Poissons : une étude scientifique démontre l’efficacité des aires marines protégées

 

Comment évaluer l’efficacité des aires marines protégées ? Souvent décriées, ces zones dans laquelle les activités humaines sont encadrées pour protéger la biodiversité suscitent des controverses sur lesquelles se penchent des chercheurs dans un article publié ce jeudi 29 février dans la revue Science. L’écologue Tom Letessier a mobilisé plus d’une centaine de caméras et les a disposées dans 17 000 endroits différents dans le monde entier, recueillant ainsi 20 000 heures de vidéo sur lesquelles il a pu identifier 823 849 poissons.

Alors ? «On montre que les aires marines protégées ont un rôle important, pour les espèces benthiques [qui vivent au fond de l’eau, ndlr], et pour les espèces pélagiques [qui ne restent pas collées au sol] surtout lorsqu’elles sont éloignées des humains», explique le scientifique qui officie à l’Institut de zoologie de Londres. La proximité avec les êtres humains a été estimée en fonction de la distance à la ville de plus de 10 000 habitants la plus proche. Un des enseignements de l’étude est que les aires marines protégées sont efficaces à proximité des villes portuaires : elles contribuent à préserver les espèces vivant sur le plancher océanique. En revanche, pour les espèces nageant entre deux eaux, plus les aires marines protégées sont éloignées d’une ville, plus elles sont efficaces. Tom Letessier avance une explication : «La protection des fonds marins permet de reconstituer des habitats (coraux, algues, etc.) qui sont autant de refuges. Les espèces qui vivent en pleines eaux n’ont pas de cachette. Elles sont donc plus vulnérables aux effets des activités humaines (pêche, pollution, trafic maritime, etc.).»

Le chercheur évalue la bonne santé des populations qu’il observe en fonction de leur dimension. «La taille est un caractère écologique fondamental dans le cas des poissons. Or, on sait que les humains préfèrent manger les plus gros. Donc mesurer les changements de taille nous informe sur la vulnérabilité face aux pressions liées aux activités humaines», justifie-t-il. Les caméras sous-marines ont filmé un conteneur équipé d’un appât, comme du hareng. Le film a permis de compter, d’identifier et de mesurer les poissons de passage. Plus la population observée à un endroit donné comporte de beaux spécimens, plus elle est considérée comme peu atteinte par les activités humaines.

Ce résultat peut avoir une incidence sur la manière de gérer ces zones. Il tend à valider le plan présenté en février 2023 par la Commission européenne qui souhaite étendre les zones marines protégées à 30 % des eaux européennes (contre 12 % aujourd’hui) et à interdire le chalutage des fonds dans ces endroits. La France, elle, s’est officiellement opposée à cette dernière mesure par la voix d’Hervé Berville, aujourd’hui secrétaire d’Etat en charge de la Mer et de la Biodiversité.

Source: Libération