environnement : nature, population, faune et flore, car c’est leur fonds de commerce », précise Ziad El Zein. « Nous évitons les structures hôtelières trop importantes, les croisières plongée qui accueillent trop de plongeurs, reconnaît Claire Le Saux. Nous ne vendons pas les centres de plongée qui pratiquent le nourrissage pour attirer les espèces et les structures qui proposent de la pêche au gros ».

Sur le terrain, les partenaires savent que l’océan est fragile et que sa protection garantit des recettes et un travail pour toute la population (nourriture, hébergement…). Si un site de plongée est pollué ou abîmé, la sanction est immédiate : les visiteurs désertent. L’intérêt de tous est donc la création d’un cercle vertueux : protéger le milieu pour continuer à pouvoir gagner décemment sa vie. Et si un pays détruit son environnement (pêche à la dynamite, chasse de dauphins…) ? « Nous n’y allons pas et nous n’irons jamais », assène Ziad El Zein. Longtemps, le business de la plongée a été réservé à des Européens ou Nord-américains qui s’implantaient dans un pays pour développer leur chiffre d’affaires en apportant leur « savoir ». Mais désormais, le monde sous-marin ne fait plus peur et de nombreux pays forment des moniteurs, comme Tropical Diving à Nosy Be (Madagascar) ou Red Sea Diving Safari (Égypte).

 

Soutien aux populations locales

 

« Nous interrogeons toujours nos nouveaux partenaires potentiels sur les procédures de recyclage des déchets et usage des plastiques », avoue Gérard Carnot. Les actions environnementales terrestres qui comptent souvent un volet « lutte contre le plastique » peuvent aussi être couplées à des actions sur le milieu marin. Au Mozambique, Liquid Divers recense tous les débris marins sur quatre sites de plongée bien délimités. « Des données transmises à l’organisme PADIdans le cadre de son action Project AWARE’s Adopt A Dive Site. Cela fournit des informations indispensables pour aider à faire évoluer les politiques gouvernementales ».

« Nous regardons également l’impact des clubs de plongée et leur engagement dans la communauté où ils sont installés, analyse Gérard Carnot. Avec un bémol : il est impensable de donner des leçons à des partenaires dans des pays en voie de développement où les moyens manquent cruellement ». Ces TO spécialisés sélectionnent rigoureusement les clubs de plongée avec lesquels ils vont travailler. « Notre partenaire Liquid Divers organise des collectes pour les écoles et les familles dans le besoin, installe des panneaux solaires, récupère les eaux de pluie, raconte Claire Le Saux. En Indonésie, le centre Safari Bali œuvre pour la préservation du travail des femmes et aide les petites filles à aller à l’école en récoltant des fonds via les plongeurs ».

Si le sujet de l’empreinte carbone des voyages au long cours est encore peu abordé, il est dans l’air du temps. La société Ultramarina reverse ainsi une contribution prise sur sa marge au fonds mutualisé du Syndicat des Entreprises du Tour Operating (SETO). « Ce fonds investit dans des projets d’absorption de CO2 du Fonds Carbone Livelihoods, souligne Gérard Carnot. Ce qui me plaît, c’est qu’un travail important est consacré à la restauration des mangroves. En tant que plongeurs, nous connaissons tous l’importance de la mangrove dans la protection des fonds marins et son rôle vital de nurserie de nombreuses espèces marines ». 

Source: Le figaro