L’UE interdit en partie ses exportations de déchets vers les pays pauvres
23 novembre 2023
23 novembre 2023
Serait-ce le début de la fin pour le septième continent du monde, composé de milliards de morceaux de plastique ? L’accord conclu par l’Union européenne ce jeudi 16 novembre autour des exportations de déchets s’attaque à cette problématique environnementale, au cœur des négociations mondiales en cours à Nairobi (Kenya). «L’Union européenne va enfin endosser la responsabilité de ses déchets, a déclaré la députée danoise Pernille Weiss, en charge du texte, dans un communiqué. Les déchets sont une ressource lorsqu’ils sont correctement gérés, mais ne doivent en aucun cas nuire à l’environnement ou à la santé humaine.»
D’un côté, les législateurs européens et les Etats membres se sont accordés sur un arrêt total des exportations de déchets plastiques vers les pays n’appartenant pas à l’OCDE, groupe d’une trentaine de pays riches et industrialisés. Au bout de cinq ans, les Etats qui souhaiteraient à nouveau importer des déchets plastiques de l’UE pourront demander à la Commission de lever cette interdiction.
Il était temps d’agir. Au cours des années précédentes, près de la moitié des exportations de déchets des pays de l’Union européenne étaient en effet destinées à des pays non membres de l’OCDE, dans lesquels les règles de gestion sont peu contraignantes.
«Cette décision montre que l’UE commence enfin à assumer la responsabilité de son rôle dans l’urgence mondiale de la pollution par les plastiques», s’est félicité Lauren Weir, responsable de projet à l’Agence d’investigation environnementale (EIA). «Il appartient désormais aux Etats membres de veiller à ce que tout soit mis en œuvre pour que les futures exportations de déchets plastiques de l’UE soient gérées dans le respect de l’environnement et n’aient pas d’incidence négative sur les capacités de recyclage des pays destinataires», ajoute-t-elle.
Ces règles, qui doivent encore être formellement approuvées par le Conseil européen et le Parlement avant d’entrer en vigueur, prévoient également des contrôles plus stricts sur les exportations de déchets plastiques vers les pays membres de l’OCDE, qui demeurent quant à elles possibles. Mais des conditions étroites seront imposées à tous ces transferts, notamment la nécessité d’appliquer au préalable une procédure de consentement écrit. Ces nouvelles mesures pourraient intervenir en 2026.
Les déchets dits «non dangereux» ainsi que les combinaisons de «déchets dangereux destinés à être valorisés» bénéficieront par ailleurs d’une réglementation plus souple. Leurs exportations vers des pays non membres de l’OCDE resteront possibles, à condition que ces derniers consentent à les traiter d’une manière «écologiquement rationnelle». Le «respect des droits internationaux des travailleurs» sera également pris en compte, indique la Commission. Une liste de ces pays bénéficiaires sera émise par l’UE et mise à jour «au moins tous les deux ans».
Ces dérogations suscitent l’inquiétude de Sedat Gündogdu, chercheur sur les microplastiques à l’université de Çukurova en Turquie, cité par l’ONG environnementale Rethink Plastic : «L’interdiction des exportations de déchets plastiques vers les pays non membres de l’OCDE est une décision importante. Cependant, il est décevant de ne pas voir une interdiction totale d’exportation des transferts – et même pas une interdiction des déchets plastiques dangereux et mixtes – vers la Turquie, qui est à la fois le plus grand importateur de déchets plastiques de l’UE et un membre de l’OCDE.» En somme, le transfert de pollution de l’UE vers le reste du monde est loin d’être totalement banni.