Réinventer la restauration des mangroves face au défi climatique en Asie du Sud-Est
30 mai 2025
30 mai 2025
Dans une étude récente (1), les chercheurs ont analysé 32 ans de données satellitaires et des mesures de terrain dans 24 parcelles d’étude, en examinant la diversité des espèces et la structure des mangroves sur un gradient allant de la mer vers l’intérieur des terres. Les résultats montrent que les mangroves naturelles ont une biomasse aérienne beaucoup plus élevée que celles qui ont été restaurées ou qui se sont régénérées spontanément.
“Cela est principalement dû aux pratiques de restauration qui impliquent souvent des plantations mono-spécifiques, c’est-à-dire composées d’une seule espèce”, précisent Valéry Gond et Camille Piponiot, scientifiques au Cirad et co-auteurs de l’étude.
Ainsi, la biomasse aérienne dans les mangroves naturelles peut atteindre jusqu’à 536 tonnes de carbone par hectare, tandis que dans les plantations restaurées, elle n’atteint que 99 tonnes par hectare, soit cinq fois moins.
Ces résultats soulignent la complexité de la restauration des mangroves. Pour que les efforts de restauration soient efficaces, il est essentiel de prendre en compte la diversité des espèces, les conditions du site, la densité des plantes et la manière dont elles sont plantées.
Une approche plus diversifiée et adaptée est donc nécessaire pour maximiser l’impact des projets de restauration, une orientation désormais portée par plusieurs initiatives régionales, dont le projet RESCuE (Monitoring and REstoration for Sustainable Coastal Ecosystems).
Entré dans sa deuxième phase, le projet RESCuE s’emploie à développer des stratégies de restauration des mangroves en partenariat avec les acteurs locaux et les populations que ce soit en Thaïlande, au Cambodge ou en Malaisie et bientôt au Vietnam dans le delta du Mékong.
Ces résultats ouvrent également de nouvelles perspectives pour le Vietnam, qui possède de vastes zones de mangroves et a réussi à restaurer une partie des mangroves perdues au cours des dernières décennies. Les mangroves sont réparties en fines bandes le long de la côte ou des rivières estuariennes. Une grande partie de ces mangroves ne sont pas des aires protégées et sont utilisées pour l’aquaculture intégrée afin de soutenir les moyens de subsistance des populations vivant dans ces zones.
Selon les schémas d’exploitation autorisés, 60 % de la surface totale doit être conservée en mangrove, pouvant faire l’objet d’une récolte tous les 15 ans. Cela permet le stockage du carbone, le commerce de crédits carbone, et génère des bénéfices environnementaux.
Cependant, en raison des faibles rendements en poissons, crevettes et crabes sur les 40 % restants de zones aquacoles, on observe souvent une emprise sur les mangroves. Si les revenus et la résilience de ces zones aquacoles peuvent être améliorés, la pression sur les mangroves et leur biodiversité associée sera considérablement réduite.
« Une aquaculture diversifiée, un apport nutritif équilibré et des systèmes d’intégration multiples peuvent considérablement accroître les revenus et la résilience du système de production, tout en réduisant ou en empêchant l’empiètement », explique Kazi Ahmed Kabir, chercheur au Cirad, spécialiste des systèmes aquacoles durables et de la restauration des écosystèmes côtiers**.
Parmi ces systèmes figurent l’agroforesterie, qui associe mangroves et cultures horticoles, ainsi que l’aquaculture multitrophique intégrée (IMTA), combinant la production de crevettes, crabes, poissons et algues.