Troisième Conférence des Nations unies sur l’océan : des engagements à transformer en actes

Dans un contexte géopolitique complexe, la Troisième Conférence des Conférence des Nations unies sur l’océan a donné des signaux clairs et positifs de soutien au multilatéralisme et à la coopération internationale autour des enjeux liés à la protection des mers et des côtes. Des signaux qui doivent à présent se concrétiser à échelle nationale comme dans les enceintes intergouvernementales. 

Une vague de soutien au multilatéralisme environnemental, c’est ce qu’on retiendra de la Troisième Conférence des Nations unies sur l’océan qui s’est tenue à Nice ces derniers jours. Ce soutien s’est d’abord exprimé de manière symbolique, à travers la présence d’une soixante de chefs d’État et de gouvernement – ils étaient une vingtaine à Lisbonne lors de la dernière édition en 2022 – et la participation d’un très grand nombre de pays représentés aux Nations unies, les États-Unis faisant comme attendu figure d’exception. Cette mobilisation politique s’est accompagnée d’une forte participation des scientifiques, du secteur privé et des villes et régions côtières qui ont chacun bénéficié d’un forum spécial, organisé en amont du segment officiel. Dans une période marquée des replis nationalistes et des tentations d’appropriation de ressources communes, il s’agit là de signaux positifs, témoignant d’une volonté partagée par un grand nombre de pays et d’acteurs d’accélérer la gestion durable de ce bien commun. 

Mais au-delà de la mobilisation, cette conférence était attendue pour ses engagements. De ce point de vue, le bilan n’est pas vide. Sur le plan national, plusieurs pays et territoires ont annoncé l’extension de leurs réseaux d’aires marines protégées (Espagne, Tanzanie, Chili, Portugal, Polynésie française, etc.). D’autres se sont engagés pour une régulation plus forte des activités humaines, comme la Grande-Bretagne qui a interdit le chalutage de fond dans 41 de ses aires protégées. La science a également occupé une place centrale, avec le lancement officiel de la Plateforme International pour la durabilité de l’océan (IPOS), de la mission Neptune, programme d’exploration scientifique, ou encore de Space4Ocean, coalition destinée à mettre les technologiques spatiales au service de la surveillance du milieu marin. Le secteur privé s’est également engagé, en particulier dans les domaines du transport maritime et des ports, du secteur financer et du tourisme durable. Une coalition des villes et régions côtières a par ailleurs été lancée pour répondre aux défis d’adaptation auxquelles elles font face. Sur le plan multilatéral, le sommet de Nice a également été marqué par des avancées notables. Quatre nouveaux pays (Slovénie, Chypre, Lettonie, Iles Marshall) ont rejoint l’initiative en faveur d’un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins – ils sont aujourd’hui 37, quand ils étaient seulement 12 à Lisbonne en 2022 –, tandis que plusieurs institutions financières ont annoncé qu’elles ne soutiendraient aucun projet en ce sens. S’agissant de la lutte contre la pollution plastique, plus de 90 États ont signé une déclaration appelant à la finalisation rapide d’un traité international ambitieux, intégrant un objectif global de réduction de la production et de la consommation de polymères plastiques primaires. Enfin, une nouvelle vague de ratifications du traité sur la haute mer a permis d’atteindre la barre des 50 pays engagés1, ouvrant la voie à une entrée en vigueur possible d’ici la fin de l’année dès que 10 pays supplémentaires auront ratifié – et la dynamique semble être en marche.

L’objectif est donc désormais de capitaliser sur ces engagements pour les traduire en avancées concrètes, tant au niveau national que sur la scène internationale. Dans chaque pays, la société civile pourra exercer une pression légitime sur les gouvernements afin qu’ils rendent des comptes sur les promesses formulées à Nice. Sur le plan multilatéral, les dynamiques engagées devront se poursuivre et s’accélérer au sein des enceintes intergouvernementales compétentes : dès juillet à Kingston, lors des réunions du Conseil et de l’Assemblée de l’Autorité internationale des fonds marins ; début août à Genève, lors de la session de négociation pour un traité sur les plastiques ; fin août à New York, à l’occasion de la commission préparatoire à l’entrée en vigueur du traité sur la haute mer ; en novembre à Belém pour la COP 30 sur le climat pour faire le point sur le « Blue NDC challenge » et son objectif d’une meilleure intégration de l’océan dans les contributions déterminées au niveau national (NDCs en anglais). 

Côté français, si le travail diplomatique pour la préparation du sommet a été salué, les annonces faites par le gouvernement sur les aires marines protégées ont pu légitimement décevoir, en particulier l’objectif de 4 % des eaux hexagonales passant sous protection forte, chiffre critiqué à la fois pour sa faiblesse et sa méthode de calcul. Toutefois, la réaction unanime des scientifiques et des ONG a montré qu’il n’était aujourd’hui plus possible, en France comme ailleurs, de focaliser l’attention sur l’aspect quantitatif des réseaux d’aires protégées (la cible 30×30 de l’Accord Kunming-Montréal [Iddri, 2023]) sans apporter des garanties sur leur niveau de protection. C’est aussi un important acquis de Nice, sur lequel les acteurs d’environnement vont pouvoir s’appuyer au cours des prochains mois. 

Les conférences des Nations unies sur l’océan n’ont pas la vocation ni le mandat d’être des instances décisionnelles. Au-delà de son objectif initial visant à évaluer et soutenir la mise en œuvre de l’Objectif de développement durable 142, cette troisième édition avait pour ambition d’accélérer certains dossiers clés, notamment à l’échelle multilatérale. En ce sens, certaines annonces auraient pu être plus fortes, certains engagements plus substantiels, mais les pays et acteurs ambitieux pourront s’appuyer sur les résultats de Nice pour faire progresser leurs positions dans les enceintes internationales au cours des prochains mois. L’UNOC-3 aura ainsi constitué une étape, renforçant la dynamique collective et posant des jalons pour les prochains rendez-vous internationaux. 

Grâce à l’océan — symbole puissant d’un bien commun partagé aux yeux de l’opinion publique —, il devient également plus évident que l’utilité de ces grands rassemblements internationaux ne se mesure pas uniquement à leur capacité à produire un nouvel instrument juridique. Leur valeur réside aussi dans leur pouvoir de focaliser l’attention politique et médiatique, de susciter une pression et une émulation entre États. Cela peut permettre, par exemple, de rendre plus concrète, plus certaine et manifestement réalisable la mise en œuvre d’un accord existant, comme c’est le cas pour la haute mer ; de se compter entre alliés, comme autour du moratoire sur l’exploitation des fonds marins ; ou encore d’identifier les manques dans le dialogue entre acteurs privés et gouvernements afin de faire évoluer en profondeur un secteur, comme celui du tourisme. Cette démonstration, lors de l’UNOC-3, est essentielle pour que les attentes à l’égard des COP sur le climat ou la biodiversité prennent également en compte la valeur ajoutée spécifique de ces moments politiques de haut niveau.

Source : iddri