Madagascar accélère sa transition vers une économie bleue durable

 

Du 17 au 19 avril 2025, Madagascar accueille la deuxième édition du Forum des jeunes africains sur l’économie bleue. Alors que les inscriptions sont officiellement ouvertes depuis quelques jours, l’organisation de cet événement symbolise l’engagement croissant du pays dans le développement de ce secteur stratégique.

Depuis plusieurs années, le gouvernement met en œuvre une politique ambitieuse visant à structurer et exploiter durablement les ressources maritimes. Ce choix s’inscrit dans une dynamique globale, où l’économie bleue représente un potentiel économique estimé à plus de 3000 milliards de dollars par an, selon la Banque mondiale.

Un potentiel maritime considérable, mais sous-exploité

Avec 5500 kilomètres de côtes, Madagascar dispose d’un littoral exceptionnel, bordé de récifs coralliens et de mangroves, qui couvrent respectivement plus de 2000 km² et 2 % de la couverture mondiale. Ces écosystèmes jouent un rôle clé dans la préservation de la biodiversité marine et le développement économique local, notamment à travers la pêche, l’aquaculture et le tourisme côtier.

1 Madagascar09 agosto 2015 27 copyUn littoral exceptionnel, bordé de récifs coralliens et de mangroves.

La Zone Économique Exclusive (ZEE) de Madagascar, qui s’étend sur 1,14 million de km² – soit plus du double de sa superficie terrestre – confère au pays des droits exclusifs d’exploitation sur des ressources halieutiques, énergétiques et minérales encore largement sous-exploitées.

2 graphInvestissement et temps de mise en œuvre des opportunités relatives à l’Économie bleue (SNEB, Madagascar)

Le tourisme maritime et côtier constitue également un levier économique majeur. Des sites emblématiques comme Nosy Be, Sainte-Marie et la Baie d’Antongil attirent chaque année des milliers de visiteurs, séduits par la diversité des paysages et la richesse de la faune marine.

3 baleine bosseDes expéditions en kayak pour observer les baleines.

La plongée sous-marine, l’écotourisme et l’observation des cétacés, notamment des baleines à bosse, sont autant d’activités qui contribuent à dynamiser le secteur. Cependant, l’insuffisance des infrastructures et l’absence d’une stratégie clairement définie pour le tourisme bleu limitent encore son plein essor.

Une structuration progressive de l’économie bleue

Face à ces enjeux, la nécessité d’une meilleure structuration de l’économie bleue malgache s’est imposée dès les années 2010. En 2021, cette orientation a conduit à la création du ministère de la Pêche et de l’Économie bleue, marquant ainsi l’intégration officielle de cette thématique dans l’appareil gouvernemental. L’élaboration entre 2022 et 2023 de la Stratégie nationale de l’Économie bleue (SNEB) constitue une étape clé dans cette démarche. Ce document-cadre vise à maximiser les opportunités offertes par l’économie maritime, tout en garantissant une gestion durable et équitable des ressources naturelles.

La SNEB repose sur cinq axes stratégiques. Elle vise à améliorer la gouvernance bleue à travers une réglementation plus adaptée et une meilleure coordination entre les différentes parties prenantes. Le document met aussi l’accent sur la valorisation des ressources naturelles, notamment via une pêche durable et un développement accru de l’aquaculture. Le développement des infrastructures et des services maritimes est par ailleurs au cœur des priorités, tout comme l’exploitation raisonnée des ressources en eau. La stratégie vise enfin le renforcement de la résilience au changement climatique, alors que le pays est très exposé aux cyclones et à l’érosion côtière.

La pêche et l’aquaculture, moteurs de l’économie bleue

Le secteur de la pêche occupe une place centrale dans la stratégie économique de Madagascar. Alors que la production halieutique annuelle atteint environ 100 000 tonnes, les estimations suggèrent que le potentiel réel de la ZEE malgache se situe autour de 220 000 tonnes. Cet écart s’explique en partie par la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), mais aussi par des lacunes dans les infrastructures et le contrôle des ressources.

4 aquacultureL’algoculture offre une nouvelle source de revenus aux populations locales.

Dans cette optique, la SNEB prévoit une réévaluation du potentiel halieutique afin d’optimiser l’exploitation des ressources. Une attention particulière est portée à l’aquaculture, dont le développement reste limité malgré un potentiel considérable. Selon un rapport paru en 2022 et citant des données du gouvernement et de la FAO, la production aquacole totale de Madagascar s’élevait à 29 477 tonnes en 2020, dont 23 130 tonnes issues de l’aquaculture marine, largement dominée par la culture des algues et l’élevage de crevettes.

« Une attention particulière est portée à l’aquaculture, dont le développement reste limité malgré un potentiel considérable. »

L’aquaculture continentale, bien que plus modeste, a connu une croissance significative, atteignant 6347 tonnes, soit une augmentation de 123 % en dix ans. Toutefois, il existerait encore une importante marge de progression, avec un potentiel de production d’au moins 100 000 tonnes de produits aquatiques d’eau douce (carpe, tilapia, spiruline, etc.) selon les estimations.

Pour exploiter pleinement le potentiel de l’aquaculture, le gouvernement entend favoriser l’investissement privé et créer un cadre incitatif permettant d’accélérer la mise en place d’initiatives aquacoles.

L’un des axes clés de cette stratégie repose sur la valorisation des produits de la pêche. Une part importante des captures de la petite pêche est actuellement perdue faute de solutions de conservation adaptées. Dans les villages de pêcheurs où l’accès à l’électricité et à la glace est inexistant, l’introduction de techniques de fumage et de salage améliorées constitue une priorité. La modernisation des infrastructures portuaires et logistiques est également un impératif pour favoriser l’exportation et renforcer la compétitivité du secteur.

Le tourisme, un levier stratégique en pleine mutation à Madagascar

Le tourisme est considéré comme un moteur essentiel du développement économique durable à Madagascar, avec pour objectif d’augmenter sa contribution au PIB au-delà de 15 à 20 %. L’ambition affichée est d’atteindre un million de visiteurs non-résidents d’ici 2028, soit plus du double du nombre enregistré en 2019. Le secteur du tourisme lié à l’eau, englobant les aspects marins, côtiers et continentaux, représente un axe stratégique majeur de la SNEB.

L’essor du tourisme bleu repose sur plusieurs initiatives. L’État malgache prévoit de développer de nouveaux pôles d’attraction axés sur la plongée écologique, les éco-lodges flottants et les expéditions en kayak pour observer les baleines.

« L’État malgache prévoit de développer de nouveaux pôles d’attraction axés sur la plongée écologique, les éco-lodges flottants et les expéditions en kayak pour observer les baleines. »

Ces infrastructures s’appuient sur un réseau d’aires marines protégées qui favorisent à la fois la conservation et l’activité touristique. La valorisation des destinations emblématiques comme Nosy Be, Sainte-Marie, la Baie d’Antongil et le Canal des Pangalanes permettra également de structurer une offre cohérente, adaptée aux standards internationaux.

5 Canal des Pangalanes Le Canal des Pangalanes s’étend sur 700 km.

Jusqu’à présent, le tourisme national a été largement négligé dans les politiques de développement touristique de Madagascar. La crise du Covid-19 a d’ailleurs révélé l’existence d’un véritable marché intérieur, avec plus d’un million de visiteurs enregistrés annuellement dans la région Analamanga, selon l’Office Régional du Tourisme d’Analamanga (ORTANA).

La SNEB entend valoriser cette dynamique en intégrant pleinement le tourisme national dans la stratégie de développement de l’économie bleue. Cela passe notamment par l’aménagement de sites à fort potentiel, comme le Canal des Pangalanes, qui pourrait devenir un axe majeur du tourisme fluvial sur près de 700 kilomètres entre Tamatave et Farafangana dans l’Est du pays.

L’objectif est de structurer et diversifier l’offre en développant des hébergements adaptés, en favorisant les investissements privés et en renforçant la formation des acteurs du secteur. Le gouvernement prévoit également de faciliter l’accès aux destinations touristiques grâce à l’amélioration des routes et l’extension des liaisons aériennes régionales.

Pour assurer l’attractivité et la compétitivité de la destination Madagascar, des investissements significatifs dans les infrastructures sont nécessaires. La modernisation des ports, l’amélioration de la connectivité aérienne et terrestre et le développement d’infrastructures de transport maritime sont autant de mesures prévues dans la SNEB. L’extension des aéroports régionaux pour accueillir des vols internationaux et la mise en place d’équipements spécifiques pour les activités nautiques (ports de plaisance, marinas, débarcadères) figurent également parmi les actions prioritaires.

Un avenir à bâtir entre ambitions et défis

La mise en œuvre de la SNEB constitue une avancée majeure pour Madagascar, mais sa réussite dépendra de plusieurs facteurs. L’amélioration de la gouvernance, le renforcement des capacités techniques et la mobilisation de financements seront essentiels pour concrétiser les ambitions affichées. L’attractivité des investissements, notamment par le biais de partenariats publics-privés et d’un meilleur accès aux financements internationaux, jouera un rôle clé dans le succès de cette transition.

L’organisation du Forum des jeunes africains sur l’économie bleue en avril 2025 s’inscrit dans cette dynamique et témoigne de la volonté de Madagascar de se positionner comme un acteur majeur de l’économie bleue en Afrique. Cet événement sera une plateforme pour échanger sur les solutions à mettre en place afin de faire de l’économie maritime un véritable moteur de croissance. Madagascar accueille aussi en avril 2025 le sommet de la Commission de l’océan Indien sur l’île de Nosy Be. Le sujet de l’économie bleue sera au cœur des discussions impliquant notamment le président français Emmanuel Macron, attendu sur la Grande Ile.

« Madagascar accueille aussi en avril 2025 le sommet de la Commission de l’océan Indien sur l’île de Nosy Be. Le sujet de l’économie bleue sera au cœur des discussions impliquant notamment le président français Emmanuel Macron, attendu sur la Grande Ile ».

Au-delà des ambitions politiques et des cadres stratégiques, il faut toutefois souligner que la transformation effective de l’économie bleue malgache nécessitera une exécution rigoureuse et des mécanismes de suivi performants. Si Madagascar parvient à surmonter les défis structurels et à concilier exploitation économique et préservation environnementale, l’économie bleue pourrait bien devenir l’un des piliers du développement durable du pays.

Source : agenceecofin