Qu’est-ce que cette « vitesse bleue » recommandée aux bateaux pour protéger les animaux marins ?

 
Sous l’eau, le son permet aux mammifères marins de communiquer et de s’orienter. Le trafic des bateaux, porte-conteneurs et paquebots va croissant et perturbe la faune des océans. Pour la préserver, une récente étude présentée au Parlement européen recommande aux navires de ralentir leur vitesse de navigation en adoptant une « vitesse bleue ».
 

« À l’échelle mondiale, ce palier correspond à une réduction de la vitesse moyenne comprise entre 5 et 10 % », nous assure au téléphone Noé Swynghedauw, chargé de la campagne « Vitesses Bleues » à l’Ifaw. De retour de Bruxelles, où il a soutenu la proposition, Noé Swynghedauw explique que si elle était appliquée « cette mesure diminuerait la production sonore, mais aussi les risques de collision entre les bateaux et les mammifères marins – surtout les baleines – et limiterait les émissions de gaz à effet de serre produits par le trafic maritime ».

Le niveau sonore sous-marin a doublé

Les ondes sonores qui circulent plus loin et cinq fois plus vite dans l’eau que dans l’air, sont essentielles pour l es baleines, dauphins, et autres cétacés. Elles leur permettent de se déplacer, de communiquer et de s’accoupler.

Le bruit trop élevé des navires produit une augmentation du stress chez ces animaux, créé des interférences et pousse certaines espèces à abandonner leur habitat. ​L’enregistrement sonore partagé sur le site du Fonds international pour la protection des animaux permet de se rendre compte du bruit qu’entendent les espèces sous-marines lorsque des bateaux arrivent.

Aujourd’hui, 90 % des marchandises consommées dans le monde sont transportées par bateau, pointe l’European Maritime Safety Agency (Emsa) . Selon l’Agence européenne de l’environnement , le transport maritime a contribué à plus que doubler les niveaux sonores sous-marins dans les eaux de l’Union européenne (UE) entre 2014 et 2019. En 2014, l’Organisation maritime internationale (OMI) a publié une liste de directives pour inciter les navires à réduire les bruits sous-marins qu’ils produisaient.

40 % de réduction du bruit

Il s’agissait pour les concepteurs et les constructeurs de bateaux de fabriquer des hélices, des coques et des machines plus silencieuses. « C’était sur la base du volontariat, il n’y avait pas d’aspect contraignant, donc ça a eu du mal à prendre réellement », regrette Noé Swynghedauw. En 2008, en considérant les conséquences de la pollution sonore sur la faune sous-marine, l’UE a adopté la Directive-cadre stratégie pour le milieu marin. L’objectif ? Atteindre un bon état écologique des eaux européennes d’ici 2020. Un objectif encore en cours dans lequel s’inscrit la campagne de l’Ifaw. 

 En Europe, « 40 % des bateaux naviguent déjà en deçà des vitesses bleues », affirme l’ONG qui espère que ce pourcentage englobera bientôt tout le secteur de la navigation. La pollution produite par les ondes sonores serait immédiatement « réduite de 40 % si l’ensemble de la vitesse des navires diminuait de 10 % », argumente l’Ifaw.

​Un secteur « très concurrentiel »

Si l’argument écologique ne convainc pas le Parlement européen et le secteur « très concurrentiel », pointe Noé Swynghedauw, du commerce maritime, il reste l’argument économique. D’après les conclusions du rapport de l’étude présenté au Parlement européen, abaisser la vitesse des navires commerciaux permettrait de réaliser entre 3,4 et 4,5 milliards d’euros de bénéfices socio-économiques par an si la vitesse bleue est respectée. Selon les auteurs de l’étude, les émissions de gaz à effet de serre dues à la navigation seraient ainsi réduites de 8 %.

Source: L’édition de soir