Tunisie: la contrebande de corail à Tabarka

 

Objet de toutes les convoitises en raison de sa valeur marchande, cet or rouge est également l’une des causes de la mort de nombreux plongeurs. Slim Medimegh, plongeur professionnel depuis 26 ans dans les travaux sous-marins et corailleur de première formation, observe de loin le bilan tragique. « On enterre pas mal de plongeurs chaque année, il y a des décès, des disparus qu’on ne retrouve jamais », constate-t-il. Avec la raréfaction des plongeurs professionnels, le braconnage prend de l’ampleur. Dans le passé, pour récolter le corail, les pêcheurs utilisaient la croix de Saint-André, une grosse croix en métal pour frapper les récifs coraliens, permettant aux plongeurs de récupérer les débris.

Aujourd’hui, cette méthode est encore employée, ainsi qu’une autre plus moderne mais tout aussi dévastatrice : « Il s’agit de tracter de grosses chaînes auxquelles sont accrochés des morceaux de filet. Ces grosses chaînes sont tirées par des unités de pêche équipées de bateaux de 10 mètres propulsés par 200-300 chevaux et plus », explique-t-il. « C’est un jeu du chat et de la souris » Ces pratiques illégales ont failli pousser Mourad Ben Khelifa, armateur de corail depuis une dizaine d’années dans les eaux de Bizerte, au nord, à abandonner le métier. Il fait face à de nombreuses difficultés : les prix de l’hélium nécessaires pour la plongée profonde ont quadruplé en dix ans, et la concurrence de la pêche de contrebande du corail algérien est très répandue dans l’une des plus grandes réserves de corail rouge en Méditerranée. « On peut dire qu’ils flirtent avec les frontières », explique-t-il. « Parce que moi, je l’entends à la radio toute la journée : « Marine nationale, marine nationale, le bateau dans tel endroit, veuillez rebrousser chemin ».

C’est toute la journée, c’est la chasse, c’est le jeu du chat et de la souris. C’est une barrière beaucoup plus grande, c’est interdit donc, forcément, ça n’a pas été trop exploité ». De nombreux contrôles douaniers et policiers Une fois pêché, ce corail est destiné à l’exportation, principalement vers l’Italie, qui domine le marché. Ce trafic fait l’objet de nombreux contrôles douaniers et policiers, comme en attestent les saisies régulières de la douane. Pour Mourad, l’excès de contrôles de plus en plus sévères met également en difficulté le secteur légal. « Nous sommes entrés dans le domaine du fantasme », soupire-t-il. « Quand les policiers vous arrêtent avec du corail, on dirait qu’ils vous ont attrapé avec de la drogue. Si un individu trafique, ils ferment tout pour tout le monde, le temps de comprendre et de voir. Plus personne dans la douane ne veut signer un papier, car ils ont peur de se retrouver en prison à cause du corail. L’État a fixé les prix. »

 

Source: rfi