Pêche versus aquaculture : un basculement historique et des enjeux majeurs pour l’avenir
24 juillet 2024
24 juillet 2024
L’année 2022 a marqué un tournant historique dans le domaine de l’alimentation mondiale : pour la première fois de son histoire, la production aquacole a dépassé celle de la pêche en capture. Cette transition majeure, symbolisée par la croissance fulgurante de l’aquaculture, met en lumière de nouveaux défis pour la sécurité alimentaire et la gestion durable des ressources marines.
Ça y est, c’est officiel. Pour la première fois, en 2022, l’aquaculture a dépassé la production halieutique. C’est le constat révélé par un rapport de l’agence des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) présenté le 7 juin au Costa Rica, lors d’une conférence sur la conservation des océans.
Dans le détail, pisciculture, conchyliculture et algoculture totalisent « 51 % du total mondial » et « fournissent 57 % des produits animaux aquatiques utilisés pour la consommation humaine dans le monde ». Ce basculement est inédit dans l’histoire de l’humanité. « Alors que la production des pêches de capture est restée pratiquement inchangée depuis des décennies, l’aquaculture a augmenté de 6,6 % depuis 2020 », indique le directeur général de la FAO, Qu Dongyu. 2022 fut l’année de tous les records. Le commerce mondial des animaux aquatiques a en effet atteint 195 milliards de dollars soit une hausse de 19 % par rapport à 2019, avant la pandémie du Covid. Sur le podium des grands exportateurs, trois pays : la Chine, la Norvège et le Vietnam. A eux trois, il représente un quart des exportations mondiales.
La pisciculture est un véritable enjeu de sécurité alimentaire. Première destination de cette production, l’Union européenne. Du côté des pays, ce sont les Américains qui s’avèrent les plus gourmands avec 17 % de la demande. Les Chinois, eux, se place en deuxième position avec 12 %. Le rapport révèle aussi les chiffres de cet appétit croissant. Au cours des 60 dernières années, la consommation d’animaux aquatiques est passée de 9,1 à 20,7 kg par personne. Une autre illustration de l’importance de la pisciculture d’un point de vue de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. 15% de l’approvisionnement mondial en protéines animales proviennent d’animaux aquatiques. Cette proportion atteint plus de 50% dans certains pays d’Afrique et d’Asie.
L’enjeu est colossal. D’ici 2030, la planète devrait compter environ 8,5 milliards de personnes. « Fournir une alimentation, une nutrition et des moyens de subsistance suffisants » nécessite des « investissements significatifs », avertit Qu Dongyu. En France, certains élevages ont déjà pris les devants. C’est notamment le cas dans cet élevage de bars et de daurades au large de Cannes où l’intelligence artificielle (IA) révolutionne déjà la pisciculture. Grâce à des systèmes avancés, comme ceux développés par la startup Biocéanor, l’IA permet de prédire la qualité de l’eau et de détecter les problèmes d’oxygène. Ces prédictions aident les pisciculteurs à ajuster l’alimentation et à nettoyer les filets en fonction des conditions environnementales. « On est sur un produit qualitatif qu’on veut moderniser et sur lequel on veut travailler. Avec des méthodes de l’aquaculture de 2024 et pas celle des années 1980 », explique Jérôme Hemar, patron d’Aquafrais Cannes et exploitant cet élevage.