Mesure des impacts des activités économiques sur la biodiversité marine : où en est-on ?

 

En 2019, l’IPBES indiquait que « les écosystèmes marins, des zones côtières à la haute mer, subissent aujourd’hui l’influence des activités humaines ; l’étendue et l’état des écosystèmes littoraux accusent à la fois des pertes historiques importantes et un déclin actuel rapide »[1]. Comme pour la biodiversité terrestre, la situation est alarmante : seuls 13 % des espaces marins globaux sont épargnés par la pression humaine[2] ; plus d’un tiers de tous les mammifères marins sont menacés ; 38 % des stocks halieutiques sont surexploités[3].

 

Dans ses deux derniers rapports publiés en 2024[4], l’IBPES souligne qu’à l’échelle mondiale, de nombreux écosystèmes marins ont été surexploités et dégradés par les activités humaines et évoque l’amélioration de la gestion intégrée des paysages terrestres et marins comme solution pour inverser la courbe de perte de biodiversité marine.

 

Plus tôt dans l’année 2024, en septembre, le « Planetary Health Check » (bilan de santé de la planète) évoquait le dépassement imminent d’une septième limite planétaire[5]le seuil d’acidification des océans. Comme les autres limites planétaires, il s’agit d’un seuil physique au-delà duquel l’environnement risquerait d’être déstabilisé de manière irréversible, avec des impacts majeurs et imprévisibles pour les êtres vivants.

 

En 2024 également, le gouvernement français a décidé que l’année 2025 seraitl’Année de la Mer en France. Cette année sera ponctuée d’événements partenaires et d’un déploiement d’actions et projets labellisés « La Mer en commun ». La troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan se tiendra notamment à Nice en juin 2025, avec pour thème principal d’« accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan »

 

Pour bien démarrer cette Année de la Mer, Carbone 4 vous propose de faire le point sur le niveau de connaissance et de maîtrise des impacts des activités humaines sur la biodiversité marine, les outils à disposition et leurs limites.

Définition de la biodiversité marine

La vie est apparue sur Terre dans les océans, il y a environ 3,8 milliards d’années. Ce n’est que bien plus tard que la vie est née sur les terres émergées (vers -400 millions d’années)[6]. Les mers et les océans représentent près de 71 % de la surface du globe et abritent une biodiversité complexe encore peu connue. Des chercheurs estiment que 8,7 millions d’espèces existent sur Terre, dont 2,2 millions d’espèces marines[7]. A ce jour, moins de 280 000 espèces marines ont été recensées, soit 13 % de l’ensemble des espèces recensées sur la planète[8].

 

La Convention sur la Diversité Biologique (CDB) définissait en 1992 la biodiversité comme la « variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie »

La biodiversité marine désigne donc l’ensemble des êtres vivants marins, les écosystèmes[9] dans lesquels ils vivent et les interactions des espèces entre elles et avec leurs milieux[10]. Comme la biodiversité terrestre, la biodiversité marine se déploie sur des écosystèmes très variés de pleine eau ou rattachés à des habitats côtiers (estuaires, lagunes, récifs, mangroves) ou bien hauturiers (plateaux, plaines océaniques et abysses). Parmi les écosystèmes marins, on retrouve, par exemple : les récifs coralliens qui abritent une grande diversité de poissons, coraux, mollusques et autres espèces marines ; les estuaires où les eaux douces des rivières rencontrent les eaux salées des océans, créant des habitats uniques pour de nombreux poissons, crustacés, et oiseaux ; et les abysses, des zones profondes et inaccessibles des océans, où vivent des espèces adaptées aux conditions extrêmes de pression et de température, comme des poissons des abysses, des coraux froids et des invertébrés uniques.

Cette biodiversité marine présente de nombreuses particularités qui en font un sujet complexe à étudier : la difficulté d’accès à l’environnement pour l’étudier, la structure tridimensionnelle des mers et des océans, la grande mobilité des espèces marines qui peuvent migrer sur de longues distances, les relations symbiotiques entre les espèces et la complexité des chaînes alimentaires. 

Pourquoi la biodiversité marine est essentielle à l’humanité ?

 

Les impacts des activités humaines sur la biodiversité marine 

La biodiversité marine, menacée par des pressions multiples, joue pourtant un rôle central dans le fonctionnement du système Terre. Elle se dégrade à une vitesse et une intensité inégalées jusqu’ici. A titre d’exemples, un tiers des espèces contribuant à la formation des récifs coraliens est menacée d’extinction[11] et 33%[12] des stocks halieutiques mondiaux sont surexploités.

Les activités humaines exercent cinq pressions (directes ou indirectes) sur les milieux marins : 

  1. la surexploitation des ressources marines
  2. la destruction des milieux naturels,
  3. le changement climatique (réchauffement et acidification des océans)
  4. la pollution (pollution plastique, pollution chimique)
  5. l’introduction d’espèces exotiques envahissantes

 

Le Figure 1 décrit les activités humaines associées à chaque pression de l’IPBES et présente quelques chiffres et les conséquences néfastes sur la biodiversité marine ; le déclin des populations d’espèces marines est de l’ordre de 56 % depuis les années 1970.[13]

Source : Carbone