Océan indien : la pêche au thon souffre du réchauffement climatique
31 juillet 2024
31 juillet 2024
Les prises de thons aux Seychelles ont baissé de 40% l’an dernier. En cause: le réchauffement climatique. De 2022 à 2023, elles sont passées de 113 566 tonnes à 69 000 tonnes. Ces chiffres ont été fournis par le ministre de la Pêche et de l’Économie bleue, JeanFrançois Ferrari, à l’Assemblée nationale mardi dernier. Répondant à une question du député Waven William quant à l’impact d’El Niño, du blanchiment des coraux et de la sur-pêche sur les différentes industries du secteur, il a fait ressortir que le changement climatique constitue un défi croissant pour les petits États insulaires en développement (PEID), tels que les Seychelles. Jean-François Ferrari a expliqué que la hausse de la température des océans, exacerbée par des phénomènes météorologiques extrêmes comme El Niño et La Niña, ont considérablement perturbé l’équilibre écologique des environnements marins. Ces phénomènes, a-t-il indiqué, ont entraîné des déséquilibres importants dans l’écosystème. Outre la hausse des températures, les courants marins ont été grandement modifiés, tout comme la distribution des poissons pélagiques dans l’océan Indien.
Revenant sur l’impact du phénomène El Niño qui a été historiquement sévère en 1998, il a souligné que le réchauffement de l’océan a contraint les senneurs à chercher des zones de pêche ailleurs. L’année dernière, les effets de ces changements climatiques se sont de nouveau fait sentir, avec une baisse de 10 % des prises de thon dans de l’océan Indien, qui sont passées de 403 000 tonnes à 373 000 tonnes. L’impact du changement climatique sur les ressources marines ne menace pas seulement l’écosystème marin. Il affecte aussi bien les pêcheurs et ceux qui dépendent de ces ressources. La pêche, a rappelé Jean-François Ferrari, représente le deuxième secteur le plus important de l’économie des Seychelles. Cependant, les pêcheurs artisanaux s’en sortent plutôt bien. Ils ont non seulement réussi à maintenir leurs prises de poissons au cours des deux dernières décennies, mais à les augmenter. Cette résilience est particulièrement évidente dans l’utilisation des casiers, qui sont devenus de plus en plus efficaces à mesure que les récifs coralliens, bien que dégradés par le blanchiment, se sont transformés en environnements dominés par les micro-algues. Ces habitats, dominés par les micro-algues, se sont avérés avantageux pour les poissons herbivores, qui sont principalement ciblés par les méthodes de pêche artisanale. Des données récentes confirment cette tendance positive, montrant que les prises de la pêche artisanale sont passées d’environ 2 500 tonnes en 2016 à 5 700 tonnes en 2023. Cette augmentation, a noté le ministre Ferrari, témoigne de l’adaptabilité des pratiques de pêche traditionnelle face aux changements environnementaux. Parallèlement, une étude publiée il y a trois mois prévoit des vagues de chaleur pouvant durer 220 à 250 jours d’ici 2050 dans l’océan Indien. Intitulée Future Projections for the Tropical Indian Ocean, elle met l’accent sur les conséquences d’une vague de chaleur marine quasi-permanente qui met directement en danger les zones très peuplées de pays tels que l’Inde.
« Les communautés de pêcheurs vivent déjà au bord du gouffre. Divers projets de développement sur la côte empiètent sur leurs villages et leurs lieux de travail. Ils polluent également la mer. Le réchauffement climatique et les vagues de chaleur marine ne font qu’aggraver leur situation » , a fait ressortir Debasis Paul, le secrétaire général du Democratic Traditional Fish Workers Forum de l’Andra Pradesh au magazine Mongabay.
Les vagues de chaleur marine sont des périodes au cours desquelles la température des océans est anormalement élevée par rapport à la normale pour une saison ou une région donnée. Ces températures anormalement élevées doivent durer au moins cinq jours pour être considérées comme une vague de chaleur. Celles-ci quasi-permanentes provoquent l’intensification des cyclones et la perte de revenus pour les pêcheries ainsi que les communautés côtières. 90 % des cyclones dans le golfe du Bengale et la mer d’Arabie ont été précédés par des vagues de chaleur marine entre 1980 et 2020. « Dans de telles conditions, les cyclones passent par une phase d’intensification rapide. Ils vont de la catégorie 1 à la catégorie 3 ou 5 en peu de temps » , a expliqué Roxy Mathew Koll, climatologue à l’Institut indien de météorologie tropicale et auteur principal de cette étude. La pêche est déjà interdite pendant la saison de la mousson en Inde afin de protéger les pêcheurs des cyclones et des fortes précipitations, mais comme une vague de chaleur quasi-permanente pourrait prolonger la saison de la mousson et intensifier encore les cyclones, certains craignent que la pêche ne devienne totalement impraticable. « Sur le papier, une famille de pêcheurs peut prétendre à une compensation de 10 000 INR (l’équivalent de 110 euros) pour deux mois pendant l’interdiction de pêche. Mais beaucoup ne la reçoivent pas. Pendant les cyclones, les pêcheurs ne peuvent à nouveau aller en mer, et les cyclones sont de plus en plus fréquents. Comment les communautés de pêcheurs vont-elles s’en sortir ? », s’interroge Debasis Paul. …
Les vagues de chaleur marine remettent également en question la viabilité future de la pêche dans l’océan Indien, car elles provoquent des déplacements migratoires des espèces marines et aggravent la prolifération d’algues nuisibles. Le réchauffement des eaux de surface des océans entrave la circulation des nutriments des eaux froides et profondes vers la surface, ce qui entraîne une réduction de la population de phytoplancton qui limite la source d’alimentation essentielle de nombreuses espèces marines. En outre, ces vagues de chaleur entraînent une mortalité massive d’espèces telles que le corail. Lorsque les températures augmentent, les coraux expulsent les algues qui vivent dans leurs tissus pour réduire les irritants, ce qui les fait blanchir, un processus connu sous le nom de blanchiment.
Un blanchiment prolongé, comme lors des vagues de chaleur marine, entraîne une famine chez les coraux, qui dépendent des algues pour se nourrir. Les habitants des zones côtières et les espèces marines ne sont pas les seuls à être menacés par l’intensification des vagues de chaleur; le réchauffement de l’océan Indien a été associé à des sécheresses plus fréquentes et à de fortes inondations dans toute l’Asie du Sud. Il a également contribué à des sécheresses fréquentes et à des invasions de criquets en Afrique de l’Est, menaçant la sécurité alimentaire dans des régions autres que l’Inde.