“Méditerranée 2050”, un message d’espoir au Musée océanographique de Monaco

Depuis le 29 mars 2025, la nouvelle exposition « Méditerranée 2050 » du Musée océanographique de Monaco a ouvert ses portes. À travers quatre espaces, elle propose un véritable voyage immersif. Après avoir découvert ses enjeux actuels, les visiteurs plongent dans une mer Méditerranée protégée et florissante en 2050.

Un cachalot immense trône au milieu d’une salle d’archives rappelant un cabinet de curiosité. Devant lui, une fenêtre, face à la Méditerranée. Le ton est donné. Après les pôles, cap sur la Grande Bleue. Le 29 mars 2025, le Musée Océanographique de Monaco a ouvert sa nouvelle exposition « Méditerranée 2050 ». Bien qu’elle ne représente que 0,3 % du volume océanique mondial, cette mer abrite près de 7 % des espèces marines de la planète. Avec 1000 mètres carrés qui lui sont dédiés, l’exposition encourage à garder espoir quant à la sauvegarde de ce patrimoine naturel, au cœur des actions de Monaco depuis près de 120 ans.

 

Monaco et la préservation de la Méditerranée, une histoire ancienne

 

Cette exposition s’impose naturellement à la cité monégasque, pionnière dans la protection de l’environnement marin. Entre 1885 et 1915, le Prince Albert Ier a porté des expéditions scientifiques pour mieux comprendre l’océan, et a plaidé en faveur de la création de zones protégées, semblables aux aires marines protégées actuelles (lire l’encadré ci-dessous). Plus tard, le Prince Rainier III s’est fortement mobilisé en signant des accords de grande importance sur la conservation des cétacés et de lutte contre la pollution. Le musée se fait le porte-voix de cet héritage, continué aujourd’hui par le Prince Albert II et l’Institut Océanographique, avec une politique active de conservation mise en avant lors de l’exposition.

 

Salle Oceanomania de l\'exposition \

Salle Oceanomania. Crédits : Institut océanographique de Monaco / Frederic Pacorel.

C’est dans la salle « Oceano Monaco » que le visiteur peut plonger dans les engagements monégasques passés mais également actuels. La mezzanine met en lumière les démarches de la Principauté de Monaco et ses nombreux acteurs qui œuvrent au niveau local, régional et international. Un moyen astucieux de présenter les menaces qui pèsent sur la Méditerranée et les solutions pour y faire face. Et si cela restait encore trop abstrait, l’exposition, qui se veut immersive, propose au visiteur de se mettre dans la peau d’un gestionnaire d’une aire marine protégée (AMP) qui voit son trait de côte évoluer selon ses choix.

Les aires marines protégées (AMP) sont des zones maritimes où certaines activités humaines sont limitées, jouant un rôle clé dans la préservation du milieu. En Méditerranée, leur couverture a augmenté au cours de la dernière décennie, avoisinant les 10%. Toutefois, des problèmes subsistent quant à l’efficacité de la gestion de celles-ci. En effet, seulement 18% d’entre-elles ont confirmé avoir un plan de gestion actif, d’après le rapport sur le statut sur l’état des AMP publié en 2023 par MedPAN, soit moins de 2% de la Méditerranée. Un chiffre bien en deçà des 30% attendus en 2030 dans l’objectif “30×30” du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, adopté en décembre 2022.

 

Présenter les différents niveaux d’actions

 

Pensée en résonance avec l’aquarium, l’exposition met en avant différentes espèces, dont certaines emblématiques comme la posidonie (Posidonia oceanica) et le mérou brun (Epinephelus marginatus). Malgré son caractère unique, les écosystèmes de la Grande Bleue sont mis en péril par la pollution, l’urbanisation côtière, le réchauffement climatique et la surpêche. Ce sont environ 11 % des espèces marines et 14 % des espèces terrestres côtières qui sont menacées d’extinction.

Cette exposition veut briser le fatalisme et proposer des solutions concrètes à ces problématiques. « Quand on a interrogé nos visiteurs sur nos derniers programmes, on a constaté qu’ils avaient compris et retenu les problématiques. La demande suivante était  : maintenant qu’est-ce qu’on fait concrètement ? », confie Bernard Reilhac, directeur du développement du Musée océanographique de Monaco. Clément Lavigne, directeur de la politique de l’océan, ajoute : « avec cette exposition, on insiste sur la dimension collective de la transformation. On essaie de faire en sorte que le grand public se rende compte que l’amélioration dépend des actions qu’il va prendre lui, mais aussi lui montrer le rôle du secteur privé et public. Dans le dernier espace interactif, chaque thème sélectionnée illustre cette dynamique, le choix pris en tant qu’individu, et la responsabilité des pouvoirs publics et industriels. Il y a cette volonté de présenter les différents niveaux d’actions en faveur de la Méditerranée ».

Salle My OCEANO Med de l\'exposition \

Salle My OCEANO Med. Crédits : Institut océanographique de Monaco / Frederic Pacorel.

Un voyage utopique, mais pas irréaliste, en 2050

Moment fort de l’exposition, la salle immersive « Océano Odyssey » invite les visiteurs à embarquer à bord d’un sous-marin pour explorer une Méditerranée préservée en 2050. Bernard Reilhac justifie ce choix original : « les problématiques sont traitées durant tout le reste de l’exposition, ici on souhaite donner un message positif et d’espoir. L’utopie ne signifie pas l’irréalisable mais l’irréalisé comme aime à le dire Robert Calcagno (directeur général de l’Institut océanographique, ndlr) en reprenant les mots de Théodore Monod (scientifique, naturaliste et explorateur français, ndlr), mais 2050 c’est déjà maintenant« . Fruit de la collaboration entre des chercheurs et des experts de technologies de pointe, l’espace de 300 mètres carrés plonge le spectateur dans un écosystème riche en biodiversité.

Salle Oceano Odyssey pour l\'exposition \

Salle Oceano Odyssey, immersion pour la mission fictive intitulée PELAGOS. Crédits : Institut océanographique de Monaco / Frederic Pacorel.

Youenn Le Guen, président de l’association Artisan d’idées qui a conçu le dispositif Océano Odyssey, explique à Sciences et Avenir le travail derrière ce décor imaginaire : “Après avoir travaillé sur des fiches et vidéos d’espèces que les scientifiques nous ont faites, nous avons modélisé les espèces en 3D et les avons entraînées à l’aide de l’intelligence artificielle pour recréer leurs comportements. Et après, il a fallu mettre en danse tout cela ensemble ! Là par exemple, on a 780.000 sardines. […] Un autre point important était de conserver la superbe de l’architecture de la salle tout en la transformant en submersible. Pour cela, nous avons utilisé les ouvertures pour créer des hublots, donnant l’impression de faire bouger la salle.

Après 15 mois de travail et d’échanges constants entre concepteurs et scientifiques, le visiteur peut vivre une expédition scientifique de 16 minutes aux côtés d’Anita, une jeune océanographe fictive inspirée de la pionnière Anita Conti.

Une exposition amenée à évoluer

Ayant en ligne de mire l’objectif “30×30”, l’Institut océanographique multiplie les initiatives afin de sensibiliser et mobiliser toutes les forces, scientifiques, gouvernementales, secteur privé et public. En ce sens, la plateforme Explorations de Monaco, qui mène des missions de recherche et médiation scientifiques à l’international, lance sa nouvelle expédition en Méditerranée. Cette dernière, qui débute dès l’automne 2025, conduira à plusieurs opérations scientifiques (collecte de données, mesure du microbiome entre autres), et viendra enrichir les informations communiquées par l’exposition “Méditerranée 2050”.

Les membres de l’Institut espèrent redonner espoir avec cette exposition. “Peut-être que ça va générer des vocations et que demain c’est eux, les enfants qui visitent ce submersible virtuel, qui seront aux manettes pour protéger l’océan”, espère Bernard Reilhac. Un discours que complète Mia Marty, chargée de mission dans l’équipe de la politique de l’océan : “on oublie souvent que la Méditerranée est très riche, très belle et très vivante malgré tout. Il faut qu’on reprenne l’habitude de mettre le nez dans l’eau”. Une conclusion qui reflète l’esprit de l’exposition.


Source :
sciences et avenir