« Un instrument qui donne le meilleur de la science » : Mercator Ocean devient, enfin, le fer de lance européen de la surveillance numérique des océans
2 mai 2025
2 mai 2025
C’est la vigie des océans. Mercator Ocean vient d’élaborer une réplique numérique des océans, histoire de mieux les connaître pour mieux appréhender l’impact du changement climatique. Une initiative de l’Union Européenne réalisée depuis Toulouse (Haute-Garonne) et accessible à tous. Pierre Bahurel le Directeur Général de l’entreprise toulousaine nous explique.
Ils recouvrent plus de 70 % de notre planète : les océans subissent eux aussi les changements climatiques. Il est donc important de les observer et de les préserver. En février 2022, le « One Ocean Summit » de Brest a occasionné des annonces importantes pour leur protection. La société Merctor Ocean basée à Toulouse est devenue le fer de lance de cette volonté européenne. Mais il a fallu attendre 3 ans avant que le projet se concrétise.
La présidente de la Commission Europénne Ursula von der Leyen voulait travailler sur les outils numériques pour approfondir la connaissance des océans. Il s’agissait en quelque sorte de transformer l’essai de Copernicus, un programme d’observation de la Terre de l’Union européenne pour offrir des services d’information basés sur l’observation de la Terre par satellite et les données in situ.
Les planètes s’alignent alors entre la France et l’UE. C’est en terre maritime bretonne que les annonces sont faites lors du « One Ocean Summit » de Brest en 2022. Et s’il n’y a pas d’océans ni de mer à Toulouse (Haute-Garonne), il y a un pôle scientifique fort lié au spatial et aux stellites avec Mercator Ocean International qui scrute les océans depuis la ville rose.
Lors du sommet de Brest, Emmanuel Macron veut s’appuyer sur Mercator Ocean pour en faire une organisation intergouvernementale européenne.
Nous sommes en 2025 et après de longues discussions, un début de concrétisation est à l’horizon. « C’est un processus long, reconnaît Pierre Bahurel DG de Mercator Ocean. Les premières phases sont ingrates et notre travail invisible. On a créé cette infrastructure, interconnecté des programmes. Un groupe de 6 états (NDR : l’Espagne, l’Italie, la Norvège, le Portugal, le Royaume-Uni et la France) a travaillé sur l’ébauche de ce traité. On nous a demandé une première ébauche pour 2024. Les discussions ont été ouvertes à 31 pays. La 3e conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC) coprésidée par la France et le Costa Rica, se tiendra à Nice du 9 au 13 juin prochains. Le traité sera alors présenté et soumis à la signature. »
Libre aux états de le signer, il faudra ensuite le ratifier. Si 2025 et la conférence de Nice constituent un vrai point de bascule pour la concrétisation de ces projets, les 125 employés de Mercator Ocean ont travaillé sur la numérisation des océans. Le centre de prévision européen basé à Toulouse a réalisé une réplique numérique des océans du globe pour mieux les connaître et surveiller l’impact du changement climatique.
À l’heure où l’hôte de la Maison blanche dézingue la science, tout le travail accompli à Toulouse pour créer ce jumeau numérique européen de l’océan (JNO) apparaît comme un pied de nez. « C’est une volonté européenne que je soutiens sans réserve, poursuit Pierre Bahurel. On est clair sur les contours du service. On ne s’arrête pas qu’aux données mais on fournit des outils pour jouer avec. On crée des logiciels qui permettent de poser une question avec une forte interaction. Cet instrument donne le meilleur de la science et c’est gratuit. »
On peut par exemple de manière concrète voir l’incidence de la montée des eaux, la salinité des océans, suivre la dérive d’objets en plastique abandonnés à tel endroit… mais ce n’est pas une aide à la navigation ou un outil pour l’aquaculture. « On est généraliste et scientifique. On laisse beaucoup de place à ceux qui sont dans les applications, ceux qui sont en bout de chaîne. Pour que ça fonctionne, il faut que ce soit le plus facile possible. Notre travail est gratuit. »
Toutes ces données sont pourtant coûteuses à générer. Il existe d’autres Jumeaux Numériques des Océans en Chine, ou en Australie mais cette démarche européenne coordonnée et scientifique n’a pas d’équivalent. L’océanographie est une discipline récente et elle prend de la profondeur à Toulouse.
Lancé en 1995, Mercator Ocean est une société civile à but non lucratif qui fait travailler 125 personnes à Toulouse. Il y a aussi 300 prestataires en Europe, 100 000 abonnés (gratuit) et des millions d’utilisateurs dans le monde entier.
Mercator c’est un budget de 50 M€, financé principalement par l’Union Européenne. « Nous sommes habitués à 3 bouts de ficelle mais là nous avons des engagements de financements pérennes. On casse les plafonds de verre. Ça a changé la discipline. »
Un changement qui incite Pierre Bahurel à l’optimisme. D’ici 2030, Mercator Ocean International va encore prendre de l’envergure et peut-être générer une prise de conscience en matière de protection des océans et de réchauffement climatique. « Le numérique permet cet accès aux connaissances mais également de ressentir et de s’approprier les choses, de créer une conscience plus évidente. Le moment est intéressant et j’ose penser qu’effectivement on peut un peu changer les choses ».