Mer Rouge : Selon la Marine nationale, la précision des attaques houthies contre le trafic maritime n’est que de 7 %
7 février 2025
7 février 2025
Comme on pouvait s’en douter, dans son rapport publié le 4 février, le centre d’expertise français à compétence mondiale dédié à la sûreté maritime [Maritime Information Cooperation & Awareness Center -MICA Center] a constaté une nette dégradation de la sécurité maritime en 2024, avec la hausse significative du nombre d’actes de piraterie, en particulier au large de la Corne de l’Afrique, l’explosion des trafics, notamment de cocaïne, et, évidemment, les attaques lancées depuis le Yémen par les rebelles houthis contre le trafic commercial en mer Rouge et dans l’océan Indien.
Pour assurer la protection des navires civils, deux opérations navales ont été créées, à savoir EUNAVFOR Aspides, à laquelle la France participe aux côtés de quelques partenaires européens, et Gardiens de la Prospérité, menée sous commandement américain.
Depuis l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu à Gaza, les houthis ont considérablement réduit le rythme de leurs attaques et assuré qu’ils ne s’en prendraient plus qu’aux navires ayant des liens avec Israël [ce qui était déjà censé être le cas…].
Quoi qu’il en soit, selon le MICA Center, les houthis ont lancé « environ 700 munitions » tout au long de l’année 2024, dont environ 40 % de missiles balistique, 2 % de missiles de croisière, 56 % de drones aériens [ou munitions téléopérées] et 2 % de drones de surface. Et cela contre des « navires de commerce » liés à des intérêts israéliens, britanniques ou américains.
« Cela s’est traduit par 236 événements sécuritaires au total [détection de drones aériens ou de missiles, interception d’un objet par un moyen militaire, attaque portée sur un navire ou plus directement sur Israël] », avance le rapport.
Visiblement, ces attaques sont loin d’avoir atteint toutes leurs cibles. En effet, si les houthis en ont revendiqué 200, le MICA Center n’en a relevé que 124, « ciblant autant de navires ».
Parmi ces derniers, 27 ont été « très légèrement impactés, soit après avoir été touchés par un drone, soit sous l’effet des impacts des missiles tombés en mer à proximité ». Le rapport souligne que « tous ont pu poursuivre leur route et n’ont pas eu de blessés à bord ».
En revanche, 6 navires ont été « plus gravement touchés », à savoir le MV Galaxy Leader [arraisonné par voie aérienne avant d’être détourné], le MV Marlin Luanda [incendie à bord], le MV Rubymar [coulé, avec 200 tonnes de fuel et 20 000 tonnes de phosphates à bord], le MV Verbena [abandonné], le MV Sounion [sauvé in extremis, avec 150 000 tonnes de pétrole], le MV True Confidence et le MV Tutor. À noter que quatre marins ont perdu la vie.
Comme l’avait déjà fait remarqué le député Yannick Chenevard, dans son dernier avis budgétaire sur les crédits de la Marine nationale, les munitions tirées par les houthis ne se caractérisent pas par leur grande précision. « Les causes en sont tant la rusticité desdits objets – les missiles balistiques n’ont par exemple pas de guidage terminal – que la protection des navires de commerce par les frégates des opérations Aspides et Prosperity Guardian », avait-il avancé.
Ce que le MICA Center confirme. La « précision des attaques houthies est de l’ordre de 7 % ». Les rebelles yéménites, rappelle son commandant, le capitaine de frégate Thomas Scalabre, ont pu « tirer jusqu’à 12 missiles balistiques sur un bateau » sans que celui ne soit touché.
En outre, relève encore le MICA Center, 85 % des navires attaqués avaient leur système de localisation AIS allumé. « Lorsque l’AIS est éteint, seuls 5 % des navires sont atteints, souligne-t-il, avant de conclure que « naviguer avec l’AIS en fonction expose les navires à un plus grand risque ».
Cela étant, les houthis utilisent d’autres modes opératoires pour localiser leurs cibles. Ainsi, ils ont recours à des « sonnettes », c’est-à-dire des navires de pêches chargés de mener des missions de reconnaissance et de guidage, voire de relayer des messages de menaces via la VHF.
« Les houthis disposent d’un stock de munitions important pour lequel ils ont un appui entre autres logistique de la part de l’Iran. Cela se traduit notamment par des attaques massives pouvant compter une dizaine de missiles balistiques à l’encontre d’un seul navire. La récente décrue du nombre d’attaques ne permet pas de remettre clairement en cause ce scénario », note encore le MICA Center.
Enfin, le rapport insiste sur le fait que les attaques houthies vont de pair avec des « campagnes de propagande insidieuse ». Ainsi, « 56 % de leurs revendications sont totalement fausses et 20 % partiellement vraies. Cette désinformation permanente a pour finalité d’intimider l’industrie maritime en biaisant la perception de la capacité offensive houthiste », explique-t-il.
Reste que si la précision des attaques houthis est faible, elle est suffisante pour avoir des conséquences sur le trafic maritime, celui-ci s’étant redirigé massivement vers le cap de Bonne-Espérance, d’ailleurs au grand dam de l’Égypte, le montant total des droits de passage du Canal de Suez s’étant effondré. Au passage, les primes d’assurance ont « explosé » : elles ont désormais atteint 0,1 % de la valeur du navire, contre 0,04 % auparavant.