Nantes : spécialisée dans les crevettes «écolos», la start-up Lisaqua a levé 9 millions d’euros pour se développer

 

Pour éviter l’importation des crustacés produits à l’autre bout du monde, l’entreprise recrée des bassins adaptés à un élevage local. Après avoir lancé un site pilote dans l’agglomération nantaise, elle va implanter une nouvelle ferme aquacole en Seine-et-Marne.

C’est un aliment dont sont friands les consommateurs. La crevette est le deuxième produit de la mer le plus commercialisé dans le monde. En France, une grosse partie de ces crustacés proviennent de l’autre côté du globe. Avec ses bassins reconstitués à proximité des lieux de consommation, la jeune pousse nantaise Lisaqua entend relocaliser la production de crevettes tropicales d’élevage.

Déjà à l’œuvre avec son établissement pilote situé à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), l’entreprise vient d’annoncer une levée de fonds de neuf millions d’euros. Cela va lui permettre de développer en 2026 un nouveau site à Monthyon, en Seine-et-Marne, qui deviendra la «première ferme aquacole de crevettes à faible impact environnemental», mentionne un communiqué de presse publié le 20 octobre. Ce déploiement vise à démocratiser un modèle lancé en 2018.

 

Bassins de qualité

 

À l’époque, ils sont trois à s’associer avec l’idée de proposer une aquaculture relocalisée et durable. L’inspiration vient de la cofondatrice Charlotte Schoelinck, aujourd’hui directrice générale. Après une thèse en biologie marine, son travail la conduit au Canada, où elle découvre de nouveaux modes d’élevage. Elle revient avec la volonté de développer un système de production de gambas vertueux, local et moins polluant. «La crevette qui vient de l’autre bout du monde génère un impact environnemental fort», rappelle Gabriel Boneu, cofondateur et actuel président de Lisaqua, joint par téléphone.

Le projet est lancé dans la cité des Ducs. «Nous étions tous les trois Nantais. Nantes est un super terrain d’accueil pour l’innovation. Et il y a plusieurs experts de la crevette sur la côte ou à Nantes», ajoute Gabriel Boneu. Progressivement, après des débuts dans le centre-ville, la start-up se dote d’une ferme pilote à Saint-Herblain, où deux activités s’entremêlent : l’écloserie, unique en France, et le grossissement. Les crevettes y naissent et y grandissent dans un environnement très surveillé.

«On a développé un nouveau processus d’élevage. On a recréé un écosystème naturel avec une eau de qualité dans les bassins», explique Gabriel Boneu. Contrairement aux crevettes importées, celles de Lisaqua ne subissent pas le stress du transport, n’avalent pas d’antibiotiques, et ne rejettent pas de polluants. «C’est une crevette meilleure car elle plus fraîche. Elle ne subit pas la phase de transformation, ni de cuisson industrielle. Elle est pêchée, puis conditionnée dans les minutes qui suivent et arrive sur la table du poissonnier dès le lendemain». Dans le modèle d’importation actuel, les gambas peuvent avoir été pêchées jusqu’à deux ans en amont.

Les crevettes de Lisaqua sont élevées dans un écosystème marin reproduit, sans rejet de polluant. Lisaqua

 

«Démocratiser une crevette d’exception»

 

Dans la région nantaise, Lisaqua travaille pour l’instant avec des partenaires plutôt haut de gamme tels que des chefs étoilés. «Aujourd’hui, les volumes sont limités en raison de l’installation pilote. On est plutôt positionné sur des clients assez premium», explique Gabriel Boneu, décrivant un prix de 15 à 20% plus cher que les crevettes bios du commerce. «L’intérêt du passage à l’échelle industrielle, c’est de démocratiser une crevette d’exception», abonde-t-il, avec la volonté, à terme, de proposer un prix équivalent aux crevettes bios du marché.

Dans la future ferme de Seine-et-Marne, près de Meaux, environ 100 tonnes de crevettes seront produites chaque année. «C’est une ferme de grossissement. Les crevettes naîtront à Saint-Herblain puis seront transformées dans le 77». Pour accompagner cette éclosion, de nouveaux postes vont être créés : 16 personnes vont être recrutées, rejoignant les 38 travaillant déjà dans l’entreprise. Lisaqua envisage un agrandissement de la ferme d’ici à 2030, avec une trentaine de recrutements supplémentaires. D’autres projets pourraient voir le jour d’ici là, notamment en région liégeoise. Outre le Fonds de révolution environnementale et solidaire abondé par le Crédit Mutuel Alliance fédérale, un investisseur belge a rejoint l’aventure, avec l’idée de dupliquer l’idée dans le Nord. À terme, «l’objectif est de faire surtout essaimer notre technologie», termine Gabriel Boneu, soucieux que l’entreprise garde son ADN environnemental.

Source : Le Figaro