L’OMI reporte d’un an l’adoption de son accord sur la décarbonation du transport maritime
23 octobre 2025
23 octobre 2025
C’était l’une des décisions climatiques les plus attendues de l’année. Mais il faudra attendre encore 12 mois. Réunis à Londres du 14 au 17 octobre, les États membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) ont décidé de reporter à 2026 l’adoption formelle du cadre « Net Zero », un ensemble de mesures visant à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre (GES) du transport maritime international, responsable d’environ 3 % des émissions mondiales. En cause : des pressions diplomatiques et économiques exercées par les États-Unis, farouchement opposés à l’instauration d’un mécanisme mondial de tarification du carbone dans le secteur.
Les États membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) ont décidé d’ajourner d’un an l’adoption formelle du cadre « Net-Zero », une mesure pourtant saluée comme un tournant pour l’industrie maritime mondiale. Ce texte, déjà approuvé en principe en avril 2025, visait à encadrer la réduction progressive des émissions de gaz à effet de serre des navires, avec pour objectif une neutralité carbone d’ici 2050. La mise en œuvre devait débuter en 2028, avec l’introduction d’un mécanisme mondial de tarification du carbone et une norme internationale sur les carburants marins. L’OMI tablait sur une réduction de 20 % des émissions dès 2030, par rapport au niveau de 2008. Un objectif ambitieux, qui s’inscrit dans la stratégie adoptée par l’agence onusienne en 2023 pour aligner le transport maritime avec les objectifs climatiques de l’accord de Paris.
Mais la décision finale a été repoussée sous la pression des États-Unis, farouchement opposés à l’instauration d’un prix mondial du carbone pour les navires. Donald Trump a appelé à voter contre ce plan dans un nouveau message sur X jeudi. « Les États-Unis ne toléreront PAS cette arnaque verte mondiale sous forme de taxe sur le transport maritime et ne s’y conformeront d’aucune manière« , a-t-il affirmé. « Nous ne tolérerons pas d’augmentation des prix pour les consommateurs américains NI la création d’une bureaucratie verte pour dépenser VOTRE argent dans leurs rêves écologiques« , a poursuivi le président américain. Dans les jours précédant la réunion, Washington avait brandi la menace de sanctions économiques, y compris des restrictions de visa et des frais portuaires supplémentaires à l’encontre des pays favorables au texte. « Grâce au leadership du président Trump, nous avons empêché l’ONU d’imposer une taxe carbone mondiale qui aurait frappé de plein fouet les consommateurs américains », s’est félicité Marco Rubio, secrétaire d’État américain, sur le réseau X, qualifiant le report de « victoire énorme ». Selon l’administration américaine, cette taxe — qualifiée de « néocoloniale » — aurait pu entraîner une hausse de 10 % ou plus des coûts du transport maritime mondial.
Du côté des défenseurs du climat, la réaction est tout autre. À l’ONU, le porte-parole du secrétaire général António Guterres a exprimé sa déception : « C’est une occasion manquée de la part des États membres pour placer le secteur du transport maritime sur un chemin clair et crédible vers zéro émission nette. » L’Union européenne, soutien actif du projet, déplore également ce blocage. « Ce cadre est un pas crucial pour aligner le transport maritime avec les objectifs climatiques mondiaux », a rappelé Wopke Hoekstra, commissaire européen à l’action pour le climat, estimant qu’il s’agissait là d’un moment « essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique ».
Le report pourrait fragiliser la dynamique enclenchée au sein de l’OMI depuis 2023. En effet, le cadre “Net Zero” prévoit non seulement des obligations de réduction d’émissions, mais également la création d’un fonds climatique maritime, financé par les armateurs les plus émetteurs. Ce fonds vise à soutenir la transition énergétique dans les pays en développement et à encourager l’adoption de carburants alternatifs comme le méthanol renouvelable, le bioGNL ou l’ammoniac vert. « Chaque année de retard, c’est une année perdue pour le climat et pour l’innovation industrielle, commente un diplomate européen. La transition énergétique du secteur maritime ne peut plus attendre. »
La session extraordinaire du comité de protection du milieu marin de l’OMI sera reconvoquée dans 12 mois. En attendant, les négociations techniques se poursuivent : le groupe de travail intersessions se réunira dès le 20 octobre pour avancer sur les lignes directrices du futur cadre réglementaire. Mais l’issue de ces discussions dépendra d’un consensus politique qui semble, pour l’heure, difficile à atteindre. « Il est regrettable qu’une fois encore des intérêts économiques à court terme aient primé sur la nécessité d’une action climatique forte et collective », déplore un représentant d’un État insulaire, en première ligne face à la montée des eaux.