Marseille : Pour la première fois, la ville replante des graines de posidonie ramassées sur la plage

 

Le zodiac de la patrouille maritime de la ville de Marseille file droit vers les récifs artificiels immergés de la baie du Prado, zone sanctuaire entre la Corniche et le Frioul. A son bord, sur une mer d’huile ce mardi, des plongeurs de « l’opération Posidonie », chapeautée par le groupement d’intérêt scientifique (GIS) Posidonie et soutenue à hauteur de 15.000 euros par la ville. Ils s’apprêtent à se jeter à l’eau avec, dans une bourriche, un précieux trésor ramassé quelques jours plus tôt sur des plages varoises : des graines de posidonie, ces herbes sous-marines aux milles vertus écologiques (si elles ne sont pas détruites…) et présentes uniquement en Méditerranée.

« Aujourd’hui, ils vont semer 4.000 graines sous des tapis de fibre de coco, à 25 mètres de profondeur, poursuit l’adjoint à la mer Hervé Menchon (EELV). Nous avons une feuille de route très ambitieuse sur la question de la posidonie à Marseille. Jusqu’à présent, nous étions devant le constat qu’il est possible de protéger mais difficile de développer ces herbiers. » L’optique change avec la floraison exceptionnelle de la posidonie cet automne, sans doute liée à la canicule marine. Un phénomène qui s’observe, selon l’élu, tous les 4 à 10 ans. Alors, lorsque les scientifiques lui parlent du projet de récolter les graines nombreuses à venir, pour les planter dans la baie de Marseille, il n’hésite pas un instant. Reste à attendre que la floraison porte ses fruits. Une fois détachés de la plante, ceux-ci flottent et viennent s’échouer sur la plage. Il est alors possible d’en récupérer les graines.

 

« Une première hors laboratoire »

 

« Et puis soudainement, un soir de la semaine dernière, je reçois un appel me disant que l’opération Posidonie a commencé », sourit Hervé Menchon. « Nous avons beaucoup communiqué sur les réseaux sociaux pour avoir des yeux et des oreilles un peu partout », continue Thomas Schohn, ingénieur d’études au GIS Posidonie. L’équipe se rend à la Londe-les-Maures, dans le Var, où on lui a signalé un gros échouage de fruits de posidonie, normalement interdits au ramassage : l’association a eu une autorisation spéciale de l’Etat. « En quelques heures on a pu récupérer l’équivalent de 10.000 graines », indique le scientifique. L’ensemble est ramené et mis à l’abri au frais, sans son élément naturel, sous un ponton de l’archipel du Frioul. Une première plongée a lieu vendredi. A chaque fois, les graines sont triées au préalable, pour ne garder que celles qui peuvent germer.

Si l’on s’en tient au processus naturel, la graine coule à l’endroit où la fleur de posidonie s’ouvre. C’est donc un peu aléatoire. « L’idée, avec cette opération, est de cibler une zone où l’on sait que la dynamique de l’herbier de posidonie est positive, pour aller placer ces graines de façon un peu plus dense et augmenter leur chance de survie, explique Thomas Schohn. Pour nous, c’est la première fois que cette expérience est faite en prenant directement des graines qui ne sont pas germées en laboratoire. » Un tel procédé mise davantage sur la quantité des graines ramassées, que sur leur qualité obtenue en laboratoire, S’il fonctionne, il serait « duplicable à plus grande échelle très simplement, même par des plongeurs de loisir ou des associations bénévoles. »

 

« Un coup de pouce »

 

La démarche n’a toutefois de sens que sur des zones déjà protégées des activités humaines, autrement dit interdites de pêche, de mouillage, etc. « On ne va pas sauver l’herbier comme ça, rappelle Thomas Schohn. C’est un petit coup de pouce que l’on peut apporter quand on a mis fin d’abord aux pressions humaines. Dans la baie de Marseille, l’herbier a regagné 1 mètre en dix ans, c’est très lent. Le fait de semer quelque 25 m² en plus, à l’échelle de quatre ou cinq ans, cela peut donner des résultats intéressants. »

A bord du zodiac, Hervé Menchon rappelle l’importance des herbiers de posidonie pour la stratégie de « décarbonation » de la ville de Marseille, et plus encore. « L’herbier permet de capter de fortes quantités de CO2 en profondeur et de lutter contre le réchauffement climatique, énumère-t-il. La posidonie produit par ailleurs de l’oxygène, et permet de lutter contre l’acidification de la mer et pour la bonne qualité des eaux de baignade. Enfin, ce sont des endroits où les poissons trouvent refuge pour créer leur nurserie. Ils participent à la biodiversité marine. » Un premier bilan de l’expérimentation aura lieu d’ici un an, avant un suivi sur le plus long terme. La prochaine plongée est prévue au mois de septembre, pour voir si les graines de posidonie ont bien passé l’été.

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