Plus de 19 000 nouveaux monts détectés au fond des océans !

Grâce à la résolution toujours plus importante des satellites, il est aujourd’hui possible de détecter des monts sous-marins de plus en plus petits depuis l’espace. Un nouveau catalogue enrichi de plus de 19 000 de ces montagnes sous-marines vient ainsi de paraître. Une meilleure connaissance du relief du fond océanique qui devrait bénéficier non seulement à la navigation, mais aussi à la recherche scientifique.

Quelle est la plus grande hantise des sous-mariniers ? Heurter à pleine  un mont sous-marin s’élevant inopinément en travers de leur route. Une situation loin d’être anecdotique qui s’est déjà produite en 2005 et plus récemment en 2021, occasionnant des dégâts matériels, et même un mort ainsi que de nombreux blessés dans le premier cas. Sachant de plus qu’il s’agissait d’un sous-marin à propulsion nucléaire, ce type d’ a de quoi donner des sueurs froides à tous les équipages naviguant à plusieurs centaines de mètres sous la surface des océans.

<em>L'USS San Francisco</em>, sous-marin à propulsion nucléaire, endommagé à la suite de sa collision en 2005 avec un mont sous-marin non cartographié. © <em>U.S. Navy</em>, <em>Photographer's Mate 2nd Class Mark Allen Leonesio</em>, <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
 
L’USS SAN FRANCISCO, SOUS-MARIN À PROPULSION NUCLÉAIRE, ENDOMMAGÉ À LA SUITE DE SA COLLISION EN 2005 AVEC UN MONT SOUS-MARIN NON CARTOGRAPHIÉ. © U.S. NAVYPHOTOGRAPHER’S MATE 2ND CLASS MARK ALLEN LEONESIOWIKIMEDIA COMMONS, DOMAINE PUBLIC
 

Un relief sous-marin encore très mal cartographié

 

Car, contrairement à nous lorsque nous conduisons en , les sous-mariniers ne peuvent pas voir l’extérieur. Pour se diriger, ils n’ont d’autre choix que de faire confiance à des cartes du fond marin et à leur . Mais, avec seulement un quart du  océanique cartographié par des missions océanographiques, les surprises sont nombreuses et elles peuvent être de taille. Le fond de l’océan est loin d’être plat ! Il est au contraire parsemé de nombreux accidents de terrain : canyons, fractures, mais surtout monts sous-marins. Il peut s’agir de , mais également de blocs soulevés par les  tectoniques qui façonnent la . Il s’agit bien de véritables montagnes qui peuvent s’élever sur plusieurs centaines, voire milliers, de mètres de haut.

De véritables obstacles dont il est important de connaître la position pour la sécurité des sous-mariniers, mais aussi pour mieux comprendre la dynamique des courants océaniques et l’histoire géologique des fonds marins.

 

Observer le fond de la mer depuis l’espace

 

Impossible cependant de cartographier l’ensemble de la surface océanique par bateau. C’est là qu’interviennent les satellites. Grâce à des radars, ceux-ci sont en effet capables de mesurer les infimes variations du niveau des océans. Sous l’influence de la force de , la surface de l’eau drape en effet de manière très subtile le relief du fond océanique, permettant de reconstruire une image du paysage sous-marin. Si cette méthode d’imagerie est utilisée depuis plusieurs décennies maintenant (on parle de bathymétrie satellitaire), les nouvelles générations de radar de haute  ont permis de dresser des cartes de plus en plus précises, en identifiant notamment des structures de plus en plus petites.

La surface des océans, en représentant une équipotentielle du champ de gravité, reflète la topographie du fond marin mais également la distribution des masses au sein de la croûte océanique. © Olivier Dequincey, Planet-terre.ens-lyon.fr
 
LA SURFACE DES OCÉANS, EN REPRÉSENTANT UNE ÉQUIPOTENTIELLE DU CHAMP DE GRAVITÉ, REFLÈTE LA TOPOGRAPHIE DU FOND MARIN MAIS ÉGALEMENT LA DISTRIBUTION DES MASSES AU SEIN DE LA CROÛTE OCÉANIQUE. © OLIVIER DEQUINCEY, PLANET-TERRE.ENS-LYON.FR

En 2011, 24 000 monts  ont ainsi été identifiés. Il faut aujourd’hui en ajouter plus de 19 000, comme le révèle une nouvelle étude publiée dans Earth and Space Science. La grande majorité de ces monts n’a jamais été identifiée par les sonars des bateaux, mettant ainsi en  l’intérêt majeur de cette technique d’imagerie.

 

Ce nouveau catalogue a été obtenu grâce aux données apportées notamment par les satellites CryoSat-2 () et Saral (agences spatiales française et indienne). Grâce à la haute résolution de ces satellites, l’équipe de scientifiques a pu détecter des monts de seulement 1 100 mètres de haut, ce qui représente la limite inférieure de la définition d’un mont sous-marin.  

 

Des données qui permettent de mieux comprendre le domaine océanique

 

En plus de permettre la  de cartes bathymétriques plus précises pour la navigation, ces nouvelles données représentent une base de travail pour de nombreux chercheurs. Elles pourraient ainsi permettre de mieux comprendre l’évolution des  comme celui de l’Islande par exemple, ou les processus magmatiques en jeu au niveau des dorsales océaniques. Les biologistes sont également très intéressés par cette nouvelle cartographie du fond océanique, les flancs des monts sous-marins représentant de véritables oasis pour la biodiversité.

Les monts sous-marins influencent aussi grandement les courants océaniques et plus particulièrement le mélange des eaux profondes et de surface par l’effet « d’upwelling ». Les monts sous-marins créent en effet des  dans les courants qui les contournent, permettant ainsi la remontée des eaux profondes et froides vers la surface. Un processus qui impacte directement le  global.


Des milliers de montagnes découvertes au fond des océans

 

La connaissance de la topographie des océans, qui constituent plus de 70 % de la surface de la , est bien moins précise que celle des continents. On peut l’explorer depuis l’espace via des mesures d’ indirectement liées au champ de gravité de la Terre. Une nouvelle carte plus précise que la précédente obtenue de la même façon vient d’être rendue publique. Elle révèle la présence de plusieurs milliers de monts sous-marins jusqu’ici inconnus.

Article de  publié le 11 octobre 2014

On a peine à croire qu’au début du XXIe siècle, la surface de la Terre est connue avec moins de précisions que la surface de Mars ou de . Et c’est pourtant vrai. Notre planète bleue rend en effet difficile la connaissance de la topographie précise du fond de ses océans. On n’a ainsi découvert qu’au XXe siècle que les plus grandes chaînes de montagnes et la majorité des volcans se trouvaient sous le niveau de la mer lorsque l’on a commencé à étudier sérieusement le fond des océans par échosondage.De nos jours un sondeur multifaisceaux Sea-Beam permet la cartographie détaillée des fonds marins avec une précision d’environ 15 mètres. Mais plus de 80 % restent encore très peu connus, avec une résolution faible en 3D. Les campagnes d’échosondages standards nécessiteraient plus d’un siècle et plusieurs milliards de dollars pour couvrir vraiment la totalité des océans.

 

Le champ de gravité et la surface des océans de la Terre

 

Mais les géophysiciens disposent d’autres outils pour progresser plus rapidement dans notre connaissance des océans : la  et l’altimétrie satellitaire. Ils viennent de le prouver une nouvelle fois dans un article publié dans Science et qui aurait certainement fait plaisir à l’un des pionniers des mesures gravimétriques en mer au début du XXe siècle, le géophysicien et géodésien hollandais Felix Andries Vening Meinesz (1887-1966). Les campagnes de mesures gravimétriques du plancher océanique qu’il a conduites avec le gravimètre de son invention ont révélé des  dans le champ de pesanteur terrestre qui se sont révélées précieuses pour l’élaboration de la théorie de la tectonique des plaques qui les a illuminées en retour.


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Cela peut paraître de prime abord contre-intuitif, mais la surface de l’océan mondial s’élève dans les régions où le champ de gravité est plus important, à cause des montagnes sous-marines, et elle s’abaisse au niveau des . La raison en est qu’elle suit le , une surface équipotentielle de la gravité de notre planète. En mesurant les variations de la surface des océans autour de celle de l’ellipsoïde de référence de la Terre à l’aide d’échos radar depuis l’espace, il est donc possible de reconstituer la topographie des fonds marins en résolvant ce qu’on appelle un problème inverse dans le jargon des géophysiciens.

Les chercheurs sont en train d’utiliser les données altimétriques collectées par les satellites Jason-1 et CryoSat-2 pour mettre en pratique cette méthode qui avait déjà été utilisée pour s’affranchir de l’eau des océans et révéler la topographie des fonds marins. Il y a en effet eu un précédent célèbre, il y a 20 ans, avec les travaux de la géophysicienne française Anny Cazenave qui, en compagnie de ses collègues, avait dressé une carte du fond des océans de cette façon. On peut avoir accès aux nouveaux résultats qui ont nécessité des traitements complexes des données fournies par les deux satellites sur le site du célèbre Institut d’océanographie Scripps.

 

Un outil pour chercher du pétrole et gérer les stocks de poissons

 

Toutes les données fournies par Jason-1 et CryoSat-2 n’ont pas encore été complètement analysées, mais la résolution des images du fond des océans déduites est déjà au moins améliorée d’un facteur 2. Selon David Sandwell, principal auteur de la nouvelle carte, les précédentes mesures permettaient déjà de voir tout ce qui était plus grand que 2 km, ce qui avait conduit à recenser environ 5.000 monts sous-marins. Des milliers d’autres sont déjà visibles, mais comme le nombre de ceux que l’on peut détecter augmente de façon exponentielle avec la résolution des images, il se pourrait que l’on se retrouve à la fin de l’exploitation des données des deux satellites avec 25.000 sommets de plus.

Faire progresser notre connaissance de la topographie du fond des océans a plusieurs avantages. Cela va permettre de mieux modéliser les mouvements des  d’eau, comment les courants se mélangent et transportent de la  et donc, d’améliorer les modèles climatiques qui prennent en compte les interactions entre l’atmosphère et les océans. La connaissance améliorée des sommets sous-marins devrait permettre aussi de mieux gérer les stocks de  disponibles, car les bancs de poissons ont tendance à se rassembler aux abords de ces monts sous-marins. Enfin, comme il est possible de voir les structures géologiques cachées par des couches de , cela a des implications pour la prospection pétrolière, car des failles cachées ont pu piéger des . L’histoire de la  et de l’expansion des fonds océaniques peut aussi être mieux comprise.

Source: FUTURA