Une symbiose marine unique élucide l’un des plus grands mystères de l’océan

Des chercheurs de l’institut Max Planck de microbiologie marine ont révélé une symbiose unique entre une bactérie et une algue marine, expliquant ainsi comment les plantes maritimes se nourrissent sans cyanobactéries.

Dans les profondeurs océaniques, les espèces végétales ont besoin d’azote pour se nourrir et pousser. Toutefois, ces plantes ne peuvent pas l’assimiler sous forme gazeuse, ainsi pour y accéder, elles dépendent de l’aide des micro-organismes. En effet, ces micro-organismes sont des bactéries fixatrices d’azote, comme les cyanobactéries. Elles ont la capacité de convertir l’azote inutilisable en formes absorbables par les plantes. Ce processus s’appelle la fixation de l’azote. Une fois que l’azote est converti, il est libéré dans l’eau sous une forme assimilable, et les plantes marines peuvent l’absorber directement à travers leurs surfaces externes, comme les feuilles ou les racines exposées. Néanmoins, dans certaines régions océaniques, ces bactéries fixatrices ne sont pas présentes alors comment ces plantes se nourrissent-elles ? C’est tout le mystère que les biologistes de l’institut Max Planck ont élucidé dans leur publication parue le 9 mai 2024 dans la revue scientifique Nature.

 

Une symbiose inédite entre une algue et une bactérie

 

Depuis 2020, l’équipe de l’institut Max Planck a navigué sur des milliers de kilomètres de la côte allemande aux eaux tropicales de l’Atlantique Nord et cette expédition n’a pas été vaine. Les chercheurs ont mis en lumière, en recueillant une centaine de litres d’eau de mer, une symbiose entre une diamotée (une algue microscopiques appartenant à la composition du plancton) et une bactérie fixatrice d’azote “apparentée au genre Vibrio, mais de manière inattendue, l’organisme lui-même était étroitement lié aux (bactéries) Rhizobia qui vivent en symbiose avec les légumineuses”, précise Tschitshko, premier auteur de l’étude. En effet, ce Rhizobia est présent sur Terre et est en symbiose avec les racines des plantes légumineuses comme les haricots ou les pois.

Les symbiotes rhizobiens fixateurs d’azote (marqués par fluorescence en orange et vert à l’aide de sondes génétiques) résidant à l’intérieur de diatomées collectées dans l’Atlantique Nord tropical. Le noyau de la diatomée est représenté en bleu vif. Institut Max Planck de microbiologie marine de Brême/Mertcan Esti

“La bactérie fixe 100 fois plus d’azote qu’elle n’en a besoin pour elle-même”

 

Dans l’océan sans cyanobactéries, cette symbiose s’effectue donc grâce au genre de bactéries Vibrio, surnommée par les biologistes “Candidatus Tecttiglobus diatomicola” et des algues. Pour arriver à observer ce phénomène, les chercheurs ont eu recours à des marquages fluorescents sur ces bactéries prélevées dans les eaux. Ces analyses ont démontré que ces fixateurs d’azote étaient cachés à l’intérieur des algues. “ Nous avons trouvé des groupes de quatre Rhizobia, toujours assis au même endroit à l’intérieur des diatomées” , indique le co-auteur Kuypers dans un communiqué. Comment cela fonctionne ? Cette bactérie reçoit du carbone par l’algue en échange d’une forme d’azote assimilable par celle-ci. “Pour soutenir la croissance de la diatomée, la bactérie fixe 100 fois plus d’azote qu’elle n’en a besoin pour elle-même », détaille Wiebke Mohr, co-auteur de l’étude.

Un groupe de diatomées avec leurs symbiotes marqués par fluorescence  Institut Max Planck de microbiologie marine de Brême/Mertcan Esti

Une meilleure compréhension de l’environnement maritime

 

Pour les auteurs de ce rapport, la découverte de cette symbiose pourrait également avoir des implications profondes pour notre compréhension de l’évolution des organismes marins et de leurs stratégies de survie dans des environnements pauvres en nutriments. Les chercheurs suggèrent que cette interaction entre la diatomée et la bactérie pourrait représenter une étape préliminaire à une fusion complète entre les deux organismes, un peu comme ce qui est arrivé il y a des milliards d’années quand des petites entités ont fusionné pour former nos cellules actuelles, avec des mitochondries et des chloroplastes.

Source: ca m’interesse