« Le monde du silence gueule », une pièce ludique pour venger les océans

Du 10/12/2022 Au 08/01/2023

À Paris,

 

À Paris, le théâtre du Lucernaire propose jusqu’au 8 janvier prochain une pièce de théâtre en forme de stand up à deux voix, où des « habitants des océans » se rebellent contre les menaces qui pèsent sur eux. Et règlent, au passage, leurs comptes avec l’espèce humaine. Drôle, malin et pédago.

Costumes de circonstance, casquettes blanches visées sur la tête, « check du coude » en guise de salut : les deux « maîtres de cérémonie » débarquent sur scène avec une énergie débordante. La première est blonde et longiligne, le second petit et trapu. Sauf que les apparences sont parfois trompeuses. Sur un fond musical entraînant tout droit sorti d’une boîte de nuit, les deux inconnus ne se présentent pas à leur public comme un duo d’êtres humains… mais comme un duo de dauphins.

Sortis des océans le temps d’une représentation brève mais urgente, les voilà partis pour nous présenter les différentes composantes de la chaîne alimentaire qui règne dans les tréfonds de la planète bleue. Avec, en prime, cet avertissement sans équivoque : « Il se pourrait bien que vous ressentiez une forme de culpabilité à l’écoute de tout ce que nous allons vous dire… C’est normal, c’est le but. Sinon la pièce se serait appelée ‘Le monde du silence va bien, restez chez vous gros bisous’ ! »

Dans l’une des infinies réalités du multivers où les civilisations occidentales n’auraient pas ravagé, en l’espace de seulement quelques siècles, les écosystèmes terrestres et marins, un tel titre aurait pu, en effet, être envisagé. Dans la réalité qui est la nôtre, en revanche, impossible de l’imaginer. À travers leur nouvelle pièce Le monde du silence gueule, dont les représentations se déroulent au théâtre parisien du Lucernaire jusqu’au 8 janvier prochain, l’auteure Julia Duchaussoy et le metteur en scène Pierre-François Martin-Laval (alias PEF) entendent précisément donner la parole à ces habitants des océans que l’on n’entend jamais. Mieux : leur offrir l’opportunité d’organiser un véritable « plateau de stand up » afin de régler leurs comptes, une bonne fois pour toutes, avec l’espèce humaine.

 

Interro surprise et réflexions

 

Dans un décor minimaliste, Julia Duchaussoy (par ailleurs monitrice de plongée sous-marine) et son acolyte Franck Lorrain (voix française de Ryan Reynolds, Shia LaBeouf ou encore Ryan Gosling) enchaînent ainsi les sketchs loufoques et pédagogiques pendant plus d’une heure, grimés sous les traits d’espèces aussi fascinantes qu’indispensables à notre survie. Phytoplancton, anémone, poisson clown… Tous y vont de leurs protestations soutenues, tantôt à propos de la surpêche, tantôt à propos de la pollution au plastique.

Surtout, les deux comédiens parviennent avec talent à vulgariser des concepts aussi complexes que la photosynthèse, la production d’oxygène ou la symbiose, notamment en interagissant directement avec le public – jusqu’à une séquence finale en forme d’interrogation surprise, didactique sans être suffisante.

Outre ses belles idées de mise en scène (plaidoirie d’un picoplancton invisible à l’œil nu, cours d’éducation sexuelle sous-marine…), la pièce a aussi le mérite de ne pas se cantonner au registre du cours magistral. Durant la deuxième moitié de la représentation, une orque interrompt ainsi le discours policé d’un requin superstar depuis les escaliers du public, reprenant les codes du militantisme contemporain (« Les cétacés disent c’est assez ! ») et questionnant, par là, le degré de radicalité nécessaire pour faire concrètement avancer les choses.

Et Julia Duchaussoy de rappeler dans son exposé conclusif que c’est grâce à la pression de la société civile qu’Emmanuel Macron s’est récemment engagé à soutenir, aux côtés d’autres pays comme l’Allemagne, le Chili ou la Nouvelle-Zélande, « l’interdiction de toute exploitation des grands fonds marins »… Preuve que les coups de gueule n’ont jamais été aussi utiles.

Source: Usbek & Rica