Plus de la moitié des eaux des lacs, rivières et fleuves en Europe dans un état « très critique »

L’objectif de rétablir d’ici à 2027 le « bon état » des masses d’eau, tant souterraines que de surface, ne sera pas atteint.

Les Etats européens ne parviendront pas à rétablir d’ici à 2027 le « bon état » de leurs masses d’eau, tant souterraines que de surface. Cet objectif, fixé par la directive-cadre sur l’eau en 2000, ne sera pas atteint, assure la Commission européenne dans un rapport publié mardi 4 février. Ce document, qui clôt un cycle de surveillance et de mesures de six ans, fait état d’améliorations modestes à l’échelle européenne par rapport au précédent état des lieux, mais le tableau général reste sombre. « Nos eaux sont polluées, notre approvisionnement en eau est menacé », a résumé, lors d’une conférence de presse, la nouvelle commissaire européenne à l’environnement, Jessika Roswall.

Plus de la moitié des masses d’eaux de surface – cours d’eau, lacs… – se trouve dans un état « très critique », selon les données remontées par les Etats membres pour l’année 2021. Le « bon état écologique », évalué à partir de critères biologiques, physico-chimiques et hydromorphologiques (débit, largeur de l’étendue d’eau…), n’est atteint que pour 39,5 % d’entre elles. Par ailleurs, seules 26,8 % de ces masses d’eaux de surface sont considérées dans un bon état chimique (contre 33,5 % en 2015). La plupart des autres sont concernées par des concentrations supérieures aux normes pour certains polluants dont, notamment, le mercure et les nitrates, issus de l’agriculture. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques, des composés toxiques issus notamment de la combustion de combustibles fossiles, « continuent aussi d’entrer dans le milieu aquatique », selon le rapport.

L’évolution de ces équilibres globaux par rapport au précédent bilan, en 2019, est toutefois à interpréter avec précaution, à l’instar des comparaisons entre les différents états des lieux par pays, également publiés mardi 4 février. La dégradation de la qualité des eaux de surface rapportée par certains Etats membres peut en effet refléter une amélioration de la surveillance, note la Commission européenne, qui relève des disparités de suivi selon les pays. Elle estime que certaines tendances positives sont par ailleurs « masquées » par des pollutions historiques, ou « éclipsées par de nouvelles pollutions émergentes ».

La question de la quantité d’eau disponible en profondeur

Malgré ces précautions méthodologiques, la Commission conclut à une légère amélioration de la situation des nappes d’eau souterraines. En effet, « 86 % des masses d’eau souterraines étaient en bon état chimique » en 2021, contre 82,2 % en 2015. En France, ce sont principalement les pesticides et les nitrates qui dégradent la qualité de ces réserves d’eau. Ils concernent 31 % des masses d’eau souterraines surveillées et « affichent des tendances à la hausse durables », reflet des « pressions exercées par l’agriculture », écrit la Commission européenne. Compte tenu de la lente dégradation de ces substances en profondeur, la situation risque de rester préoccupante pour des années encore.

Dans plusieurs pays européens, la question de la quantité d’eau disponible en profondeur vient aussi se mêler aux problèmes de qualité. En France, au moins 10,6 % des aquifères métropolitains ont été classés en « mauvais état » quantitatif, en lien avec des prélèvements supérieurs à la ressource disponible. Or, ce sont eux qui assurent la majeure partie de l’approvisionnement en eau potable en France.

La Commission adresse aux Etats membres une liste de recommandations, au premier rang desquelles une augmentation du « niveau d’ambition » des politiques menées pour améliorer l’état des masses d’eau. « L’eau n’est plus un bien acquis », estime Jessika Roswall, qui souligne aussi un « déficit de financement » d’autant plus inquiétant que le coût de la décontamination de certaines substances, comme les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), sera élevé. « On a tous besoin d’eau propre, donc cela concerne tout le monde », assure la commissaire européenne, qui est « en train de travailler à une stratégie en matière de résilience hydrique pour ce printemps ».

Source : Le Monde