Rendez-vous de l’histoire de Blois : « Une croissance durable à partir de la mer »
12 octobre 2022
12 octobre 2022
Samedi, l’académicien Érik Orsenna et le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, ont croisé leurs visions sur l’économie bleue.
Ils se sont connus lors de la commission Attali en 2007 et sont tous deux des experts de la politique monétaire. Hier, ils se sont retrouvés à Blois, à l’invitation des Rendez-vous de l’histoire, pour une conversation dirigée par Sylvie Kauffmann, éditorialiste au Monde, autour de l’économie bleue.
D’un côté, Erik Orsenna, l’académicien et navigateur, parfaitement à l’aise avec le thème de l’année dédié à la mer, lui qui a appris à écrire et à naviguer en même temps. De l’autre, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, convaincu par l’importance stratégique de l’économie bleue. « Elle est très difficile à chiffrer, mais il y a un consensus autour de dix-huit écosystèmes de service tels l’eau, l’air, ou des fonctions comme le transport sur mer. Ils sont aujourd’hui tous gratuits, mais on estime que ces services sont équivalents aux ressources marchandes produites. Il faut arriver à les mesurer comme on le fait pour le climat en degrés ou taux de CO2, puis prévoir leurs effets économiques dans des modèles économiques et enfin réduire les risques de sortir de nos limites planétaires. » Ces ressources ne sont donc pas gratuites et si elles s’épuisent, les systèmes économiques actuels s’effondreront.
Il y a urgence, Erik Orsenna le mesure aussi en mer. « Quand je suis allé au sud d’Ushuaia avec Isabelle Autissier (présidente de l’édition 2022 des Rendez-vous de l’histoire), on ne voyait pas un bateau, puis nous sommes tombés sur des bateaux de pêche illégale, nous qui avions comme principe de ne rien prélever ni rejeter en mer. Mais comment faire respecter les règles dans cet espace gigantesque ? La semaine passée, l’Europe n’a pas été capable de légiférer contre la pêche industrielle. La mer est une accélération des révélateurs ! »
Pourtant de la mer peuvent venir des solutions, et une source d’énergie avec les éoliennes offshore. Un sujet brûlant. « En tant qu’académicien j’aimerais que l’on supprime le mot impact, car tout a un impact, pour parler de bilan. Il faut choisir le bilan le moins violent. Je disais récemment au président de la région Bretagne vous ne voulez pas d’éolien pour les paysages, pas de méthane pour l’odeur, le solaire y est peu probable, mais vous voulez être indépendant énergétiquement, alors on fait quoi ? Tout est question d’acceptabilité et de responsabilités. Et de trouver le bon espace pour faire accepter un projet énergétique : local, régional, national ? Face à la mer, on se retrouve à un rendez-vous avec notre démocratie. »
Le gouverneur Villeroy de Galhau abonde en ce sens : il n’y a pas d’énergie idéale. « L’ambition de l’économie bleue est de passer de 400.000 emplois à un million en 2030. Je suis pour la protection de notre littoral mais les excès peuvent nuire à l’innovation, il faut en débattre ! » Mais y a-t-il une politique de la mer claire qui se dessine ? « Il y a deux façons de mal préparer l’avenir, répond Erik Orsenna. Augmenter les dettes sans investir dans les métiers d’avenir. L’idée est venue à quelques-uns de réfléchir à ce grand moteur de croissance virtuel qu’est la mer. Je lance ici l’appel à la mobilisation des forces pour une grande croissance durable à partir de la mer ! » Et le gouverneur de la Banque de France de conclure lui aussi sur une note positive : « Nous sommes le deuxième espace maritime au monde (plus de 10,2 millions de km² après les États-Unis), avec l’Outre mer qui peut offrir de formidables lieux d’expérimentation. »
Les Rendez-vous de l’histoire se poursuivent ce dimanche avec une ultime journée qui se conclura par un grand entretien entre la navigatrice Isabelle Autissier, présidente des 25e Rendez-vous de l’histoire, et Guillaume Calafat, maître de conférences à Paris 1 et auteur notamment d’une « Mer jalousée ».