Nasser Kamel (UpM) : « L’Europe doit investir davantage dans le sud de la Méditerranée »

 
Malgré les risques mortels de la traversée de la Méditerranée dans des embarcations de fortune, des milliers de migrants prennent ce risque chaque année pour rejoindre clandestinement les côtes européennes.

Les tentatives d’émigration clandestine en direction des côtes sud de l’Europe à partir des plages du Maghreb se poursuivent. Chaque semaine, des centaines de personnes sont interceptés par les garde-côtes.

À titre d’exemple, 2176 migrants algériens ont été arrêtés, alors qu’ils tentaient de rejoindre la rive nord de la Méditerranée, dans la période allant du 18 août  au 19 octobre 2021.

Ces chiffres inquiétants reflètent la proportion alarmante que prend ce phénomène, mais surtout l’aggravation des circonstances qui l’ont causé.

Le chômage et le manque d’opportunités dans leurs pays sont autant de raisons qui poussent les migrants à risquer leurs vies dans la perspective d’une vie meilleure, de l’autre côté de la Méditerranée.

Cette problématique laisse place à un questionnement fondamental : comment créer un équilibre entre les deux rives de la Grande Bleue afin de limiter ce phénomène ?

« L’Europe doit investir davantage dans la rive sud de la Méditerranée »

Nasser Kamel est le secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UpM), une organisation intergouvernementale rassemblant quarante-deux pays du bassin méditerranéen.

Dans un entretien à TSA, il a évoqué le phénomène de l’émigration clandestine et les moyens d’y remédier.

Pour M. Kamel, le rééquilibrage des deux rives de la Méditerranée passe par le « renforcement de l’intégration économique, la libéralisation des échanges commerciaux entre les pays et la définition des problématiques qui empêchent plus d’investissement du nord vers le Sud ».

Nasser Kamel souligne notamment l’importance de l’investissement de l’Europe dans les pays du sud de la Méditerranée : « Nous sommes en train de convaincre nos collègues du Nord que c’est dans l’intérêt de l’Europe de le faire davantage ».

Et d’ajouter que « si l’Europe veut continuer à être parmi les puissances mondiales de demain, on a besoin d’une zone plus homogène, qui travaille ensemble et qui ne dépend pas des chaînes d’approvisionnement qui viennent de milliers de kilomètres à partir de l’Asie du Sud-Est. Et cela ne se fera qu’à travers des investissements qui créent de l’emploi et qui créent des échanges fructueux pour les deux côtés des rives méditerranéennes ».

Un phénomène qui empoisonne les relations entre les pays des deux rives

Les complications liées à la problématique de l’émigration clandestine créent des tensions entre les pays du bassin méditerranéen, notamment entre le Maghreb d’un côté et la France, l’Espagne ou l’Italie de l’autre.

Fin octobre, la France a décidé de réduire drastiquement le nombre de visas accordés aux Algériens, Marocains et Tunisiens. Officiellement, cette décision a été prise en riposte au refus des gouvernements de ces trois pays de rapatrier leurs ressortissants qui font l’objet d’une décision d’expulsion en France.

« Ce n’est pas une question qui divise le Nord et le Sud mais une question où chaque pays a sa vision et sa façon de faire », explique le secrétaire général de l’UpM. « Dans ce sens, il faut une approche coordonnée, une vision commune et se concentrer sur les causes réelles et savoir les gérer », ajoute-t-il.

Dans ce contexte, Nasser Kamel évoque des « processus (que mettent en œuvre les pays européens, ndlr) qui essayent de créer un cadre de coopérations assez paisible et fructueux pour essayer d’une manière ou d’une autre de gérer cette problématique ».

Source: TSA