Qui règne sur la haute mer ? Des pirates et des créatures inconnues

 

Les eaux internationales constituent les zones les moins explorées du monde. Elles regorgent pourtant de millions d’espèces inconnues et sont le théâtre de nombreux crimes liés à la piraterie, la surpêche et l’exploitation d’êtres humains.

La haute mer constitue un vaste espace loin des Hommes et de toute gouvernance.

Chaque pays côtier possède une zone économique exclusive (ZEE), qui lui permet d’exercer son contrôle et ses droits sur une bande de mer qui s’étend jusqu’à 200 milles marins de ses côtes. Les espaces maritimes qui s’étendent au-delà des ZEE sont les eaux internationales, qui représentent plus des deux tiers des océans de la planète.

Bien que les humains ne voient que rarement ces eaux inhabitées, celles-ci regorgent de vie. Plus de 10 millions d’espèces vivent en haute mer et des millions de créatures mystérieuses inconnues des scientifiques habitent ses profondeurs.

Un nouveau traité des Nations unies, finalisé au début du mois, vise à gouverner l’ingouvernable : grâce à lui, les pays du monde pourraient s’allier pour protéger collectivement une bande d’océan couvrant la moitié de la surface de la Terre.

La haute mer est remplie de volcans sous-marins et d’espèces encore secrètes, et traversée par des pirates et des hors-la-loi. Voici cinq choses à savoir sur cet espace immense et unique en son genre.

 

1. LES PIRATES ARPENTENT TOUJOURS NOS MERS ET OCÉANS

 

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Des pirates somaliens sont assis sur le bateau de pêche sur lequel ils ont été capturés par des membres de la marine américaine en 2012. Les vols à main armée et les enlèvements contre rançon comptent parmi les principaux crimes auxquels s’adonnent les pirates près des côtes et en haute mer.

PHOTOGRAPHIE DE TYLER HICKSTHE NEW YORK TIMESREDUX

Selon Interpol, contrairement aux représentations hollywoodiennes à base de supplices de la planche et de combats d’épées, la piraterie moderne repose principalement sur des vols à main armée ou des enlèvements contre rançon. Les pirates du monde entier perçoivent des millions d’euros en rançons chaque année et, bien que ce soit plus rare, s’adonnent également au détournement de navires. 

Aujourd’hui, plus de 90 % des produits que nous fabriquons et vendons sont transportés par voie maritime, et la piraterie concerne aussi bien les espaces situés près des côtes que la haute mer. En 2020, 195 incidents de piraterie maritime ont été signalés au Bureau maritime international. 

Les pirates ne sont toutefois pas les seuls criminels présents en haute mer. Ces eaux abritent du trafic de drogue et d’êtres humains, des produits chimiques et d’autres types de déchets y sont déversés illégalement, et des poissons sont sortis de l’eau malgré les nombreuses réglementations.

Certaines des personnes qui enfreignent les lois en haute mer le font cependant avec des objectifs plus altruistes. L’association néerlandaise à but non lucratif Women on Waves fournit par exemple des services d’avortement à des femmes vivant dans des pays où cette procédure est interdite.

 

2. LES PROFONDEURS REGORGENT DE MYSTÈRES

 

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Une épave devenue récif corallien sert d’habitat à des poissons et autres créatures marines. La haute mer abrite de nombreux navires perdus et espèces non découvertes.

PHOTOGRAPHIE DE JENNIFER ADLERNAT GEO IMAGE COLLECTION

Des chaînes de montagnes sous-marines, des fosses profondes, des canyons et des sources hydrothermales décorent les grands fonds marins et abritent des poissons, des baleines, des tortues et des coraux. Si les scientifiques savent que de nombreuses espèces vivent ou migrent en haute mer, la vie dont elle regorge demeure en grande partie un mystère. On estime que 500 000 à 10 millions d’espèces inconnues des humains vivent dans nos océans.

Seule une infime partie de la haute mer a été étudiée, et il y a fort à parier que les plus grands mystères de la science se cachent dans les habitats les plus difficiles à atteindre.

Les coraux d’eau profonde y sont par exemple très répandus, dont un corail vieux de 8 500 ans, qui est le plus vieil organisme vivant connu sur Terre.

Certaines des espèces qui nous sont encore inconnues sont dotées de propriétés médicinales. Des composés trouvés dans des éponges d’eau profonde font actuellement l’objet de tests visant à déterminer leur efficacité dans la lutte contre le cancer et plusieurs maladies chroniques.

À l’heure actuelle, moins de 1 % de la haute mer est protégé. Le nouveau traité des Nations unies permet aux pays de créer collectivement des aires marines protégées (AMP), qui pourraient contribuer à conserver des zones de la haute mer en les protégeant des dégâts causés par la surpêche et les couloirs maritimes.

 

3. LE GRAND DÉBAT DE LA PÊCHE EN HAUTE MER

 

La pêche est parfois décrite comme l’un des emplois les plus dangereux au monde, et sa potentielle autorisation en haute mer fait l’objet d’un vif débat.

Une étude publiée en 2018 a démontré que 54 % des activités de pêche en haute mer ne seraient pas rentables sans l’aide des subventions gouvernementales. Environ 3 600 navires pêchent aujourd’hui en haute mer, ce qui ne représente que 6 % de l’ensemble des activités de pêche. Malgré cela, cette industrie a un impact disproportionné sur l’environnement et les droits humains. Une méthode très utilisée en haute mer est celle du chalutage de fond, qui consiste à jeter d’immenses filets qui ramassent tout sur leur passage : des poissons, mais aussi des récifs coralliens et des animaux marins rares ou menacés.

Certains pays, comme la Chine, utilisent la haute mer pour compenser le manque de poissons dans leurs propres eaux. Les scientifiques estiment qu’environ 70 % des poissons des eaux nationales passent une partie de leur vie en haute mer et, selon une étude publiée en 2015, si la haute mer était strictement fermée à la pêche, d’importantes populations pourraient commencer à déborder sur les territoires nationaux, et ainsi augmenter les stocks de poissons au sein des ZEE. La pêche commerciale dans les eaux territoriales pourrait ainsi connaître une augmentation de 18 %.

 

4. DE NOMBREUX CRIMES SONT DISSIMULÉS LOIN DES CÔTES 

 

À des milliers de kilomètres de la terre ferme, la haute mer est utilisée pour dissimuler des crimes tels que le travail forcé, mais aussi des meurtres.

Une enquête du New York Times publiée en 2015 a exposé des histoires de violence, d’asservissement, de punitions sévères, ou bien pire, que subissent des travailleurs manipulés ou forcés à travailler à bord de bateaux de pêche, où ils sont parfois détenus pendant des années. Ces bateaux stationnent en haute mer pendant des mois, voire des années. D’autres navires viennent leur faire des livraisons et ramasser le poisson pêché, leur permettant ainsi d’échapper à toute surveillance.

Selon une autre enquête publiée en 2019 par l’Associated Press, un grand nombre des poissons capturés par des travailleurs esclaves finissent par être consommés dans des pays comme les États-Unis.

Des groupes militants et les forces de l’ordre ont commencé à utiliser des satellites pour surveiller les navires en haute mer à la recherche de comportements suspects correspondant à des pratiques de travail forcé.

 

5. UNE VALEUR ÉCOLOGIQUE INESTIMABLE

 

Un plongeur nage sous une large canopée de sargasses. Les grandes algues comme celle-ci extraient naturellement ...

Un plongeur nage sous une large canopée de sargasses. Les grandes algues comme celle-ci extraient naturellement le dioxyde de carbone de l’atmosphère, et jouent ainsi un rôle essentiel dans l’atténuation du changement climatique.

PHOTOGRAPHIE DE DAVID DOUBILETNAT GEO IMAGE COLLECTION

La vie marine, comme le plancton et les algues, est responsable de l’absorption de grandes quantités de dioxyde de carbone en haute mer. Selon un rapport publié en 2014, elle permettrait de retirer 1,5 milliard de tonnes de dioxyde de carbone présent l’atmosphère chaque année.

Selon ce même rapport, les hautes mers extraient une telle quantité de carbone de l’air que sa valeur est estimée à 138 milliards d’euros. Ce carbone étant absorbé par les plantes et les animaux qui le stockent dans leur corps ou le transfèrent dans les profondeurs, certains scientifiques pensent que toute pêche en haute mer devrait être interdite.

Source: National Geographic