« On est au-delà de tout ce qu’on a déjà connu » : le mois de juillet bat tous les records de températures
28 juillet 2023
28 juillet 2023
Sur terre comme en mer, le mois qui s’achève est en passe de devenir le plus chaud jamais enregistré depuis le début des observations, au XIXe siècle.
Inutile d’attendre que le mois s’achève : dès jeudi, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et l’observatoire européen Copernicus ont annoncé que juillet 2023 serait bel et bien le mois de juillet le plus chaud jamais enregistré. Il est même en passe de devenir le plus chaud de tous les mois depuis le début des observations, au milieu du XIXe siècle. « Il faudrait peut-être remonter à des milliers, voire des dizaines de milliers d’années pour trouver des conditions similaires sur notre planète », avance le Dr Karsten Haustein, climatologue à l’université de Leipzig… tout en admettant que les données paléoclimatiques ne sont évidemment pas assez précises pour l’affirmer.
« L’ère du réchauffement climatique est terminée, place à l’ère de l’ébullition mondiale », a réagi jeudi le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Le changement climatique est une «menace existentielle», a pour sa part déclaré le président américain Joe Biden. Au regard des échappées des courbes de température et des relevés de records qui s’empilent dans l’hémisphère Nord – sur terre et en mer -, le constat est sans appel : « On est au-delà de tout ce qu’on a déjà connu, dans un territoire de records absolument inédit », a confirmé Karsten Haustein lors d’un point-presse.
Après un mois de juin déjà hors norme, le monde a connu le 6 juillet son jour le plus chaud (17,08 °C) jamais enregistré. En Chine, le record national de température a été battu à Turpan (dans le Xinjiang) le 16 juillet, avec 52,2 °C. Aux États-Unis, dans la vallée de la Mort, en Californie, il a fait plus de 48,9 °C la nuit, tandis qu’au large de la Floride l’eau a dépassé les 38 °C lundi soir. Là encore, des records potentiels.
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49 °C à Tunis, 48,7 °C à Alger, 48,2 °C à Jerzu en Sardaigne… Le bassin méditerranéen suffoque lui aussi. Lundi, ses eaux ont atteint une température inédite de 28,71 ºC. Dans le même temps, les feux attisés par la chaleur, la sécheresse et le vent ravagent la région. Ils ont fait au moins 34 morts en Algérie et continuent de grignoter les îles grecques de Rhodes, de Corfou et d’Eubée.
Ces extrêmes surviennent alors que le phénomène climatique naturel et récurrent El Niño vient de faire son retour. Cette anomalie chaude au niveau des eaux pacifiques équatoriales, qui tend à réchauffer la température mondiale, va monter en puissance progressivement jusqu’à la fin de l’année. « Il est donc peu probable que le record de juillet reste isolé cette année », prédit dans un communiqué Carlo Buontempo, directeur du Copernicus Climate Change Service (C3S). El Niño ne fait cependant qu’amplifier la hausse des températures dans un monde déjà 1,2 °C plus chaud que ce qu’il était autrefois : « Les émissions de gaz à effet de serre par l’homme restent le principal moteur de cette hausse », rappelle-t-il.
Cette semaine, le réseau de scientifiques du World Weather Attribution (qui évalue le lien entre événements extrêmes et dérèglement climatique) a d’ailleurs estimé que les récentes canicules auraient été « quasiment impossibles » dans un monde sans réchauffement. Avec lui, les vagues de chaleur en Europe sont 2,5 °C plus chaudes et celle qu’a connues la Chine « au moins 50 fois plus probable ».
L’agence Copernicus note en outre qu’au cours des première et troisième semaines du mois, la température moyenne mondiale a temporairement dépassé le seuil de 1,5 °C au-dessus du niveau préindustriel (autrement dit avant que la planète ne soit réchauffée par la combustion de charbon, de pétrole et de gaz). « Cela ne signifie pas que l’on a atteint ou dépassé l’objectif de l’accord de Paris » visant à limiter le réchauffement à + 1,5 °C, rappelle toutefois la climatologue britannique Friederike Otto. Car cet accord scellé lors de la COP21 implique un réchauffement à long terme, sur de nombreuses années. Mais « si l’on poursuit sur la trajectoire actuelle, (…) on atteindra les 1,5 °C dès le début des années 2030 », avertit Karsten Haustein.
Ce changement climatique menace les fondations de nos systèmes de santé, rappelle pour sa part Marina Romanello, directrice exécutive du projet The Lancet Countdown. La mortalité liée à la chaleur a augmenté de 68 % entre 2017 et 2021 par rapport au début des années 2000, avec plus de 60 000 décès recensés en Europe rien que l’été dernier. Il menace aussi nos économies : « En 2021, 470 milliards d’heures de travail ont été perdues », notamment dans les secteurs les plus exposés, comme l’agriculture et la construction.
De nombreux scientifiques appellent à l’adoption d’une législation internationale sur l’élimination progressive des énergies fossiles lors de la prochaine conférence sur le climat (COP28), qui se tient à Dubaï en décembre. On en est encore loin : jeudi, l’Agence internationale de l’énergie annonçait que la consommation mondiale de charbon avait atteint un niveau record en 2022.