Venise, la dame des Océans : « Je prédis les tsunamis, la Méditerranée en danger. Les mers ? Ils ont besoin d’être reboisés. »

 

La « dame des océans » vit à Venise. Elle connaît si bien les eaux qu’elle a mis au point un système pour sauver les pays méditerranéens des tsunamis, elle nourrit les fonds marins le long des côtes grâce aux fonds du PNRE, et elle vient de se voir confier un mandat mondial : Francesca Santoro, océanographe et coordinatrice du programme d’éducation aux océans de l’UNESCO, devra coordonner l’éducation à la protection des mers contre les dégâts du changement climatique dans tous les pays du globe. Et elle ne pouvait le faire que depuis Venise, depuis le siège de l’Unesco au Palazzo Zorzi, dans la ville de la mer.

Dr Santoro, vous avez été étudiante et doctorante à Ca’ Foscari en sciences de l’environnement, puis vous avez été appelé par l’Unesco à Paris, où vous avez créé le premier système d’alerte aux tsunamis pour la mer Méditerranée. Sommes-nous donc en danger ?

« En 2011, nous avons commencé, puis le système est devenu opérationnel en 2014. L’Italie joue un rôle important dans ce système d’alerte : elle est un centre régional qui aide les autres pays méditerranéens à être alertés rapidement en cas de risque de tsunami. Lorsqu’il y a un tremblement de terre en mer d’une certaine magnitude et à une date probable de risque, les centres scientifiques, comme en Italie l’Ingv, l’Institut national de géophysique et de volcanologie, avertissent les autorités de protection civile ».

L’Italie pourrait-elle également être touchée ?

En 1908, il y a eu le grand tremblement de terre de Messine, dans ce cas, il y a eu aussi un raz-de-marée, puis un tsunami. La Méditerranée est une zone sismique élevée, elle est donc plus exposée au risque de tsunami ».

D’ici la fin du siècle, le niveau de la mer s’élèvera, dit-on, de 80 centimètres. Y a-t-il une prévision pour Venise ?

 » Cette donnée appartient à un modèle global, mais les données nous donnent une tendance générale. À Venise, il n’y a pas seulement la question du niveau de la mer, mais aussi celle de l’affaissement naturel, c’est-à-dire le fait que le sol continue à s’abaisser, jusque dans les années 1970, à cause de l’extraction du gaz, puis aussi à cause de l’extraction de l’eau des aquifères, qui fait que le sol se compacte et donc s’abaisse. Ici, les composants naturels et artificiels s’additionnent. De nombreuses infrastructures, notamment celles qui ont été planifiées il y a plusieurs années, risquent aujourd’hui de perdre leur sens. Il a été observé que l’augmentation du changement climatique est beaucoup plus rapide que nous le pensions ».
Par exemple ?
 
« Il y a des plantes qui existent aussi dans la lagune de Venise, elles sont appelées ‘phanérogames’ parce qu’elles ont des fleurs et des fruits comme les plantes normales. Ils ont des fonctions très importantes pour la côte, ils la protègent de la force des marées, ils amortissent la force des vagues et des tempêtes, avec leurs racines ils sauvegardent la côte. En collaboration avec l’université Ca’ Foscari, nous avons réintroduit ces plantes qui contribuent à stabiliser les marais salés. Nous avons réalisé un projet pilote à Palerme et il en sera de même dans les Pouilles et dans la lagune. Il s’agit des « solutions au changement climatique fondées sur la nature ».
 
Vous répétez souvent que l’océan est un : alors que peut-on faire pour l' »océan vénitien » ? En bref, l’Unesco regarde-t-elle au-delà de la Mose ?
 
Le problème est de comprendre qu’il n’y a pas de solution unique, et pas seulement à Venise, il y a l’ingénierie et aussi l’ingénierie naturaliste. Le Pnrr a alloué 400 millions d’euros au niveau italien pour d’abord cartographier les herbes marines et ensuite pour leur « reforestation ». Ces plantes absorbent également une grande quantité de dioxyde de carbone. C’est un peu comme dire « allons planter des arbres ».
 
Vous voulez dire qu’une plante sous-marine vaut plus qu’un arbre pour nettoyer la planète ? En d’autres termes, les écoliers et les entreprises pourraient-ils demain greffer des plantes marines à la place des arbres pour compenser les émissions ?
 
« Absolument. Les plantes marines sont plus efficaces que les plantes terrestres pour stocker le carbone ».
 
 
Suivez-vous également les affaires vénitiennes ou… votre horizon est-il « seulement » mondial ?
 
Notre bureau est à Venise, et nous essayons d’avoir des moments de confrontation et de rencontre avec la communauté. À l’Arsenale, nous avons une exposition sur l’océan et le climat, nous avons impliqué les écoles, nous avons fait des activités dans le passé pour nettoyer les canaux du plastique ».
 
Quel est votre avis sur les crues exceptionnelles qui ont touché la ville ces dernières années ?
 
« Des phénomènes se produisent qui n’ont jamais eu lieu par le passé, cela a conduit aux hautes eaux de 2019 et aussi à des prévisions erronées. En raison principalement du vent, plutôt que de la marée, des conditions ont été créées qui n’ont jamais été observées auparavant. Des événements aussi exceptionnels que les ouragans en Méditerranée sont des phénomènes nouveaux et difficiles à prévoir. Ce qui est certain, c’est le changement climatique et le fait que nous serons de plus en plus confrontés à ces événements. Malheureusement, il est mauvais de dire « mais… ».
 
« On a dit ça ? »
 
« Exactement. Malheureusement, les prévisions des chercheurs se réalisent toutes, qu’il s’agisse des vagues de chaleur, de la multiplication des événements extrêmes, de l’augmentation des précipitations dans le nord de l’Europe ou des sécheresses dans le sud. Malheureusement, nous savons qu’il y a des questions liées à l’économie qui ne peuvent être négligées, mais un choix doit être fait. Si nous éliminons radicalement les émissions de dioxyde de carbone, il est encore temps. Voulons-nous sauver cette planète ou non ? Nous n’avons que quelques années ».
 
Traduit d’après la source: Corriere de lveneto