Romain Troublé, cap sur l’Arctique avec la Tara Polar Station

 

 Avec l’inauguration, en septembre prochain, d’une étonnante station scientifique polaire, le directeur général de la Fondation Tara Océan engage ses équipes et ses partenaires dans une nouvelle aventure de vingt ans.

« On y pense depuis dix ans. Et la mise à l’eau est enfin prévue pour septembre. » Romain Troublé n’est pas peu fier du nouveau bébé de la Fondation Tara Océan : la Tara Polar Station. Un drôle d’objet flottant, plus proche d’une station spatiale que d’un bateau, qui va servir de laboratoire à des équipes de scientifiques pour étudier la vie marine dans l’Arctique. « Un écosystème sur lequel nous sommes encore totalement aveugles », précise-t-il.

Avec sa tante, la styliste Agnès b, qui a longtemps été la seule mécène de la Fondation, et son cousin Etienne Bourgeois, qui la préside, cet affable quadra à l’éternelle barbe bien taillée, désormais grisonnante, donne ainsi un nouvel élan à l’aventure, déjà hors norme, de la goélette Tara. Qui a fait faire un bond en avant à la connaissance scientifique de la vie dans les océans.

Chasseur de mammouths


Jeune, il aurait voulu être véto. « Mais les études étaient trop dures », ironise-t-il. Il s’est alors tourné vers la biologie moléculaire. « J’ai très vite compris que je n’étais pas fait, non plus, pour être chercheur. » Cofondateur de la Coupe de l’America, son père, Bruno Troublé, lui a très tôt donné le virus de la voile. Pendant ses études, il se paye d’ailleurs le luxe de participer deux fois à la prestigieuse compétition. Eclectique, il conclut son parcours universitaire avec un mastère HEC en gestion d’entreprise. Mais plutôt que de se diriger comme ses collègues vers une major du consulting, il se fait embaucher dans une petite boîte d’exploration polaire qui traque les mammouths piégés dans la glace.


Après avoir fait l’acquisition en 2003 du bateau de Jean-Louis Etienne dans le but de relancer les expéditions océaniques, sa tante et son cousin font appel à lui pour se charger de l’organisation nautique. En 2009, il devient directeur général exécutif. C’est aussi l’année de la naissance de son premier enfant, qui marque le début d’un engagement plus militant en faveur de la planète. « Avec elle, mon regard sur le futur a changé », confie-t-il.

Depuis vingt ans, la goélette Tara – qui a pris le nom du bateau familial acheté par son grand-père et sur lequel a navigué toute sa famille – a enchaîné les expéditions. Après une première dérive arctique entre 2006 et 2008, l’embarcation a sillonné les mers du globe pour étudier le plancton, le corail, la pollution plastique… En ce moment, elle écume le littoral européen pour mieux comprendre et documenter l’impact des activités humaines sur les écosystèmes côtiers.

700 chercheurs


Pourtant, la reconnaissance par la communauté scientifique a été longue à venir. « Au début, ils ne nous prenaient pas très au sérieux, constate Romain Troublé. Tout a changé en 2015, lorsque nous avons fait la une de la revue ‘Science’ avec les données issues de notre expédition sur le plancton, qui a permis de révéler la quasi-totalité des microalgues et des virus présents dans l’océan. » Aujourd’hui, la Fondation, qui bénéficie d’un budget de 5 millions d’euros, peut s’enorgueillir d’avoir accueilli à bord de Tara près de 700 chercheurs de 40 nationalités différentes.

2015 est également l’année où cette organisation, reconnue d’utilité publique en 2016, a obtenu un siège d’observateur spécial à l’ONU. Depuis, Romain Troublé, qui est aussi président de la plateforme Océan et Climat et de l’organisation Beyond Plastic Med, passe une partie de son temps à faire du lobbying politique appuyé par quatre salariés de la Fondation. « Paradoxalement, depuis l’accord de Paris en 2015, la situation régresse », alerte-t-il. Mais il demeure optimiste. « C’est une guerre, on n’a pas le droit de baisser les bras ! »

Source: Les Echos