Noam Yaron, le nageur engagé qui veut relier Calvi à Monaco pour les cétacés du sanctuaire Pelagos

 

Après avoir conquis les lacs suisses à la nage, Noam Yaron s’apprête à relever un défi hors norme : relier Calvi à Monaco à la seule force des bras. Une traversée de plus de 100 kilomètres, en pleine mer Méditerranée, au cœur du sanctuaire Pelagos. À la croisée du sport extrême, de la science et de la sensibilisation environnementale, cette expédition mobilise des moyens techniques inédits — mais requiert encore un ultime coup de pouce pour être menée dans les meilleures conditions.

Pari sportif, prouesse scientifique et acte militant : en août 2025, Noam Yaron tentera de relier à la nage Calvi à Monaco. Une traversée de plus de 100 kilomètres, au cœur du sanctuaire Pelagos, cette vaste aire marine protégée de Méditerranée. Pour le nageur suisse, ce défi est autant un exploit physique qu’un levier de sensibilisation aux enjeux environnementaux.

L’échec de 2024, matrice du renouveau

En 2024, Noam Yaron avait déjà tenté cette traversée inédite en son genre (1). Mais à mi-parcours, il avait dû renoncer. Non par épuisement, mais à cause de conditions météorologiques défavorables. « On a sous-estimé l’importance de la préparation de l’équipage », admet-il aujourd’hui. S’il était prêt physiquement et mentalement, les courants, le vent et surtout les dérives imposées par les voiliers de soutien l’ont forcé à parcourir près de 25 % de distance supplémentaire — soit près de 200 kilomètres au total — avant de « capituler ». Pour éviter un nouvel abandon, l’équipe a mobilisé une expertise météorologique poussée, d’ordinaires utilisée pour les skippers : l’analyse croisée des conditions marines sur les cinq dernières années permet désormais de viser une « fenêtre estivale optimale », en étudiant séparément les effets du vent, des vagues et des courants, qui influencent différemment le nageur et son bateau accompagnateur.

Noam Yaron

Une technologie de course au large au service d’un nageur

Fait inédit, Noam Yaron et son équipe ont en effet modélisé ce que l’on appelle dans le monde de la voile une « polaire » : un ensemble de caractéristiques dynamiques permettant de calculer le meilleur cap en fonction des conditions environnementales. « C’est la première fois, à ma connaissance, qu’un nageur utilise ce genre d’outil », explique-t-il. Objectif : profiter des courants favorables du golfe de Gênes pour réduire l’effort, comme le ferait un skipper lors d’un tour du monde. Au-delà de l’exploit, le projet revêt une portée scientifique et symbolique. « Se mettre à l’eau dans le sanctuaire Pelagos, c’est aussi se mettre à la place des animaux marins, qui subissent la pollution chimique, sonore et plastique, et les collisions avec les navires. »

Fait inédit, Noam Yaron et son équipe ont en effet modélisé ce que l’on appelle dans le monde de la voile une « polaire » : un ensemble de caractéristiques dynamiques permettant de calculer le meilleur cap en fonction des conditions environnementales […] Objectif : profiter des courants favorables du golfe de Gênes pour réduire l’effort, comme le ferait un skipper lors d’un tour du monde

Un parcours engagé, des records à la prise de conscience

Depuis plusieurs années, Noam Yaron ne se contente pas de nager. Il transforme chacun de ses défis en prise de parole environnementale. En 2020, il traverse le lac Léman — 75 à 80 kilomètres à la nage — et bat le record de vitesse. Il en profite pour révéler, études à l’appui, que les eaux du Léman sont aussi polluées que celles de la Méditerranée, notamment en raison de la poussière de pneus, car ce lac est entouré par les véhicules, mais aussi de plastiques, de micro-plastiques et de mégots de cigarettes. En 2022, il relie à la nage les cinq plus grands lacs suisses en onze jours consécutifs, battant au passage plusieurs records nationaux. Puis, vient l’idée de relier les dix plus beaux lacs de montagne suisses, à plus de 1 000 mètres d’altitude, à la nage, à vélo et à pied. L’équipe y mène des prélèvements d’ADN environnemental, révélant notamment la présence inattendue de… méduses à Saint-Moritz. « Je veux prouver que performance sportive et rigueur scientifique ne sont pas incompatibles », insiste le nageur. Son ambition : utiliser son corps comme médium pour transmettre des messages et ouvrir le débat.

Noam Yaron ne se contente pas de nager. Il transforme chacun de ses défis en prise de parole environnementale. En 2020, il traverse le lac Léman — 75 à 80 kilomètres à la nage — et bat le record de vitesse. Il en profite pour révéler, études à l’appui, que les eaux du Léman sont aussi polluées que celles de la Méditerranée, notamment en raison de la poussière de pneus, car ce lac est entouré par les véhicules

Une traversée au cœur du sanctuaire Pelagos

Relier Calvi à Monaco, c’est traverser la plus longue aire marine protégée de Méditerranée. Dès lors, cette tentative devient une manière concrète d’attirer l’attention sur les défaillances des politiques de préservation. Noam Yaron déplore notamment le flou autour de la définition des aires protégées. « Emmanuel Macron parle de 30 % d’eaux françaises protégées. Mais, selon les standards internationaux, moins de 1 % le sont véritablement. Et même là, la pêche au chalut est encore autorisée. » Le nageur plaide pour une protection « forte » des zones sensibles, excluant pêche et navigation intensive. « Une baleine sur cinq observée dans le sanctuaire porte des traces de collision », rappelle-t-il. L’une de ses principales revendications : instaurer une limitation de vitesse pour les navires traversant le sanctuaire, une mesure encore en discussion entre la France, Monaco et l’Italie.

Noam Yaron
© Photo DR

Un défi coûteux, mais soutenu par le prince Albert II

Ce projet nécessite près d’un million d’euros, dont 80 % sont déjà couverts grâce à des partenariats publics et privés. En 2023, le budget avoisinait 500 000 euros. Cette année, la mobilisation de spécialistes, la location de catamarans — dont les prix ont triplé en haute saison — et l’ensemble de la logistique scientifique pèsent lourd. Nivéa et Decathlon figuraient parmi les sponsors, bien que le second ait quitté l’aventure après un changement de direction marketing. Noam et son équipe sont donc encore en recherche d’un dernier partenariat pour complémenter le sponsoring, et s’assurer du bon déroulement de l’expédition. Le prince Albert II de Monaco, très informé du projet, suit personnellement l’initiative. Il a rencontré Noam Yaron à plusieurs reprises, notamment à Calvi lors de la première tentative, accompagné de ses jumeaux, Jacques et Gabriella, et il a salué la portée de son engagement : « On a réussi à reconnecter les gens avec la mer », lui a-t-il confié à l’issue de la tentative 2024. Une phrase qui a su faire écho : « Ça m’a beaucoup touché, car c’est exactement mon objectif : donner envie aux gens de monter dans le bateau. »

« Emmanuel Macron parle de 30 % d’eaux françaises protégées. Mais, selon les standards internationaux, moins de 1 % le sont véritablement. Et même là, la pêche au chalut est encore autorisée »

Noam Yaron. Nageur engagé

Sensibiliser le grand public… et imaginer des solutions nouvelles

Forte de ses 6,1 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, la communauté de Noam Yaron espère dépasser les 100 millions de personnes touchées en 2025. Le défi se veut aussi porteur d’idées innovantes : la possibilité de rendre les aires marines protégées économiquement viables grâce à la valorisation de leurs ressources génétiques. Certaines start-up travaillent déjà à monétiser les découvertes issues de l’ADN environnemental : applications en cosmétique, en biotechnologies… « Si on peut prouver qu’une zone protégée peut générer de la valeur sans pêche ni tourisme de masse, ce serait un argument de poids pour sa défense. » La tentative de traversée se déroulera entre le 9 et le 20 août 2025, à la faveur d’une fenêtre météo favorable. À travers cette aventure physique et politique, Noam Yaron veut « donner envie aux gens de comprendre, s’engager, et, peut-être un jour, agir à leur tour. »

Source : Monaco Hebdo