Plus de 19 000 nouveaux monts détectés au fond des océans !
27 avril 2023
27 avril 2023
Grâce à la résolution toujours plus importante des satellites, il est aujourd’hui possible de détecter des monts sous-marins de plus en plus petits depuis l’espace. Un nouveau catalogue enrichi de plus de 19 000 de ces montagnes sous-marines vient ainsi de paraître. Une meilleure connaissance du relief du fond océanique qui devrait bénéficier non seulement à la navigation, mais aussi à la recherche scientifique.
Quelle est la plus grande hantise des sous-mariniers ? Heurter à pleine vitesse un mont sous-marin s’élevant inopinément en travers de leur route. Une situation loin d’être anecdotique qui s’est déjà produite en 2005 et plus récemment en 2021, occasionnant des dégâts matériels, et même un mort ainsi que de nombreux blessés dans le premier cas. Sachant de plus qu’il s’agissait d’un sous-marin à propulsion nucléaire, ce type d’accident a de quoi donner des sueurs froides à tous les équipages naviguant à plusieurs centaines de mètres sous la surface des océans.
Car, contrairement à nous lorsque nous conduisons en voiture, les sous-mariniers ne peuvent pas voir l’extérieur. Pour se diriger, ils n’ont d’autre choix que de faire confiance à des cartes du fond marin et à leur sonar. Mais, avec seulement un quart du plancher océanique cartographié par des missions océanographiques, les surprises sont nombreuses et elles peuvent être de taille. Le fond de l’océan est loin d’être plat ! Il est au contraire parsemé de nombreux accidents de terrain : canyons, fractures, mais surtout monts sous-marins. Il peut s’agir de volcans, mais également de blocs soulevés par les mouvements tectoniques qui façonnent la croûte océanique. Il s’agit bien de véritables montagnes qui peuvent s’élever sur plusieurs centaines, voire milliers, de mètres de haut.
De véritables obstacles dont il est important de connaître la position pour la sécurité des sous-mariniers, mais aussi pour mieux comprendre la dynamique des courants océaniques et l’histoire géologique des fonds marins.
Impossible cependant de cartographier l’ensemble de la surface océanique par bateau. C’est là qu’interviennent les satellites. Grâce à des radars, ceux-ci sont en effet capables de mesurer les infimes variations du niveau des océans. Sous l’influence de la force de gravité, la surface de l’eau drape en effet de manière très subtile le relief du fond océanique, permettant de reconstruire une image du paysage sous-marin. Si cette méthode d’imagerie est utilisée depuis plusieurs décennies maintenant (on parle de bathymétrie satellitaire), les nouvelles générations de radar de haute résolution ont permis de dresser des cartes de plus en plus précises, en identifiant notamment des structures de plus en plus petites.
En 2011, 24 000 monts sous-marins ont ainsi été identifiés. Il faut aujourd’hui en ajouter plus de 19 000, comme le révèle une nouvelle étude publiée dans Earth and Space Science. La grande majorité de ces monts n’a jamais été identifiée par les sonars des bateaux, mettant ainsi en lumière l’intérêt majeur de cette technique d’imagerie.
Ce nouveau catalogue a été obtenu grâce aux données apportées notamment par les satellites CryoSat-2 (ESA) et Saral (agences spatiales française et indienne). Grâce à la haute résolution de ces satellites, l’équipe de scientifiques a pu détecter des monts de seulement 1 100 mètres de haut, ce qui représente la limite inférieure de la définition d’un mont sous-marin.
En plus de permettre la construction de cartes bathymétriques plus précises pour la navigation, ces nouvelles données représentent une base de travail pour de nombreux chercheurs. Elles pourraient ainsi permettre de mieux comprendre l’évolution des points chauds comme celui de l’Islande par exemple, ou les processus magmatiques en jeu au niveau des dorsales océaniques. Les biologistes sont également très intéressés par cette nouvelle cartographie du fond océanique, les flancs des monts sous-marins représentant de véritables oasis pour la biodiversité.
Les monts sous-marins influencent aussi grandement les courants océaniques et plus particulièrement le mélange des eaux profondes et de surface par l’effet « d’upwelling ». Les monts sous-marins créent en effet des turbulences dans les courants qui les contournent, permettant ainsi la remontée des eaux profondes et froides vers la surface. Un processus qui impacte directement le climat global.
La connaissance de la topographie des océans, qui constituent plus de 70 % de la surface de la Terre, est bien moins précise que celle des continents. On peut l’explorer depuis l’espace via des mesures d’altimétrie indirectement liées au champ de gravité de la Terre. Une nouvelle carte plus précise que la précédente obtenue de la même façon vient d’être rendue publique. Elle révèle la présence de plusieurs milliers de monts sous-marins jusqu’ici inconnus.
Article de Laurent Sacco publié le 11 octobre 2014
On a peine à croire qu’au début du XXIe siècle, la surface de la Terre est connue avec moins de précisions que la surface de Mars ou de Vénus. Et c’est pourtant vrai. Notre planète bleue rend en effet difficile la connaissance de la topographie précise du fond de ses océans. On n’a ainsi découvert qu’au XXe siècle que les plus grandes chaînes de montagnes et la majorité des volcans se trouvaient sous le niveau de la mer lorsque l’on a commencé à étudier sérieusement le fond des océans par échosondage.De nos jours un sondeur multifaisceaux Sea-Beam permet la cartographie détaillée des fonds marins avec une précision d’environ 15 mètres. Mais plus de 80 % restent encore très peu connus, avec une résolution faible en 3D. Les campagnes d’échosondages standards nécessiteraient plus d’un siècle et plusieurs milliards de dollars pour couvrir vraiment la totalité des océans.
Mais les géophysiciens disposent d’autres outils pour progresser plus rapidement dans notre connaissance des océans : la gravimétrie et l’altimétrie satellitaire. Ils viennent de le prouver une nouvelle fois dans un article publié dans Science et qui aurait certainement fait plaisir à l’un des pionniers des mesures gravimétriques en mer au début du XXe siècle, le géophysicien et géodésien hollandais Felix Andries Vening Meinesz (1887-1966). Les campagnes de mesures gravimétriques du plancher océanique qu’il a conduites avec le gravimètre de son invention ont révélé des anomalies dans le champ de pesanteur terrestre qui se sont révélées précieuses pour l’élaboration de la théorie de la tectonique des plaques qui les a illuminées en retour.
Cela peut paraître de prime abord contre-intuitif, mais la surface de l’océan mondial s’élève dans les régions où le champ de gravité est plus important, à cause des montagnes sous-marines, et elle s’abaisse au niveau des fosses océaniques. La raison en est qu’elle suit le géoïde, une surface équipotentielle de la gravité de notre planète. En mesurant les variations de la surface des océans autour de celle de l’ellipsoïde de référence de la Terre à l’aide d’échos radar depuis l’espace, il est donc possible de reconstituer la topographie des fonds marins en résolvant ce qu’on appelle un problème inverse dans le jargon des géophysiciens.
Les chercheurs sont en train d’utiliser les données altimétriques collectées par les satellites Jason-1 et CryoSat-2 pour mettre en pratique cette méthode qui avait déjà été utilisée pour s’affranchir de l’eau des océans et révéler la topographie des fonds marins. Il y a en effet eu un précédent célèbre, il y a 20 ans, avec les travaux de la géophysicienne française Anny Cazenave qui, en compagnie de ses collègues, avait dressé une carte du fond des océans de cette façon. On peut avoir accès aux nouveaux résultats qui ont nécessité des traitements complexes des données fournies par les deux satellites sur le site du célèbre Institut d’océanographie Scripps.
Toutes les données fournies par Jason-1 et CryoSat-2 n’ont pas encore été complètement analysées, mais la résolution des images du fond des océans déduites est déjà au moins améliorée d’un facteur 2. Selon David Sandwell, principal auteur de la nouvelle carte, les précédentes mesures permettaient déjà de voir tout ce qui était plus grand que 2 km, ce qui avait conduit à recenser environ 5.000 monts sous-marins. Des milliers d’autres sont déjà visibles, mais comme le nombre de ceux que l’on peut détecter augmente de façon exponentielle avec la résolution des images, il se pourrait que l’on se retrouve à la fin de l’exploitation des données des deux satellites avec 25.000 sommets de plus.
Faire progresser notre connaissance de la topographie du fond des océans a plusieurs avantages. Cela va permettre de mieux modéliser les mouvements des masses d’eau, comment les courants se mélangent et transportent de la chaleur et donc, d’améliorer les modèles climatiques qui prennent en compte les interactions entre l’atmosphère et les océans. La connaissance améliorée des sommets sous-marins devrait permettre aussi de mieux gérer les stocks de poissons disponibles, car les bancs de poissons ont tendance à se rassembler aux abords de ces monts sous-marins. Enfin, comme il est possible de voir les structures géologiques cachées par des couches de sédiments, cela a des implications pour la prospection pétrolière, car des failles cachées ont pu piéger des hydrocarbures. L’histoire de la tectonique des plaques et de l’expansion des fonds océaniques peut aussi être mieux comprise.