Navigation, quelle différence entre loxodromie et orthodromie ?

En mer, la ligne droite n’est pas souvent la route la plus courte. Durant les navigations océaniques, on entend souvent parler de l’orthodromie et de la loxodromie. Mais quelle est la différence entre ces routes ? Laquelle doit-on suivre et comment ?

Lors des grandes courses océaniques, comme la Route du Rhum ou le Vendée Globe, vous avez peut-être observé sur les cartes l’allure courbée des trajectoires des skippers. Cela est dû à la projection du globe terrestre, une surface sphérique, sur une carte, une surface plane.

Cette projection conduit nécessairement à des déformations. Pour tracer nos routes sur une carte marine, il faudra parfois tenir compte de la rondeur de la terre, c’est celle qu’on nomme la route orthodromique.

La terre est sphérique et pourtant nos cartes sont plates

Comme la terre est une sphère, il est impossible d’avoir des cartes plates absolument conformes à la réalité.

Pour s’en convaincre, on peut ouvrir un ballon en deux et essayer de le mettre bien à plat. On découvrira vite que c’est infaisable sauf en distordant le haut et le bas : on ne passe pas du 3D au 2D sans conséquence.

Ainsi, les géographes ont appliqué des déformations acceptables sur des projections « à plat ». Il existe différents modèles de projection et les cartes marines sont généralement de type « Mercator ».

La projection Mecator

Cette projection date de 1569. À cette époque, l’essentiel du Monde vient tout juste d’être découvert. Elle s’est imposée comme le planisphère standard grâce à sa précision pour les voyages maritimes.

La projection de Mercator, dite conforme, conserve les angles. Et convenons que pour nous, les marins, cette représentation du globe est très pratique. Elle nous permet de tirer des lignes droites sur nos cartes dont on peut lire les coordonnées en tout point.

Comment ça marche ?

Cette vision du monde consiste à projeter chaque point du globe terrestre sur un cylindre qu’on déroulera pour obtenir une carte plane.

Chaque parallèle (à l’équateur) aura la même longueur sur la carte alors qu’en réalité, sur le globe, c’est faux.

On remarque que la projection Mecator est très réaliste à proximité de l’équateur. Mais les surfaces réelles les plus proches des pôles sont déformées.

Et pour les navigations proches des pôles, on utilisera d’autres projections plus pertinentes, comme celle de Postel qui place le pôle Nord au centre de la carte.

Alors, quelle différence entre orthodromie et loxodromie ?

Maintenant que nous avons vu que nos cartes sont une représentation approximative du globe, nous pouvons mieux comprendre la différence entre « la loxo » et « l’ortho ».

Loxodromie (en jaune) et orthodromie (en rouge) entre Paris et New York

La loxodromie, c’est la ligne droite que nous traçons sur nos cartes Mercator.

C’est l’équivalent d’une trajectoire suivie par un navire au cap constant. Par exemple pour rejoindre Marie Galante (Antilles) au départ de Mindelo (Cap Vert) on suivra une route fond au 260°.

Cette route est la plus simple à tracer sur une carte papier. Mais à grande échelle, surtout en s’éloignant de l’équateur, elle ne correspond pas à la distance la plus courte à parcourir sur un globe.

La distance la plus courte à parcourir sur une sphère, c’est l’orthodromie. Ce terme vient du grec dromos (course) et ortho (droit), et signifie courir en ligne droite.

Pour un navire, c’est la ligne la plus directe (la plus courte) entre 2 points du globe.

Mais l’orthodromie est aussi la route la plus complexe à suivre. En prenant en compte la rondeur de la terre, elle impose aux navigateurs de constamment modifier leurs caps.

Est-ce que le passage d’une sphère à une carte plate change ma navigation ?

En théorie, les distances relevées sur les cartes marines sont inexactes.

Mais rassurons-nous, en pratique, l’erreur est totalement négligeable, car nos navigations les plus courantes n’excèdent pas quelques centaines de milles. Par ailleurs, à la hauteur de l’équateur et jusqu’à 15° Nord, les routes loxodromiques et orthodromiques se confondent presque.

Pour se simplifier la vie, on accepte une légère imprécision. C’est la route loxodromique que l’on trace sur notre carte Mercator.

Mais en se rapprochant des pôles, l’écart devient significatif. Et pour les grandes distances, les écarts peuvent devenir importants. Alors pour optimiser la route, on tiendra compte de la rondeur de la terre et la platitude de nos cartes, c’est la route orthodromique.

Un cas pratique

Sur un trajet Cap Horn – Cap de Bonne Espérance, la distance loxodromique (cap constant) est de 3822 mn.

Alors que la distance orthodromique est 3612 mn soit un gain de 210mn.

Par contre sur un trajet entre Brest et Marie Galante (Antilles), la différence est de l’ordre de 30 milles, ce qui est négligeable pour un plaisancier.

Comment tenir compte de l’orthodromie ?

Pour calculer l’erreur due à la projection de Mercator, il faudra surement convoquer les dieux de la trigonométrie. Alexandre Pierre Givry, à la fin du 19e siècle, élabora une formule corrigeant les mesures d’angle relevées sur une carte en Mercator pour obtenir des angles sur la sphère terrestre.

Allez, pour les aventuriers des chiffres reportez-vous au lien au bas de l’article.

Pour ceux qui en sont revenus, avouons que cette méthode est très fastidieuse. Alors on va simplifier la vie du navigateur et du barreur. On pourra reporter plusieurs routes loxodromiques suivant de près la route orthodromique. Pour se faire, on va déterminer arbitrairement un nouveau segment à tracer tous les 10° ou tous les 5° de longitude.

La question de la route à suivre sera le plus souvent résolue à l’aide de l’électronique. Dans la majorité des cas, votre GPS intègre le calcul de la route orthodromique et vous indiquera le cap à suivre pour la route la plus courte. Idem pour votre logiciel de navigation. Par exemple le programme Adrena, vous propose de choisir le mode de route pour la lecture des distances et cap ou pour le calcul des routages.

Alors loxo ou ortho ?

Nous ne sommes pas des pilotes de ligne parcourant le globe terrestre dans tous les sens. Alors en croisière à la voile nous nous contenterons de la simplicité loxodromique.

L’environnement maritime nous rappelle souvent qu’il n’y a pas que les routes orthodromiques et loxodromiques sur notre planète mer. Chaque navigation est l’occasion de découvrir des routes qui s’offrent ou s’imposent à nous. Souvent, nos belles trajectoires s’orientent à la faveur du vent qui soufflera assez fort ou pas, dans la bonne direction ou non.

Pour une transat à la voile, une route orthodromique parfaite qui traverserait une zone anticyclonique (sans vent) n’aurait aucun intérêt. On serait avisé de choisir la route des Alizés, plus longue, mais suffisamment ventée pour nous permettre de traverser un océan.

Naviguer, c’est s’adapter. Un grand marin disait souvent « Si tu veux faire rire Neptune, parle-lui de ton plan de navigation. »

Source: Bateaux.com