Une scientifique tchèque identifie une toute nouvelle bactérie en Antarctique
10 avril 2025
10 avril 2025
Dix ans après avoir fini d’analyser des échantillons rapportés de la mission tchèque en Antarctique, une scientifique de l’Université Masaryk de Brno a annoncé avoir découvert un nouveau type de bactérie qui pourrait servir de substitut aux antibiotiques inefficaces.
Pseudomonas rossensis : derrière cette dénomination scientifique latine se cache le rêve de tout scientifique aspirant à réaliser une découverte d’importance qui lui sera désormais associée. C’est le cas de ce nouveau type de bactérie dont on doit l’identification à Kateřina Snopková, de l’Institut de microbiologie de la Faculté de médecine de l’Université Masaryk à Brno :
« Il y a dix ans, je devais d’abord terminer des recherches en cours. Puis j’ai commencé à travailler sur des échantillons rapportés d’Antarctique, mais il se trouve que j’ai aussi eu deux enfants entre-temps. Je m’y suis remise ensuite et j’ai découvert que nous avions là une nouvelle espèce de bactérie après environ huit ans de recherche. Ensuite, il a fallu un certain temps avant que nous puissions publier les données. »
Comme tous les ans depuis 2006, le début de l’année est synonyme d’expédition aux confins du globe pour une vingtaine de scientifiques tchèques, divisés en deux équipes : revenus il y a quelques jours, une partie de ces chercheurs a séjourné sur l’île James Ross, en Antarctique, où se trouve la station polaire qui leur sert de base. L’autre équipe était basée sur l’île Nelson.
Tordant le cou à des idées reçues sur l’Antarctique, associée au froid glacial et aux pingouins, ces scientifiques ont par le passé déjà étudié les lichens, rappelant que même sous ces latitudes, il existe des organismes photosynthétiques, ou se sont intéressés encore aux champignons microscopiques également présents dans cette zone de la planète. Parmi les différents sujets qui les préoccupent aussi, l’impact du réchauffement climatique sur cette région ou l’étude du « permafrost » ou pergélisol, ces sols gelés en profondeur et en permanence.
L’équipe principale composée de 14 scientifiques a passé plusieurs semaines à la station polaire Johann Gregor Mendel située sur l’île James Ross, en compagnie de collègues israéliens, espagnols et italiens. Pour la première fois cette année, ils ont également étudié les spécificités de la propagation de la grippe aviaire en Antarctique ou encore les algues marines et terrestres, mais ont également effectué des tests sur tous les participants à la manière de ceux réalisés dans le cadre de la recherche spatiale, pour étudier la psychologie et de la physiologie humaines confrontées à un environnement hostile.
Mais une fois les séjours sur place terminés, la recherche ne s’arrête pas, voire plutôt commence réellement avec l’étude des échantillons collectés sur place. Dans le cas de la bactérie identifiée par Kateřina Snopková, le caractère inattendu de la découverte s’apparente davantage à une cerise sur le gâteau dans le cadre d’une étude plus complexe de l’adaptabilité de ces organismes aux conditions du Pôle Sud.
« Les bactéries doivent être très bien adaptées au fait que le sol gèle et dégèle régulièrement, qu’il y a de fortes doses de rayons UV qui viennent frapper le sol ou que celui-ci contient un minimum de nutriments. »
Pseudomonas rossensis, nommée d’après l’île James Ross, est, comme son nom l’indique une pseudomonade, un genre de bactéries largement répandu dans la nature, comprenant plus de 350 espèces. Certaines d’entre elles peuvent provoquer de graves maladies et beaucoup présentent une forte résistance aux antibiotiques. C’est le cas, par exemple, de Pseudomonas aeruginosa, qui provoque des infections des voies respiratoires ou urinaires. D’autres espèces, en revanche, sont bénéfiques, comme c’est le cas de Pseudomonas rossensis qui sécrète des bactériocines, soit des protéines qui éliminent les bactéries apparentées :
« Elle doit pouvoir rivaliser avec d’autres bactéries pour les nutriments et les ressources qui sont très limitées dans un environnement inhospitalier comme l’est l’Antarctique. Or ces fameuses bactériocines sont capables d’éliminer également la bactérie Pseudomonas aerigunosa. Il s’agit d’une bactérie que l’on trouve souvent dans les hôpitaux. Elle est responsable d’infections chez les grands brûlés, mais aussi d’infections respiratoires ou des voies urinaires. C’est à cause de cette bactérie que nous sommes confrontés au problème très courant de la résistance aux antibiotiques. »
Sa « rivale » de l’île James Ross possédant le patrimoine génétique nécessaire pour surmonter les contraintes liées aux conditions difficiles de l’Antarctique et la nature ayant développé des moyens de lutter contre les bactéries résistantes, c’est désormais, grâce à cette découverte, aux scientifiques d’essayer de comprendre tous ces mécanismes afin de pouvoir les utiliser en médecine. Et notamment pour pallier à ce problème de résistance aux antibiotiques.