Pourquoi le recyclage n’est plus la solution miracle face au problème du plastique

 

Argument favori des pays pétroliers, réprouvé par les ONG et la France, le recyclage fait débat lors des négociations sur le Traité international contre la pollution plastique.

RECYCLAGE – Rien ne sert de recycler, il faut produire moins de plastique. C’est le message porté par une poignée de pays et d’ONG lors des négociations en cours à Paris pour l’écriture d’un Traité international contre la pollution plastique. Les représentants de 175 nations tentent jusqu’à ce vendredi 2 juin de s’accorder sur la manière d’agir face à l’urgence.

Lors de ces discussions, un sujet divise en particulier : le recyclage. Longtemps présenté comme LA solution, il comporte un effet pervers contre lequel la France veut mettre en garde : il est devenu une excuse pour produire toujours plus de plastique.

« Il faut qu’on fasse attention à ce que la question du recyclage ne remplace pas le débat sur la réduction de la production. Si on augmente nos taux de recyclage mais qu’en parallèle on augmente notre production de plastique, on aura reculé dans la résolution du problème » a pointé le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu en ouverture des débats.

 

Plus de recyclage, moins de plastique ?

 

D’un côté de la table, les pays producteurs d’énergies fossiles (Arabie saoudite, pays Golfe, Russie, Chine… font pression. Pour eux le recyclage et une meilleure gestion des déchets sont la solution. En face, l’Allemagne et la France veulent un traité plus contraignant qui acterait la réduction de la production. Leur message est clair : le recyclage est essentiel, mais il ne suffit pas. Il peut même être dangereux car il permet de se tranquilliser : en mettant une bouteille dans la poubelle jaune on pense bien faire et agir face à la pollution plastique.

Pendant ce temps, de plus en plus de plastique est produit dans le monde. « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’augmentation du recyclage ne s’est pas accompagnée d’une réduction de la production du plastique vierge » explique Nathalie Gontard, chercheuse à l’Inrae. Même les pays champions du recyclage n’ont pas réussi à produire moins de plastique. « L’explication est simple : la demande de plastique a explosé » constate Patricia Krawczak, professeur de l’Institut Mines-Télécom en polymères et composites à IMT Nord Europ.

 

Moins de 10 % du plastique est recyclé dans le monde

 

« Le plastique a été un progrès fantastique, mais notre usage en est devenu bien plus qu’excessif. On l’utilise pour tout et n’importe quoi » indique Nathalie Gontard. Sans changement, la quantité de plastique produite dans le monde triplera d’ici 2060, alors qu’elle atteint déjà 353 millions de tonnes chaque année.

Depuis son essor dans les années 60, le plastique se retrouve partout des emballages alimentaires aux vêtements en passant par les cosmétiques. Et en se dégradant, ce plastique laisse derrière lui des microparticules. Lorsqu’on lave un pull en polyester, l’eau qui en sort est remplie de microplastiques. Lorsqu’on roule en voiture, des morceaux infiniment petits de la gomme des pneus se détachent et partent dans la nature.

C’est ainsi que la terre, l’air et l’eau de la planète sont pollués par une quantité croissante de microparticules de plastique. Une pollution qui a des conséquences sur l’environnement, et aussi sur la santé. On trouve désormais du plastique jusque dans le sang et le lait maternel.

Le recyclage peut-il nous sauver de ce fléau ? À l’heure actuelle, moins de 10 % du plastique est recyclé dans le monde, c’est un peu moins 30 % en France. En réalité, même cette petite partie de plastique réutilisée contribue à la pollution. « En recyclant, on a l’impression qu’on fait de l’économie circulaire, mais en réalité ça n’est pas du tout le cas, explique Nathalie Gontard. Le recyclage tel qu’on le pratique en majeure partie aujourd’hui n’est en fait que du décyclage : on transforme un produit en un autre. On ne revient jamais à zéro. De recyclage en recyclage le plastique continue de se dégrader et alimente le réservoir de micro et de nano plastique dans l’environnement. »

 

Le lourd poids des lobbys du plastique

 

Si le recyclage n’apparaît plus comme la solution miracle, c’est aussi car il est gourmand en énergie. Mais le calcul n’est pas aussi simple, car en termes d’émissions de gaz à effet de serre le plastique a aussi ses avantages.

Par exemple, « l’utilisation de plastiques dans les voitures et les avions a permis de réduire drastiquement leur consommation de carburant » argumente Patricia Krawczak, professeur de l’Institut Mines-Télécom. De même que « remplacer les sacs en plastique par des sacs en papier ou en coton n’est pas forcément plus écoresponsable car pour réduire au minimum son impact environnemental il faut réutiliser 20 fois le sac plastique, 80 fois le sac papier, 3460 fois le sac en coton ».

Attention cependant à ne pas mélanger tous les problèmes : il y a l’empreinte carbone d’une part, et la pollution plastique de l’autre. Les deux sont souvent confondus, ce qui brouille les négociations. « L’objectif pour les industriels c’est d’entretenir cette confusion, pour ne pas changer leurs habitudes et continuer d’engranger des bénéfices avec leur business tel qu’il existe actuellement, c’est dans leur intérêt », constate Nathalie Gontard.

Il n’y a d’autre solution que de contraindre les industriels. Or est-ce possible de le faire si leurs intérêts sont représentés lors des discussions ? « Quand on décide de lutter contre la drogue, on n’invite pas des barons de la drogue à la table des négociations », illustre Nathalie Gontard.

Source: Huffpost